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Récits

La claire fontaine, David Bosc

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 25 Octobre 2013. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Verdier

La claire fontaine, août 2013, 128 pages, 14 € . Ecrivain(s): David Bosc Edition: Verdier

 

 

Il serait amusant de dresser la liste des écrivains qui dansent et de ceux que la lourdeur habite, et d’une même plume en faire autant des peintres. La claire fontaine est la rencontre de deux danseurs. Il est des livres qui forcent avec style votre porte, qui s’invitent sans que l’on sache de prime abord pourquoi, qui vous bousculent et prennent leur aise, alors votre bonne éducation vous pousse naturellement à les accueillir. A les feuilleter dans un premier temps, pour voir de quoi ils sont faits. Puis à tout reprendre au début, à lire page à page leur nature, à reprendre, à hésiter, à ouvrir vivement les yeux, à les fermer et à écouter avec une grande attention leur musique, pour finir par secrètement se dire qu’ils ont eu raison ne pas vous prévenir.

La surprise est souvent affaire de plaisir, comme ce petit livre de David Bosc qui roule comme le Gave et vous éclabousse en passant. Il est plaisant de se faire mouiller par un tel styliste.

Décembre m’a ciguë, Edith Azam

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 19 Octobre 2013. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, P.O.L

Décembre m’a ciguë, janvier 2013, 183 pages, 16 € . Ecrivain(s): Edith Azam Edition: P.O.L

 

Edith Azam narre, en Décembre m’a ciguë, en un récit brusqué dans sa syntaxe, au moyen notamment des « : », l’inimaginable.

Et pourtant advenu. Comme de cauchemar mais un cauchemar si fort qu’il n’y aura jamais aucune réalité pour le cacher. Un cauchemar si fort qu’il s’impose comme seule réalité. Et qu’il dit à tous, ce cauchemar, à chacun dans soi, et qu’il dit à chaque moment, à chaque perte : « je suis la réalité ».

L’inimaginable ? La mort d’un être cher.

Si cher, dans le cas de Décembre m’a ciguë : la grand-mère, par quoi arrive le bonheur. « C’est quoi le bonheur ? », s’interroge l’auteure. « Se lever quand la lumière sonne, le thé vert ou fumé, les perce-neige derrière la fenêtre et puis… et puis dire ton nom ».

Intérieur, Thomas Clerc

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 16 Octobre 2013. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Intérieur, Gallimard l’arbalète, Juin 2013, 386 pages, 22,90 € . Ecrivain(s): Thomas Clerc Edition: Gallimard

 

Conseil : ne pas laisser traîner ce livre, n’importe où, exposé à l’œil curieux de vos visiteurs… le risque serait trop grand de la salve des « quoi !!! c’est fou ce bouquin ? Tu appelles ça comment ? de la littérature !! »… et d’accompagner le commentaire de rires qui vous moqueront encore, la nuit tombée.

Cet Intérieur est effectivement fou, parfaitement inimaginable, et totalement littéraire. Une sorte d’épice nouvelle jamais goûtée et définitivement adoptée.

Explication qui vaut baptême : l’auteur « a passé ses premiers mois rue de Lille, et se souvient d’avoir entendu, bébé, les plaintes des analysants de Jacques Lacan, dont le cabinet était proche, puis d’avoir habité plus tard rue de Quatrefages, où il reçut les voix de Georges Perec, et de ses Choses, avant d’aménager le 11 Septembre 2001 dans son intérieur… ». 50 m2, rue du Faubourg Saint Martin, et presque 400 pages de… visite ? certainement pas, plutôt de parcours initiatique dans le chez lui de Thomas Clerc. « Autobiographie d’une maison », nous est-il dit.

Mon Amérique, Jim Fergus

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 10 Octobre 2013. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Le Cherche-Midi, La rentrée littéraire

Mon Amérique( Nature writing), trad. (USA) Nicolas de Toldi, septembre 2013, 300 p. 20 € . Ecrivain(s): Jim Fergus Edition: Le Cherche-Midi

Jim Fergus s’inscrit dans les figures de la grande littérature américaine. Passionné de nature, de chasse, de pêche, il est dans la lignée prestigieuse du Montana avec ses amis Jim Harrison et Rick Bass. Ce dernier est d’ailleurs un des personnages de ce livre puisqu’il partage avec l’auteur des journées de chasse aux oiseaux. Ce livre est un journal de chasseur, de pêcheur, constitué de petites nouvelles qui sont autant d’histoires dont raffolent, on le sait, ceux qui pratiquent ces activités.

Histoires d’hommes (les femmes sont très rares ici), de chiens, d’animaux sauvages, Fergus distille ses souvenirs comme un hymne à la nature, aux grands espaces américains, aux amitiés éternelles.

A la manière des romantiques, Fergus ne regarde pas la nature comme objet en soi mais comme jouissance pour soi. Il en attend un retour, la contemplation ne lui suffit pas et en cela il rejoint une tradition rousseauiste. Rick Bass, dans la préface qu’il offre à son ami, ne s’y trompe pas :

 

« L’important n’est pas le paysage, mais l’homme et ce qu’il ressent. Et Jim est un homme intensément amoureux de la vie. »

Suicide, Edouard Levé

Ecrit par Marie du Crest , le Mardi, 08 Octobre 2013. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Suicide, 112 pages, 4 € . Ecrivain(s): Edouard Levé Edition: Folio (Gallimard)

Le 15 octobre 2007

Suicide est un tout petit livre de poche. Suicide est un très grand livre dont on ne se remet pas, dont on ne revient pas. Et sa légende éditoriale : la remise du manuscrit à l’éditeur P.O.L. quelques jours avant la mort par suicide de l’auteur, n’est qu’une ouverture cérémonielle.

Suicide n’est pas un tombeau, un tombeau littéraire qui proclame un nom, un vivant. De qui parle-t-on ? d’un sobre « tu » que nous voudrions à tout prix appeler Edouard Levé ? Mais nous croisons aussi un « je », celui qui dit, celui qui parle. Le suicide ici n’a pas de mode d’emploi (ouvrage cité par Levé à la première ligne d’Autoportait). Tout sera dans le flottement trouble comme dans la série de photos où l’homonymie du personnage célèbre et du quidam rend le contemplateur incertain. Le « je » et le « tu » sont comme des jumeaux (Levé a intitulé une de ses photos « autojumeaux », photo en double autoportait). En effet, ils ont étudié tous deux les sciences économiques en passant par les classes préparatoires ; ils pratiquent les mêmes sports ; ils roulent en voiture et en moto ;  ils aiment le rock ; ils ont un frère et une sœur ; politiquement, ils sont écologistes ; ils sont mariés sans enfant… Mais à quoi bon savoir si c’est bien lui Levé ? Il ne reconstitue pas. Il ne fait pas acte de biographie ou d’autobiographie, de récit de vie. Il « gèle » des moments de la vie de l’ami suicidé :