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Récits

Ils étaient un seul homme, Daniel James Brown

Ecrit par Jean Durry , le Jeudi, 25 Août 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Histoire

Ils étaient un seul homme, traduit de l’américain par Grégory Martin La Librairie Vuibert, 463 pages, 21,90 € . Ecrivain(s): Daniel James Brown

 

La vie et le destin d’un homme. L’essence et le sens du sport. La trame de l’histoire. Un grand livre. C’est pourquoi le « Bulletin Critique du Livre » en français n’ayant lié en quelque sorte sa pérennité à La Cause Littéraire qu’en ce début de 2016, j’ai néanmoins tenu à ce qu’y prenne toute sa place le roman de D. J. Brown, The Boys in the Boat, paru chez Viking à New-York en 2013, et heureusement publié en français en avril 2014.

« Il faisait gris à Seattle (tout « en haut » de la côte Ouest des Etats-Unis, à proximité immédiate du Canada) ce lundi 9 octobre 1933 ». Mais on pourrait aussi partir du mois de mars 1914, naissance de Joe Rantz, partir de son enfance et de son adolescence si proches de la nature, durement marquées par la mort prématurée (1918) de sa mère et les conséquences du remariage de son père, Harry. Ce jour, devant le hangar à bateaux, il n’est que l’un des 175 « freshmen » – étudiants de première année – novices venus s’inscrire pour tenter leur chance d’accéder au « huit » de leur promotion. En cette Amérique plongée depuis le jeudi noir de 1929 dans une terrible crise économique, Joe pauvrement vêtu – et pour cause – sait bien qu’être retenu dans l’équipe, un barreur, huit rameurs, lui permettrait de surnager et d’aider à couvrir les frais de son année de scolarité.

La solitude du Quetzal Echappée au Guatemala, Jacky Essirard

Ecrit par Marc Ossorguine , le Samedi, 09 Juillet 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Voyages

La solitude du Quetzal Echappée au Guatemala, éd. Yovana, juin 2016, 132 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jacky Essirard

 

Fuir là-bas, fuir écrivait Mallarmé dans sa célèbre Brise marine. C’est en effet souvent le désir de fuir qui provoque nos départs pour d’autres coins du monde, d’autres cieux et d’autres odeurs. C’est cette fuite de soi et de son histoire qui poussa l’auteur à faire le voyage pour ce pays de volcans et de vestiges mayas qu’est le Guatemala. Même lorsque l’on peut prétendre ne pas aimer les voyages et les explorateurs (1), il y a souvent un espoir imaginaire, ou un espoir d’imaginaire qui nous pousse en avant, toujours plus loin, toujours ailleurs.

Ici c’est une rupture amoureuse qui sera le déclencheur du grand voyage, de l’espoir du grand voyage au-delà des mers. Il y aura aussi un guide, grand voyageur de mots et découvreur de mondes, intérieurs autant que réels, en la personne du poète Henri Michaux et de son Ecuador (1929). Nous voilà bien loin du « routard » qui, fort du guide du même nom (ou de son Lonely Planet s’il est anglophone), entreprend de « se faire le Guatemala », de dérober quelques images à épingler sur un quelconque mur, virtuel ou réel. Sans emballements ou enthousiasme convenus, voire avec une certaine désillusion, Jacky Essirard contemple ce monde d’ailleurs qui vit sa vie, ordinaire, sans mises-en-scènes photogéniques, sans faire le spectacle, sans misérabilisme déplacé. Plutôt indifférent à ce voyageur semblable à beaucoup d’autres.

Et tout s’effondre Journal du camp de Vught, Klaartje de Zwarte-Walvisch

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Samedi, 09 Juillet 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres

Et tout s’effondre Journal du camp de Vught, Klaartje de Zwarte-Walvisch, traduit du néerlandais par Mireille Cohendy, Editions Notes de nuit, juin 2016, 182 pages, 18 € . Ecrivain(s): Klaartje de Zwarte-Walvisch

 

Klaartje de Zwarte-Walvisch est une sorte d’Anne Franck. Comme elle, elle vécut à Amsterdam et fut condamnée à mort par la barbarie nazie. D’elle, il ne reste rien ou presque. Juste quelques photographies et surtout son journal. La couturière néerlandaise qui ne s’était pas fait enregistrer en tant que juive comme la loi l’exigeait, et qui commit l’erreur de ne pas entrer en clandestinité, fut arrêtée avec son mari en mars 1943 : elle mourut à Sobibor en Pologne.

Son journal part du jour de son arrestation jusqu’à celui où elle quitte la Hollande pour la Pologne. L’auteur y décrit la vie au camp de Vught où seront détenus 12000 juifs. Ce sont d’abord les enfants du camp qui partent à Sobibor. Klaartje de Zwarte-Walvisch décrit – entre autres – cet événement qui fait trembler d’effroi tout le camp : « Nous ne pouvions le concevoir. S’est-il jamais passé une chose pareille dans le monde ? Qu’est-ce que cela signifiait ? ». L’auteur n’a pas d’illusion sur la réponse.

Boxing-Club, Daniel Rondeau

Ecrit par Jean Durry , le Vendredi, 08 Juillet 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Grasset

Boxing-Club, mars 2016, 141 pages, 14 € . Ecrivain(s): Daniel Rondeau Edition: Grasset

 

 

« Je m’entraîne dans une grange où j’ai perdu mon sac […]. La boxe m’aère la tête ; elle libère en moi une force insoupçonnée et me confère un étrange sentiment de légèreté. Elle me donne du punch pour m’installer, affûté, à ma table de travail ».

Daniel Rondeau s’est pris de passion pour la boxe « sur le tard et sans avertissement » ; de fait, il est rare que l’on découvre les heurts et les bonheurs du « noble art » à… 56 ans. En ayant éprouvé dans son corps et son esprit les sensations combien intenses, c’est avec justesse qu’en écrivain reconnu il sait trouver les mots pour décrire en une centaine de pages – assorties de sa jolie préface au catalogue de la vente publique de la collection du peintre Eduardo Arroyo, le 22 octobre 2015 – cet univers, ses rites, et ses protagonistes.

Une petite lettre à votre mère, Geneviève Huttin

Ecrit par France Burghelle Rey , le Samedi, 25 Juin 2016. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Une petite lettre à votre mère, Le préau des collines, 2014, 80 pages, 13 € . Ecrivain(s): Geneviève Huttin

Pour réfléchir à son destin la petite Geneviève devenue grande choisit d’écrire avec simplicité et sobriété, « Un nom/Un verbe/un complément ». Elle procède souvent par associations d’idées et travaille instinctivement, dans la légèreté du rythme, sur les sons – « Vienne », « lettres », « voix » – pour évoquer les sensations d’autrefois « Les grands prés inondés où les vaches appelaient : et vous les entendiez », « les petites communiantes en robes de mariées », traversant ainsi les époques, les pays, les religions et les régions.

Dès le début du livre, une quête s’opère à l’aide de questionnements qui concernent la mère, sa personnalité mais aussi la relation de l’enfant avec elle. Elle qui est la référence a une identité mal établie et mystérieuse. Corse ou auvergnate ou même « La japonaise », il s’agit de la définir. La question est d’autant plus importante que les parents sont bien les fondateurs à partir desquels on peut construire sa vie. Au point qu’une sanction grave passe par la mère : « Geneviève, ta voix n’est pas assez forte » et que se fait un transfert du père, tel un mythe, dans la personne mythique de Max Von Sydow. C’est avec une très belle page sur le cimetière, lieu symbolique de l’inquiétude, qu’est mise en scène « la désespérance » au moyen d’objets chargés de sens comme « le petit angelot de plâtre » et « les brocs alignés ».