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Récits

Journal d’un étranger à Paris, Curzio Malaparte

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 22 Mai 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, La Table Ronde

Journal d’un étranger à Paris, mars 2014. 350 p. 8,70 € . Ecrivain(s): Curzio Malaparte Edition: La Table Ronde

 

Ce livre de mémoires couvre une période précise de la vie de Malaparte, l’immédiat après-guerre 39-45. Elles sont rédigées en français pour l’essentiel, mais certains passages sont en italien (traduits ici bien sûr).

Curzio Malaparte nous offre ici un livre conforme à l’image que nous avons du personnage : traversé de contradictions, d’élans les plus nobles jusqu’aux sentiments les plus inavouables.

Ce journal est dans tous les cas passionnant. Paris foisonnant – juste après guerre – d’idées, de passions, de personnages célèbres, de débats et d’affrontements idéologiques et esthétiques. Sur les pas de Malaparte, revenu dans « son » Paris après 15 ans d’absence et un internement politique sous Mussolini en Italie, nous croisons le tout-Paris intellectuel et artistique. Malraux, Camus, Mauriac, Louise de Vilmorin, Nimier, Orson Welles et tant d’autres. C’est la vie des salons, où chacun veut briller à sa manière : provocations, minauderies, péroraisons.

Eloge de l’esquive, Olivier Guez

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 22 Mai 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Eloge de l’esquive, mai 2014, 107 pages, 13 € . Ecrivain(s): Olivier Guez Edition: Grasset

 

« … dans l’imaginaire collectif, le Brésil est le football, le football, brésilien, et les dribbleurs, les héritiers de Garrincha, les étoiles filantes de ce football champagne, le futebol arte. Contrôle, feinte(s), provocation, jaillissement, percussion, au suivant, nouvelles ruses, simulation, le défenseur est dans le vent ».

Jaillissement de la littérature : les mots filent sur la page, les verbes rebondissent, les phrases se glissent entre les mains du lecteur, elles retrouvent leur liberté première, leur foisonnement, leur éclat, leur joie naturelle ombrée de nostalgie, leur histoire, c’est l’art du roman qui danse sur ses deux pieds.

Du pied droit pour commencer, dernière esquive de « l’ange aux jambes tordues », la plus noire, Mané Garrincha, « le dribbleur fou, le plus génial et le plus improbable de l’histoire » vient de mourir terrassé par l’alcool, paix à son âme, et paix à l’âme de tous les jongleurs brésiliens. Nous sommes en 1958, c’est-à-dire aujourd’hui, les dribbleurs de la Seleção mettent en musique la Coupe du monde, leur Coupe du Monde, Garrincha se glisse dans le costume de Charlie Parker et ses adversaires perdent la tête, ils n’ont jamais entendu ça, ils n’ont jamais vu ça, ils ne peuvent pas suivre cette révolution de l’esquive.

La Barque le soir, Tarjei Vesaas

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 21 Mai 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Editions José Corti

La Barque le soir (Båten om kvelden, 1968), traduit du néo-norvégien par Régis Boyer . Ecrivain(s): Tarjei Vesaas Edition: Editions José Corti

 

La lecture d’un livre de Vesaas est une expérience qui sort un peu de l’ordinaire. On y est en effet embarqué dans un monde où le rêve, qui peut aussi être cauchemar, est à tout moment présent. Un rêve qui peut avoir la présence d’un réel plus réel que le réel. Ou plutôt, plus réelle que la réalité, celle dans laquelle nous vivons. Il y a là quelque chose qui ressemble fort à ce que le psychanalyste anglais D.W. Winnicott appelait fantasying, cette rêverie ou ce fantasme qui nous prend entre veille et sommeil, qui oscille entre ce que le monde nous donne à voir et ce que notre imaginaire va chercher on ne sait où. Des images et des impressions qui s’ancrent au plus profond de nous et qui sont comme un rêve étrange et pénétrant, à la fois insolite et pourtant vaguement familier. Des images qui viennent habiter en nous comme si elles y avaient toujours été attendues, même si on ne les comprend pas toujours. Même si souvent on ne les comprend pas.

Une voix, une barque et un fleuve. Le mouvement du courant entre les rives. Voilà ouvertes les écluses de la parole.

Œuvres complètes, Madame de Lafayette en La Pléiade

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 15 Mai 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La Pléiade Gallimard

Madame de Lafayette Œuvres complètes, Edition établie, présentée et annotée par Camille Esmein-Sarrazin. 1600 p. 60 € jusqu’au 30 juin 2014, 68 € après . Ecrivain(s): Madame de Lafayette Edition: La Pléiade Gallimard

 

 

La Pléiade accueille Madame de Lafayette et c’est une belle nouvelle pour les Lettres françaises et en particulier pour les femmes de lettres françaises. Elle fut, elle est un des fleurons de ce qu’elle contribua fortement à inventer : le roman moderne.

L’incroyable modernité de l’écriture de Marie-Madeleine Pioche de la Vergne, dite Madame de Lafayette, vient de sa réflexivité permanente, sorte d’introspection constante des personnages qui annonce les grands romans du XIXème siècle – ceux de Flaubert en particulier – et du XXème siècle. Elle marque ainsi une véritable révolution littéraire, elle qui était pourtant d’une telle discrétion qu’elle cacha même longtemps qu’elle était l’auteure de la Princesse de Clèves. C’est donc un véritable retour aux sources du roman moderne que nous offre La Pléiade.

Un bon fils, Pascal Bruckner

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 12 Mai 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Un bon fils, février 2014, 250 pages, 18 € . Ecrivain(s): Pascal Bruckner Edition: Grasset

 

« On appartient au monde qu’on a fait, pas à celui d’où on vient ».

Depuis quelque temps – il en fallait, du temps ! – les publications prolifèrent, ainsi que les témoignages-coups de poing, sur ces enfants de collaborateurs déclarés ; ceux qui se sont « mangé » le père facho, le traîneur des rues de Sigmaringen, l’antisémite bien marqué à la Céline – le talent en moins, souvent. On a lu Marie Chaix et ses Lauriers du lac de constance, plus récemment ce Gérard Garouste sorti de ses chefs d’œuvre tourmentés pour décliner dans L’intranquille son insupportable paternel, qui le traitera d’« enjuivé ».

Ils ont eu la totale, les gamins, et plus tard, les adultes issus de là : ces pères ; la violence conjugale, le plus souvent, à la hauteur d’une haine des autres jamais assouvie ; le prosélytisme féroce en guise d’instruction civique, et ces Juifs emportés jusqu’au bout de leur vie ; boucs-émissaires dont le noir, comme on dirait de la lumière stellaire, brilla au-delà même de leur propre mort… Il est des enfers dont on sort, ô combien plus difficilement que le grandir de tout un chacun – disent tous ces échappés, Pascal Bruckner en remarquable porte-drapeau :