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Récits

Hommage de l’Auteur absent de Paris, Emmanuelle Allibert

, le Jeudi, 05 Février 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Léo Scheer

Hommage de l’Auteur absent de Paris, janvier 2015, 216 pages, 18 € . Ecrivain(s): Emmanuelle Allibert Edition: Léo Scheer

 

Cinquante nuances de frais

Emmanuelle Allibert l’écrit elle-même avec une simplicité confondante (page je ne sais plus combien je n’ai pas noté je suis mal organisé) : elle est une attachée de presse hors pair. Mais pas seulement ! Car elle a écrit un livre fort amusant. Très distrayant, sur un milieu où elle marigote depuis longtemps.

Hommage de l’auteur absent de Paris raconte cet éprouvant cocktail de course de fond et de 110 mètres haies, qu’elle connaît fort bien, auquel se livre tout écrivain. Car la route est longue et la pente est raide comme disait un ancien Premier ministre. Parfois pour écrire. Souvent pour trouver un éditeur. Toujours pour vendre un livre perdu au milieu de milliers d’autres (nettement moins bons cela va de soi).

Bref, l’écrivain mène une vie harassante et se donne un mal de chien pour un résultat qui comble rarement ses espérances.

Un an après, Anne Wiazemsky

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 02 Février 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard

Un an après, décembre 2014, 201 pages, 17,90 € . Ecrivain(s): Anne Wiazemsky Edition: Gallimard

 

On la reconnaît en photo noir et blanc sur le bandeau du livre ; Anne, comédienne de ces années-là, le regard fixé sur… son compagnon d’alors, Jean-Luc Godard, ou la manif du jour puisqu’en Mai 68 est situé ce récit, mi-autobiographie, mi-documentaire, qu’elle a voulu nommer – bel élan d’honnêteté – roman. Comme si – elle a raison – tout retour sur sa mémoire quand il y a dedans un Godard en Mai, ne pouvait complètement se revendiquer de l’Histoire.

Voyage baignant dans la fumée acre des lacrymo, des cigarettes aussi – ce qu’on fumait, alors ! De Paris à la Méditerranée des bobos de ce temps, en passant par le tournage des films, et en particulier des films italiens… c’est bien d’un voyage, dont il s’agit, dans le Paris intello, étudiant, politique, de ces extrêmes qui ont façonné l’époque, mais aussi – tout le précieux du livre – à l’intérieur, chez les Godard ou leurs amis, dans le secret également des cœurs interrogés et d’un couple qui se fendille. Beau voyage, sans pathos, ni déco inutile, qui se laisse peu à peu apprivoiser, livrant « leur 68 » de détail en atmosphère juste, ce 68 qui fatalement est un peu le nôtre à nous, leurs contemporains, et ne demande que peu d’efforts aux jeunes d’aujourd’hui, pour devenir le leur, puisqu’il s’agit de Godard.

Ces vies-là, Alfons Cervera

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 21 Janvier 2015. , dans Récits, Les Livres, Recensions, La Une Livres, Espagne, La Contre Allée

Ces vies-là, traduit de l’espagnol par Georges Tyras, 224 pages . Ecrivain(s): Alfons Cervera Edition: La Contre Allée

 

La collection La Sentinelle des Editions La Contre-allée abrite des textes où la mémoire collective croise la mémoire familiale.

Ces vies-là d’Alfons Cervera, traduit de l’espagnol par Georges Tyras qui lui est fidèle depuis ses premiers livres à La Fosse aux ours, retrace la relation de l’auteur à sa mère, dans ses derniers jours.

Texte sensible qui s’ouvre sur ces mots : « Cela fait deux dimanches que ma mère est morte ».

Dans une langue puissante, faite de répétitions volontaires comme autant d’aller-retour dans la mémoire, débarrassée de fioritures, le narrateur remonte le fil de sa mémoire, refait l’histoire de sa mère, la sienne, celle de ses origines.

Se croisent allègrement comme toujours chez Cervera les références littéraires qui l’ont construit, son rapport à l’écriture et aux livres.

Mes Oncles d’Amérique, Françoise Bouillot

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 13 Janvier 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

Mes Oncles d’Amérique, janvier 2015, 72 pages, 9 € . Ecrivain(s): Françoise Bouillot Edition: Joelle Losfeld

 

Petit récit et grand plaisir. On lit ce livre d’une traite, sans que l’intérêt ne faiblisse un instant. Deux femmes se souviennent des « oncles d’Amérique ». Et, avec eux, par eux, elles se souviennent d’une époque de leur toute jeunesse, d’un univers aujourd’hui disparu d’un New-York qu’elles ont quitté depuis pour Montmartre – et qui s’est effacé. Pas dans les mémoires. Dans la réalité et même dans le nom. Alphabet City – qui s’appelait ainsi car ses rues portaient toutes des noms de lettres – A, B, C … – est devenu East Village et la bohême est morte.

Des mondes qui disparaissent constituent le thème récurrent de ce récit. Les deux oncles connus et aimés à NY, étaient anglais et avaient quitté l’Angleterre dans des conditions aussi mystérieuses que sulfureuses. L’Angleterre s’était dissoute pour eux dans un déni farouche. Surtout de la part d’onc’ Peter, le plus rigide des deux. Ils forment un couple de vieux homosexuels à la fois drôles et teintés d’amertume.

Chroniques de la Guerre Civile, Manuel Chaves Nogales

Ecrit par Vincent Robin , le Samedi, 10 Janvier 2015. , dans Récits, Les Livres, Livres décortiqués, La Une Livres, Quai Voltaire (La Table Ronde), Histoire

Chroniques de la Guerre Civile, octobre 2014, 255 pages, 20 € . Ecrivain(s): Manuel Chaves Nogales Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

En se refermant sur les soubresauts ultimes de la « bête immonde », au sens où Brecht y faisait allusion, le XXe siècle européen procurait finalement ce sentiment qu’avait été vaincu par la persuasion démocratique le lot effroyable des régimes totalitaires auparavant montés de lui. Allemagne nazie, Italie fasciste, Républiques staliniennes, Grèce des colonels, Espagne franquiste, Portugal salazariste ou France vichyste auront en effet incarné ces corps infectieux et parasitaires, systèmes au bout du compte répudiés par le droit et la conscience morale mais auxquels l’humain aura payé chaque fois le lourd et sanglant tribut de sa liaison à eux. De la maltraitance des hommes à leur extermination massive, le pas avait été franchi. Jamais un siècle n’aura sans doute alors connu une telle somme de barbaries criminelles, ainsi que le rappelle aujourd’hui partout et à grands cris la prolifération commémorative. Le bilan des massacres humains démesurément sordide et hideux de deux guerres mondiales mais complété par de résurgentes tragédies annexes ou marginales traduit à jamais l’ampleur et la rudesse des abominations vécues. Aux hécatombes tout d’abord militaires se seront ajoutées les décimations ciblées de populations civiles. En cela, la répugnante singularité du siècle échu transparaît-elle absolument aussi.