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Récits

Folie, aller simple. Journée ordinaire d’une infirmière, Gisèle Pineau

Ecrit par Marc Michiels (Le Mot et la Chose) , le Jeudi, 03 Avril 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Philippe Rey

Folie, aller simple. Journée ordinaire d’une infirmière, avril 2014, 208 pages, 8,50 € . Ecrivain(s): Gisèle Pineau Edition: Philippe Rey

 

Gisèle Pineau, infirmière dans un service de psychiatrie depuis l’âge de vingt ans, se raconte avec distance, décrit l’ordinaire, les rituels, les délires de ces hommes et femmes qui semble-t-il « ne sortent pas de l’hôpital par hasard » : DCD (décédé) / TS (tentative de suicide) / IMV (ingestion médicamenteuse volontaire)…

Ce livre profondément humain est un parcours introspectif, comme le dit un vieil infirmier à Gisèle Pineau : « Quand on soigne les fous, c’est nous-mêmes qu’on soigne, qu’on aide, qu’on réconforte. Tous ces grands malades sont des reflets de nous-mêmes dans le miroir ».

Itinéraire croisé entre un quotidien où la douleur, la folie s’exposent sans fard et où l’auteur nous interroge sur nos propres dépressions, paranoïas, résiliences… La ponctuation n’est pas utilisée par hasard, l’auteur semble focaliser l’attention du temps avec des signes répétitifs : « ? » et « … » ; comme un dialogue entre les vies errantes sans réponses, le corps médical, celle de l’auteur « Suis-je arrivée là par hasard ? ». Et vous même lecteur ?

L’étendue musicale, Marcelin Pleynet

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 02 Avril 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

L’étendue musicale, Gallimard, L’Infini, février 2014, 120 pages, 14,90 € . Ecrivain(s): Marcelin Pleynet Edition: Gallimard

 

« A Venise la circonférence est partout et le centre nulle part…

Ma vie comme un roman dont la circonférence est partout et le centre nulle part… »

Marcelin Pleynet écrit comme Cézanne peignait, sur le motif. Ici, comme depuis longtemps, c’est Venise. Une île musicale pour une idée de roman musical. Loin, si loin, de toute imagerie bavarde, chichiteuse et larmoyante, loin de l’imaginaire de sa disparition annoncée dans les eaux de la lagune, loin de ses masques et de ses poses, de ses écrivains dépressifs et de ses cinéastes laborieux et poudrés. On est à mille années lumières de Mort à Venise et ses fantômes souffreteux, littéralement au cœur du mouvement de la ville, d’un mouvement poétique et musical, où s’invitent écrivains, musiciens, peintres et architectes. C’est Vie à Venise ou plus harmonieusement Vies à Venise, le pluriel est ici capital. Dans son Dictionnaire amoureux de Venise, Philippe Sollers met en avant l’éloge prononcé pour la consécration du Doge sérénissime de Venise, Luigi Mocenigo, le 23 août 1570, autrement dit aujourd’hui, par Luigi Grotto Cieco d’Hadria : « … qui ne la contemple est indigne de la lumière, qui ne l’admire est indigne de l’esprit, qui ne l’honore est indigne de l’honneur… », on ne saurait mieux dire !

Tu ne mourras pas, Bénédicte Heim, Edmond Baudoin

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 29 Mars 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts, Les Contrebandiers

Tu ne mourras pas, 128 pages, 25 € . Ecrivain(s): Bénédicte Heim, Edmond Baudoin Edition: Les Contrebandiers

 

La rencontre. Le choc. La stupeur. L’éblouissement. Le lâcher-prise, jamais entièrement quitté par les difficultés. L’amour.

Livre après livre, Bénédicte Heim relate, avec une infinie délicatesse et une infinie précision, et une ferveur ardente devenue phrases, ce moment où les âmes, entrant en contact, au mépris de toutes les convenances, de l’attendu, font advenir ce feu qui les embrase, et les fait fondre suffisamment, pour que naisse de ce contact une seule âme, sans que jamais les deux morceaux qui la composent se voient voler une part de leur identité, de leur singularité.

Et cette façon qu’ont les deux âmes de s’embrasser au point de ne pouvoir décoller, l’une de l’autre, leurs lèvres, est toujours liée à une déflagration de la douceur et de la découverte. Et de l’envolée sur place. Au plus profond de l’autre.

Les instants les éclairs, Jacqueline Risset

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 28 Mars 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Les instants les éclairs, janvier 2014, 192 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Jacqueline Risset Edition: Gallimard

 

« A présent le soleil darde (c’est le mot : dard de guêpe) à travers le feuillage de l’olivier – sa lumière aiguë, qui fait que si je le regarde en me croyant protégée par les feuilles en nuage de l’arbre, je reporte sur cette page une infinité de taches qu’il m’impose, et je vois en face, dans le jardin, les coussins de la balancelle flamber de joie dans l’orange, et le bord de ma jambe briller et se tracer comme un trait vainqueur. Ah vive lui, vive l’astre, et vive la merveille, tant qu’elle existe, tant que nous existons ! »

Coïncidence du temps : je vois Jacqueline Risset prenant au vol ces instants, ces éclairs de vie, dans son filet à papillons. Image superposée à celle de Vladimir Nabokov (écrivain des éclairs), même légèreté, même justesse dans le choix des mots, des images, des situations, même sourire à la vie avec par instant un certain tressaillement. Sourire à la vie et à ses songes pour sourire à la littérature, des instants et des éclairs dont elle fait son miel. Les instants, les éclairs, les rêves et les amours de l’auteur pris dans les mailles fines de son écriture, dont le battement d’ailes annonce le printemps.

Claude Nougaro, le parcours du cœur battant, Christian Laborde

Ecrit par Frédéric Aribit , le Vendredi, 28 Mars 2014. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie

Claude Nougaro, le parcours du cœur battant, Editions Hors-Collection, février 2014, 192 pages, 29,90 € . Ecrivain(s): Christian Laborde

 

« Que la vie soit feu d’artifice

Et la mort feu de paille… »


Dix ans déjà. Au Casino du sang, le roi de la plaquette, c’était lui, disait-il dans le souffle malicieux d’un ultime texte aux jeux de mots poignants. Mais c’est raté, Claude. Quoi ? La mort, à la fin de ce satané « concert du pancréateur » – triomphe à guichets fermés – ne vous a pas laissé coi. Oui, dix ans après, cette voix de mousses et d’entrailles, cette voix des galets bleus de l’âme, chante encore dans nos mémoires, où elle s’est installée à demeure, parmi les grands convoyeurs d’infini que sont Brel, Brassens, Ferré ou celle qu’il aimait tant et qui l’aimait tant, Edith Piaf.