Le vent la couleur, Jean Pierre Vidal (par Didier Ayres)
Le vent la couleur, Jean Pierre Vidal, éditions Le Silence qui roule, septembre 2021, 100 pages, 13 €
Explication du vent
Ce recueil tourne proprement dans le vent et la couleur. Mais tourne sans presque de bruit, avec un vent sans nom et une couleur sans couleur, réduits à leur essence. Nous sommes plus dans l’archétype du vent que dans le vent, dans le gris plutôt que la couleur. De ce fait nous nous tenons à la limite de l’exprimable, tant sont resserrées cette émanation et cette teinture. Du reste, ce n’est pas le vent de l’Évangile, lequel n’est pas synonyme de l’amour du Dieu car il cesse sans raison et ne connaît que le désordre.
Le vent de Jean Pierre Vidal s’explique de ce qu’il fait et explique le destin de la ventosité. La quête demeure de toute façon, elle aussi essentielle, mais qui ne se jette pas par caprice depuis les quatre points cardinaux, mais davantage comme symbole de ce qui élève et emporte.
Vent donc, vent nommé uniquement vent, qui irrigue le poème, le fertilise. Air bachelardien qui scelle une sorte de contrat d’effacement, effaçant l’inutile. Le poème ainsi épuise le vent, défait la couleur, fait disparaître les irrégularités, polit par les répétitions. Du pigment anthracite d’ailleurs on ne connaît qu’une seule nuance. Pas de sang, pas de ciel, pas de soleil coloré, mais une architecture de gris qui n’est ni lumière ni ombre.
C’est un monde atone, presque silencieux, atonie seule restant une voie mystique, la Voie du milieu. Nous nous trouvons, cela est certain, dans l’idée de couleur, l’idée de vent, idées platoniciennes. Ces deux notions sont le fil d’Ariane, les fils conducteurs.
Un instant l’amour et le vent
annulent leurs forces
et je deviens ce vide heureux.
Et même si écrire détruit quelque chose en soi, il faut viser le vide et le néant, se défaire de tout ce que ne sont pas les attributs du Foehn peut-être, ou de l’enluminure, qui ne conduisent pas à l’arabesque inutile. Mobilité dans le poème immobile, réflexion du vent qui ne se réfléchit pas, éternité de l’air qui passe, voir par les huis et cependant contenir son regard comme une sorte de jet plastique sur les choses. Je ne conclurais pas mieux qu’en citant J. P. Vidal vers la fin du livre :
On sait de toute éternité que le vent nous a précédés et qu’il nous suivra, qu’à lui seulement appartient l’infini, qu’il aura le dernier mot.
Didier Ayres
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