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Récits

Marcher, Tomas Espedal

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Mercredi, 06 Mai 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, Essais, La Une Livres, Pays nordiques, Actes Sud

. Ecrivain(s): Tomas Espedal Edition: Actes Sud

 

Qu’est-ce qui peut pousser un homme, un écrivain, un poète à décider de tout quitter et à se mettre en route, marcher vers l’inconnu ? Faut-il une raison particulière pour cela ?

Je suis heureux parce que je marche, le ton est donné ! Le premier chapitre s’ouvre sur une révélation, un lâcher-prise plutôt, alors que toute sa vie se délite, le narrateur reprend goût à la vie grâce à la marche. Comme il est bon de s’emplir d’oubli, de se perdre, de sombrer, il s’agit bien d’un abandon de l’ego. Enumérons les joies, boire pour oublier d’abord, ou boire et oublier dans cet ordre et ramper jusqu’à l’oubli. C’est comme un début de dépression, une sorte de mélancolie ou de lassitude de vivre toujours dans les mêmes journées de solitude dans l’écriture, mais le narrateur se reprend vite avec cette prise de conscience qu’il peut faire quelque chose pour sortir non de chez lui mais de lui-même, apprendre à vivre avec soi, car c’est la seule chose dont il ne pourra jamais se séparer, se débarrasser. Ça peut ressembler au début à un manuel de survie ou un guide de développement personnel mais c’est bien au-delà de cela, un manuel de survie poétique.

Ne joue pas fort, joue loin, Aldo Romano

Ecrit par Frédéric Aribit , le Mercredi, 06 Mai 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Editions des Equateurs

Ne joue pas fort, joue loin, février 2015, 188 pages, 20 € . Ecrivain(s): Aldo Romano Edition: Editions des Equateurs

 

Don Cherry, Chet Baker, Gato Barbieri, Phil Woods, Bill Evans, Carla Bley, Keith Jarrett, Paolo Fresu, Enrico Rava, Glenn Ferris, Jean-François Jenny-Clark, Didier Lockwood, Michel Portal, Michel Petrucciani, Henri Texier, Claude Nougaro… Il y a des CV qui forcent le respect. Long comme le bras, celui d’Aldo Romano a de quoi faire pâlir n’importe quel musicien. On en connaît qui tueraient pour servir deux trois bières sur scène à l’un de ces noms tirés au hasard. Quant à jouer avec eux…

Vous êtes fils de carreleur italien immigré dans les années 50, votre scolarité trébuche sur la xénophobie ordinaire d’une époque qui vous sert du « sale rital » à longueur de journée, et vous allez faire aussi le carreleur sur les chantiers jusqu’à l’âge de 18 ans : allez tenter une carrière pareille, en parfait autodidacte, sans un minimum de génie et pas mal de volonté. Aldo Romano est cet immense batteur qui a cogné derrière tout ce que la planète jazz compte au tout premier plan, tout en signant, ce n’est pas si fréquent, de nombreux albums composés sur son autre instrument de prédilection, la guitare, albums où, de sideman envié, il fait aussi le chanteur.

Dépendance day, Caroline Vié

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 22 Avril 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès

Dépendance Day, février 2015, 212 pages, 17 € . Ecrivain(s): Caroline Vié Edition: Jean-Claude Lattès

 

Alzheimer ; les démences ; séniles, ou un peu moins. On les lit parfois – plutôt peut-être en essais ; on les regarde – plutôt en documentaires. Mais, progressivement, ça gagne du terrain, parce que c’est la vie de nos vieux parents, de cette voisine, pourtant pas si mamie que ça ; parce qu’à la fin, c’est nous, nos imaginaires, nos projections, que la chose attaque. Sinistre et mortifère fin de jeu de dominos. Alzheimer. Terreur à portée de nous tous.

Le livre de Caroline Vié – son roman ? – son récit probablement, pose là devant nos yeux, des destins de femmes – trois générations, et la moitié d’une autre. « Sous le marronnier du jardin, trois générations réunies… » chantait Francesca Solleville, d’une dure, mais, ensoleillée vie de femmes.

De mère en fille, ici, toutes, à un moment, voient se poindre l’hydre des cauchemars ; celle de la mémoire à trous, puis en lambeaux infimes. Une vie, des apprentissages, des manières, des usages, des savoirs, bien sûr – ce poème, cette chanson ; ces visages et ces lieux, qui se défont, goutte après goutte, et détricotent la charpente jusqu’au quasi rien final. Pernicieux mal, qui tue autrement que la mort franche.

Tétraméron, Les contes de Soledad, José Carlos Somoza

Ecrit par Marc Ossorguine , le Jeudi, 16 Avril 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Actes Sud, Contes

Tétraméron, Les contes de Soledad, février 2015, traduit de l’espagnol par Marianne Million, 256 pages, 21,50 € . Ecrivain(s): José Carlos Somoza Edition: Actes Sud

José Carlos Somoza sera à la Comédie du livre de Montpellier les 29, 30 et 31 mai 2015

 

Etrange voyage littéraire que celui dans lequel nous emporte José Carlos Somoza, sur les pas de la jeune Soledad (dont le nom signifie solitude en espagnol) ! Soledad est un peu la cousine littéraire d’une certaine Alice, ce que suggère d’ailleurs l’illustration de couverture où une jeune fille passe par l’ouverture d’une page dans un livre ouvert, de l’autre côté du miroir que nous font les mots et les récits, les romans et les contes. Cousine encore plus proche peut-être d’Ofelia, l’héroïne du Labyrinthe de Pan, le beau et étrange film de Guillermo de Toro.

Partie avec la classe de son collège pour une excursion et la visite d’un ermitage, mais au milieu des collégiennes, avec leur veste d’uniforme au blason du collège et l’escorte des sœurs, Soledad est prise par un étrange sentiment, celui de ne pas exister, de n’être qu’un fantôme. Son existence physique, sa visibilité pour les autres lui semble tout d’un coup aussi évanescente que celle d’un personnage de fiction, de conte ou de roman jamais lu ou refermé et presque oublié, pourrait-on dire. A tel point qu’elle disparaît des comptages pourtant scrupuleux des sœurs…

Un vague sentiment de perte, Andrzej Stasiuk

Ecrit par Marie-Josée Desvignes , le Lundi, 13 Avril 2015. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Actes Sud

Un vague sentiment de perte, traduit du polonais par Margot Carlier février 2015, 96 pages, 12 € . Ecrivain(s): Andrzej Stasiuk Edition: Actes Sud

 

Quatre récits, quatre personnages, quatre disparus et un vibrant hommage pour chacun d’entre eux, c’est ce que donne à lire Un vague sentiment de perte de Andrzej Stasiuk.

Une grand-mère qui croit aux esprits et qui sans doute sera celle qui lui lèguera cet art du conte ; Augustin, l’ami, écrivain solitaire, retrouvé dans un talus pas encore mort mais presque et qui mourra seul dans sa chambre d’hôpital « avec vue sur la colline et le village » et « sans personne à ses côtés » ; une petite chienne et un ami de toujours, tous chers à l’auteur, vont prendre place dans chacun de ces récits.

« J’écris cette nécrologie canine ou plutôt ce souvenir à la mémoire d’un animal encore vivant car pour la première fois je suis amené à regarder aussi longtemps, de façon systématique et détaillée un être se transformer en un corps invalide puis finalement en cadavre ».