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Récits

L’Intégrale Illustrée, Edgar Allan Poe

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 22 Juin 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Arts

L’Intégrale Illustrée, Archipoche coll. Bibliothèque des Classiques, trad. anglais (USA) Charles Baudelaire, Stéphane Mallarmé et al., décembre 2015, 850 pages, 32 €

 

Il existe, chez le lecteur vaguement bibliophile, une certaine perversion, qui l’enjoint à profiter d’une nouvelle édition pour replonger dans une œuvre dont au moins une édition précédente orne déjà sa bibliothèque. Va donc pour cette Intégrale Illustrée des œuvres d’Edgar Allan Poe (1809-1849), beau volume d’une taille agréable à manier (dix-huit centimètres sur vingt-cinq), imprimé en deux colonnes facilitant la lisibilité, sur papier-bible, et à la couverture attrayante (une Vanité de 1641 signée Sébastien Stroskpoff), le tout orné d’une trentaine d’illustrations de Harry Clarke (pour les contes et nouvelles), Arthur McCormick (pour les Aventures d’Arthur Gordon Pym) et Gustave Doré. L’objet en soi est attrayant, c’est toujours ça de gagné, et on regrettera seulement qu’il a été imprimé en Chine. Autre regret : l’absence de tout appareil critique, excepté une mince « Préface » et des « Repères biographiques » (illustrés d’une gravure de Félix Vallotton représentant Poe) ; c’est regrettable parce que cela signifie que les expressions grecques ou latines dont Poe se sert à l’occasion, par exemple, ne sont pas traduites, mais la lecture globale n’en est pas rendue impossible. De toute façon, si c’est un appareil critique que l’on désire, on peut se référer à diverses éditions de poche, voire au volume Œuvres en Prose de la Pléiade. Mais dans les deux cas, le présent volume présente des avantages inédits.

Et ton absence se fera chair, Siham Bouhlal

Ecrit par Marc Ossorguine , le Lundi, 20 Juin 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Et ton absence se fera chair, Yovana Editions, août 2015, 220 pages, 17,95 € . Ecrivain(s): Siham Bouhlal

J’ai sombré dans ce vestibule étroit, ténébreux. Silhouette fine, élancée, au dos droit, lourd, je ne laissais plus que la mélodie aigüe de mes talons, résonance nette et uniforme. J’étais aux prises avec ce couloir d’une longueur infinie, obstinée.

Avec ce premier titre les éditions Yovana − qui se lance dans un ambitieux projet éditorial mené loin, bien loin de la capitale, depuis Bagnols-sur-Cèze, en pays gardois – nous offre un récit étonnant, à la fois témoignage, déclaration d’amour autant que politique et long poème.

Siham Bouhlal, qui a déjà publié quelques essais et recueils de poésie, fut la dernière compagne du militant des droits de l’homme marocain Driss Benzekri, disparu en 2007 des suites d’un cancer. Elle sublime dans ce récit la disparition de l’aimé, célébrant leur amour fou, un amour corps et âme qui refuse toute concession au quotidien ou à l’histoire, les transportant l’un et l’autre bien au-delà d’eux-mêmes. Spécialiste de la poésie arabe médiévale, Siham Bouhlal sait trouver et dire, chanter, le lyrisme de cet attachement qui sait combattre toutes les forces de morts qui œuvrent souterrainement, qu’ils s’agisse de maladie ou de politique. Un lyrisme qui sait mettre des mots et des images sur toutes les réalités de la vie (et donc de la mort), sans fausse pudeur. Ou plutôt en dépassant toute idée même de pudeur, vraie ou fausse.

Le tour d’Europe en avion, Un petit-bourgeois dans la Russie rouge, Manuel Chaves Nogales

Ecrit par Catherine Dutigny/Elsa , le Mardi, 14 Juin 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Espagne, Quai Voltaire (La Table Ronde), Voyages

Le tour d’Europe en avion, Un petit-bourgeois dans la Russie rouge, octobre 2015, trad. espagnol Catherine Vasseur, 240 pages, 21 € . Ecrivain(s): Manuel Chaves Nogales Edition: Quai Voltaire (La Table Ronde)

 

Journal de voyage, reportage journalistique, ce récit a été publié en une vingtaine de chroniques entre août et novembre 1928 dans le journal madrilène l’Heraldo, dont Manuel Chaves Nogales était le rédacteur en chef, puis, augmenté de textes censurés, il parut broché en un seul volume en 1929 aux éditions Mundo Latino. C’est cette dernière version que les éditions Gallimard viennent de traduire et éditer.

Le « petit-bourgeois » républicain comme se définit Manuel Chaves Nogales entreprend un long périple qui va le conduire d’Espagne en France, puis en Suisse, en Allemagne, en Russie de Moscou à Bakou en passant par la Lettonie, enfin en Tchécoslovaquie, en Autriche et en Italie avant de reprendre le chemin de l’Espagne. Moyen de locomotion : l’avion. Le Junkers de préférence, enfin lorsque celui-ci ne tombe pas en panne de moteur ou de carburant, n’atterrit pas en catastrophe dans un champ de blé fraîchement coupé.

Le plus et le moins, Erri De Luca

Ecrit par Philippe Leuckx , le Samedi, 11 Juin 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Gallimard, Italie

Le plus et le moins, mai 2016, trad. italien Danièle Valin, 208 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Erri de Luca Edition: Gallimard

Chez De Luca, l’ancrage dans la réalité napolitaine ou ouvrière ou encore alpine est au cœur de nombre de ses ouvrages. Naples, comme Montedidio (honoré du Prix Médicis étranger 2002) ou Le jour avant le bonheur, l’ont montré avec brio et inventivité. L’alpiniste accompli a trouvé moyen d’illustrer l’univers de sa passion par le biais de la fable dans Le poids du papillon.

Depuis, des recueils de nouvelles ou de récits ont accompagné les soubresauts de la vie du Napolitain, finalement relaxé dans un sombre fait divers, d’où il est sorti grandi et prompt à affronter d’autres combats, plus intérieurs sans doute, comme le révèle le dernier opus, ensemble de 37 récits, suivis de trois poèmes, au titre singulier – qui en éclaire la portée, disons, hautement morale, Le plus et le moins.

Entre récits autobiographiques et autres histoires à portée symbolique, l’auteur napolitain, né en 1950, ayant longuement vécu au sceau des réalités parfois très sombres de son parcours, sent l’intense désir d’évoquer, en pages réalistes, nourries d’expériences diverses, ce que fut un certain passé. Passé lointain de l’enfance comme événements plus récents liés aux faits de mai 68, d’un passage douloureux dans la France de 1982. Sans oublier le passé tout proche, lorsque sa mère, ainsi, dut remplacer sa carte d’identité. Chez De Luca, l’intime, le noyau familial rejoint sans cesse les préoccupations communautaires et/ou collectives de la cité.

Vadim un playboy français, Arnaud Le Guern

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 10 Juin 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Séguier

Vadim un playboy français, mai 2016, 264 pages, 21 € . Ecrivain(s): Arnaud Le Guern Edition: Séguier

 

« Ça commence par un adieu. À la légèreté, au dilettantisme, à l’élégance par-dessus la jambe. Un enterrement et, en larmes derrière leurs lunettes fumées, des femmes. Les siennes. L’homme qui aimait les femmes, c’est lui : Roger Vadim ».

Vadim, le nom seul est déjà roman. Et quel roman ! Un roman cinématographié. Un roman très français et qui flirte parfois avec les Amériques. Premier acte : Et Dieu… créa la femme, clap de fin : And God Created Woman. Plus de trente ans séparent les deux films, Vadim a fait le grand écart, les studios ont des raisons que les artistes ignorent. Vadim un playboy français est le roman de cette aventure, de cette vie virevoltante, soyeuse, joyeuse et par instant rugueuse, où l’on croise Brigitte Bardot – De toutes les armes que nous offre la vie quotidienne pour régler ses comptes à la sottise, la jeunesse et l’impudeur d’une femme sont les plus douces* –, Saint-Germain-des-Prés, Maurice Ronet – Ronet se lance dans le cinéma par désœuvrement. Il faut bien s’occuper, gagner sa vie sans trop se fouler, Paul Gégauff, Saint-Tropez, mais aussi Françoise Sagan, Roger Vailland, Catherine Deneuve ou encore Thelonious Monk.