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Récits

Retour à Séfarad, Pierre Assouline

Ecrit par Stéphane Bret , le Mercredi, 14 Mars 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Gallimard

Retour à Séfarad, janvier 2018, 426 pages, 22 € . Ecrivain(s): Pierre Assouline Edition: Gallimard

 

Retour à Séfarad met en scène un candidat, juif séfarade, à l’obtention du passeport espagnol, démarche rendue possible par une déclaration du roi d’Espagne Sa Majesté Felipe VI qui affirme dans un discours prononcé en 2015 en guise de conclusion : « Comme Vous nous avez manqué ! ». Hommage rendu à la participation des séfarades à la vie espagnole, à la transmission à leurs enfants de l’amour de cette patrie espagnole, ce discours interpelle Pierre Assouline, qui prend au mot le discours du roi. Il sera candidat au passeport, à la nationalité espagnole. Seulement voilà : cinq siècles ont passé depuis l’expulsion de 1492, et bien des changements ont eu lieu. Pour Pierre Assouline, les tentatives de retrouvailles de la maison familiale, du cimetière, de l’ancien quartier juif, la juderia, peut-être rasée, sont vouées à l’échec ; il lui suffit de « savoir que notre mémoire précède notre naissance. De mon expédition dans ce passé-là où je suis parti retrouver des paroles, des voix, un souffle gelés dans l’hiver des livres, je n’espère pas rapporter des vérités mais tout au plus des effets de vérité. Non des preuves mais des traces puisque, comme le dit René Char je crois, seules les traces font rêver ».

Le garçon qui courait, François-Guillaume Lorrain

Ecrit par Jean Durry , le Mercredi, 07 Mars 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Sarbacane

Le garçon qui courait, janvier 2017, 232 pages, 15,50 € . Ecrivain(s): François-Guillaume Lorrain Edition: Sarbacane

 

Un des moments inoubliables des Dieux du Stade de Leni Riefenstahl : le crâne rond aux cheveux coupés entièrement courts, il martèle son ombre sur le sol à petites foulées implacablement régulières et les gouttes de sueur se détachent l’une après l’autre de son visage. Sur la plus haute marche du podium du marathon des Jeux Olympiques de Berlin 1936, tandis que monte au mât le drapeau du Japon, Son Kitei baissera obstinément la tête [tout comme son compatriote Nam, troisième derrière l’Anglais Harper], précédant de 32 années les Tom Smith et John Carlos révoltés des Jeux de Mexico.

En vérité, il s’appelle de naissance Shon Kee-Chung et il est Coréen. Mais depuis 1919 la Corée n’existe plus aux yeux du monde, rayée, phagocytée par l’envahisseur nippon en constante expansion sur l’Asie du Sud-Est. Ce sont cette histoire et cette douleur dont s’est nourri François-Guillaume Lorrain en romançant avec finesse la destinée réelle du petit garçon de 7 ans qui, détalant à toutes jambes pour échapper comme son aîné d’un lustre Hyo-Dong aux sommations de leur poursuivant en uniforme, prend à peine conscience qu’il a rejoint puis dépassé son grand frère. Ainsi « ce petit bonhomme court sur pattes » qui « jusque-là n’aimait rien tant que la lenteur » se révèle-t-il à lui-même.

Le goût de Berlin, Kristel Le Pollotec

Ecrit par Philippe Leuckx , le Lundi, 26 Février 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Mercure de France

Le goût de Berlin, octobre 2017, 130 pages, 8 € . Ecrivain(s): Kristel Le Pollotec Edition: Mercure de France

 

Dans le droit fil de la collection qui tire ses atouts d’un choix expert de textes, qui puissent restituer une ville dans son parcours historique et culturel, d’écrivains et de témoins de premier ordre, voilà Berlin.

Berlin est bien la ville de toutes les mutations, et quoi de commun entre la capitale de l’empire et celle d’aujourd’hui, après la réunification des deux Allemagne ? Quand on sait qu’elle s’est développée d’une manière personnelle, qu’elle a été toutes époques confondues le symbole de diverses générations, qu’elle fut parfois le laboratoire d’expérimentations culturelles, qu’elle fut, dans sa dernière période, le lieu et la lie de tous les dangers, entre 33 et 89, passant du nazisme à sa division en secteurs d’occupation, traversant guerre froide, connaissant les problèmes de ségrégation violente (la question du Mur…) et la renaissance, quand le mot liberté fleurit de nouveau, basculant les pires époques de son histoire.

L’auteur s’aide de grands textes pour illustrer, évoquer, restituer les diverses formes que Berlin a pu adopter au fil du temps.

Mon tour du monde, Charlie Chaplin

Ecrit par Lionel Bedin , le Jeudi, 11 Janvier 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Le Livre de Poche, Voyages

Mon tour du monde, Charlie Chaplin, trad. anglais Moea Durieux, novembre 2017, 216 pages, 6,90 € . Ecrivain(s): Charlie Chaplin Edition: Le Livre de Poche

 

En janvier 1931 à Los Angeles sort Les Lumières de la ville. Ce film muet rencontre le succès attendu, après Le Kid (1921), ou La Ruée vers l’or (1925). Charlie Chaplin est célèbre. Mais en crise. Il a des soucis personnels et financiers, et il est perturbé par l’arrivée du cinéma parlant. Il fait ce constat : « L’amour et les gens me lassent ». Il décide de prendre l’air. « J’ai besoin que soient ranimées mes émotions ». Le 13 février 1931 il part pour l’Angleterre, pour un voyage de quelques semaines qui va en fait durer seize mois (13 février 1931-16 juin 1932) et le conduire autour du monde. Au retour il publiera A comedian sees the word dans une revue américaine.

Le voyage commence par l’Angleterre, pays de son enfance, « époque la plus malheureuse de ma vie ». Il y retrouve son ami Winston Churchill, et d’autres célébrités de la politique ou du spectacle. Il poursuit par les Pays-Bas jusqu’à Berlin, où il croise Marlene Dietrich et Einstein, et où il constate que « la situation semble désespérée, l’avenir bien sombre ». Puis c’est Vienne, une ville « triste ». Détour par l’Italie, « une Californie miniature et âgée ». Malgré la foule considérable qui l’accueille, ici comme ailleurs, Chaplin vit le paradoxe de la célébrité : « Ces manifestations sont un immense hommage, j’en ai conscience, mais tout le monde éprouve parfois l’envie d’être seul ».

Les rayons de la liberté, Mon tour du monde à vélo, Jacques Sirat

Ecrit par Jean Durry , le Jeudi, 11 Janvier 2018. , dans Récits, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Le Rouergue, Voyages

Les rayons de la liberté, Mon tour du monde à vélo, novembre 2017, 224 pages, 25,90 € . Ecrivain(s): Jacques Sirat Edition: Le Rouergue

Ce livre est de douze ans le frère cadet de Cyclo-nomade, Sept ans autour du monde, du même auteur paru en 2005 aux mêmes éditions du Rouergue, publication assez remarquable dans la famille des explorations vélocipédiques de la planète Terre, aussi bien par son large format carré (0,255 x 0,255) que par sa très belle et forte couverture glacée, ainsi que par la qualité visuelle et typographique de sa présentation en deux colonnes illustrées des multiples photos captées au fil de son périple par le pédaleur. Jacques Sirat, ancien postier, refusant un beau jour une vie routinière et tracée d’avance, avait largué les amarres le 31 juillet 1994 depuis Sainte-Mère, son petit village familial du Gers, prenant son élan pour une randonnée pédestre qui allait lui permettre de courir en seize mois et demi à travers 32 pays d’Europe. Après son retour, refusant de « renouer avec un quotidien sédentaire », il redéployait déjà des cartes ; et le lundi de Pâques 31 mars 1997, se lançait à nouveau, mais sur un destrier à deux roues, ignorant qu’il ne reviendrait qu’un septennat plus tard après avoir touché au long de 80.000 kilomètres plus de 50 contrées. Le voyage est devenu pour lui « un réel mode de vie qui m’engloutit peu à peu » ; il s’y trouve « en totale union avec ce qui m’entoure, en parfaite concordance avec cette itinérance ».