Firmaman, Jean-Paul Gavard-Perret (par Didier Ayres)
Firmaman, Jean-Paul Gavard-Perret, éditions Sans escale, mai 2021, 30 pages, 13 €
Sexe
J’espère avoir fait une lecture juste de ce petit livre où pèsent, se mesurent, se développent la chair amoureuse et les organes sexuels. Du reste, les textes calquent davantage l’action que le jouir, pour mettre en exergue la corporalité naturelle des étreintes sexuelles. Il y a donc quelque chose de Molinier, pour les cuisses gainées, les dessous chics, ou de Bellmer pour le bizarre parfois des positions et des points de vue. Et puis, on connaît aussi Paul-Armand Gette qui travaille depuis longtemps, légèrement amusé, sur les culottes des femmes, posées sur des sapins de Noël par exemple. Nous sommes donc en terrain connu.
Ce qui est neuf toutefois, c’est le traitement du sujet. On entrevoit Sade, mais pas le sadisme, plutôt le sadien, avec me concernant, la peur ressentie à la vision du Salo de Pasolini. Ainsi, Firmaman n’est pas tout à fait un poème, mais davantage une performance linguistique, des récits courts, un texte récitatif plutôt que contemplatif. Pour tout dire, l’auteur est en action. Il me semble aussi que l’on pourrait utiliser le terme homérique dans les deux sens du terme. Quant à moi, j’ai pensé à l’Iliade, avec ses différentes morts toujours nouvelles dans leur facture. Les scènes érotiques de J.-P. Gavard-Perret sont variées, et on voit presque la réalité des corps à corps amoureux. Donc pas de lyrisme mais de l’épique.
Ce livre fabrique des tableaux de fantasmes sexuels, lesquels forment une vision kaléidoscopique de l’Éros et de la sexualité. Là des bribes de rêve, des récits courts et très troussés, donc pas du tout la chanson des troubadours, mais des spectres inconscients, une organicité ni belle ni laide, juste la vérité de l’amour, qui se décompte dans des actes génésiques. Est-ce que nous sommes dans un roman de Catherine Millet, ou dans les quelques cérémonies sadomasochistes organisées par Catherine Robbe-Grillet ? Et sans doute, pour accompagner ces textes étranges, faudrait-il relire Hardellet pour trouver en quoi le sexe est mystère. Ou alors, prêter un œil concerné aux tableaux de Balthus ?
– Venez, je suis la magicienne qu’il vous faut. – Qui voulez-vous embrasser ? – Vous ! Nul autre que vous, je vois en vous l’enfant écrasé d’une terreur de l’école. Vos yeux s’allument (Tressaillement.) Et d’ajouter : les nuits ne se jetteront plus sur votre sommeil, ni le faucon de la lune, ni les gloutons de la vacuité.
Ou
Bien léché, à force, le nœud lâche. Franchies les ronces de plaisir, les mains peinent au panier. L’oiseau ayant joui, sa noblesse de viande, n’est plus que d’amuse-bouche. Il ne peut être mangé tout cru. Sauf à attendre.
Didier Ayres
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