Qu’entendons-nous par « poésie du quotidien » ? Un dossier spécial qui vient de paraître dans la Revue Recours au Poème se penche également sur la question en sollicitant des poètes (1). Ici, il s’agit plutôt de réfléchir sur l’expression communicative la plus exigeante, la poésie, car elle nous donne à lire, à voir le quotidien, la vie de tous les jours. Observée d’abord, puis construite, après coup, dans un espace-temps, celui de la page avec de l’encre imprimée. Ou bien, à l’inverse, est-ce dans la construction (la poésie) que vivent des instants du quotidien. Mais ne risque-t-elle pas de se transformer en boîte à souvenirs ? Car souvent, les compositions sont datées comme on le ferait dans un journal intime. Elles témoignent alors d’une condition historique dans laquelle la personne qui écrit se trouve (2). Plus discrètement, voire secrètement, l’introduction d’une autre langue peut également suffire à identifier un lieu et un moment particuliers (3). Enfin, plus rarement, le sommaire du recueil ne comporte pas de titre mais uniquement des dates (4). Une attention minutieuse au temps, qui (très banalement), n’existera pas une deuxième fois. Arc temporel tendu entre le moment où l’on naît, et à partir duquel on est déjà assez vieux pour mourir, comme disent les philosophes ; et pendant lequel on écrit sans savoir à quel moment on va mourir.