Le Caméléon, David Grann
Le Caméléon (The Chameleon), trad. américain Claire Debru, 87 pages, 3 €
Ecrivain(s): David Grann Edition: Allia
Encore un de ces petits livres magiques édités par Allia sous la signature de l’excellent David Grann. Et, bien sûr, Grann reste fidèle à son projet littéraire : écrire des histoires réelles, sans le moindre ajout fictionnel, dans leurs détails les plus exacts, et choisies parmi les affaires contemporaines les plus incroyables.
Il s’agit cette fois de l’affaire Bourdin dit « le caméléon », affaire qui se déroula dans les années 90 et au début des années 2000.
Frédéric Bourdin est né en 1974, d’une liaison entre sa mère Ghislaine Bourdin et Kaci, un ouvrier immigré algérien qui s’avèrera déjà marié et plusieurs fois père. Sa mère va l’élever (mal) seule. A l’âge de 18 ans, Frédéric Bourdin commence à se livrer à des dizaines d’impostures pendant lesquelles, avec une habileté hors du commun, il se fait passer pour divers personnages. Parmi ses métamorphoses les plus mémorables, David Grann en choisit deux, dont on se demande encore comment elles ont pu avoir lieu, tant les situations semblent les rendre impossibles.
Grann commence par l’affaire de Pau.
« Le 3 mai 2005, en France, un homme appela le numéro d’urgence pour les enfants portés disparus ou maltraités. Il expliqua fébrilement qu’il était un touriste de passage à Orthez, à l’ouest des Pyrénées, et qu’il était tombé à la gare sur un garçon de quinze ans seul et terrifié. Un autre service téléphonique d’urgences enregistra un appel similaire. Finalement ledit garçon se présenta de lui-même à un bureau local d’aide à l’enfance. Petit et svelte, le teint pâle et les mains tremblantes, il portait un cache-col qui lui couvrait presque tout le visage et une casquette de base-ball rabattue sur les yeux. Il n’avait pas d’argent sur lui, tout juste un téléphone portable et une pièce d’identité indiquant qu’il s’appelait Francisco Hernandez Fernandez et était né le 13 décembre 1989 à Caceres, en Espagne ».
Bourdin – c’est bien sûr lui – a alors 31 ans et il se fait passer sans coup férir pour un garçon de 16 ans !
Les services sociaux placent « Francisco » à St-Vincent-de-Paul, institution sous tutelle de l’état, près de Pau. Bourdin va s’y intégrer remarquablement, apprécié par tous ses camarades, ses maîtres et maîtresses. Il devient vite la coqueluche de l’école. Jusqu’à … jusqu’à …
La deuxième affaire racontée par Grann est en fait antérieure à la précédente.
En 1998, Bourdin fut condamné aux USA pour usurpation de l’identité de Nicholas Barclay, un enfant disparu le 13 juin 1994 de San Antonio (Texas). Après quelques péripéties, Bourdin se faisant passer pour Nicholas, est présenté à la famille Barclay pour identification. Tous (frère, sœur, mère) le reconnaissent comme étant le garçon qu’ils ont perdu ! Le plus ahurissant de cette histoire est le croisement qui se fait alors de deux comportements délictueux : celui de Bourdin bien sûr et celui des membres de la famille Barclay qui trouvent leur compte dans cet enfant « retrouvé » dont ils ont besoin pour couvrir un forfait. Nous n’en dirons pas plus.
Encore une fois David Grann nous embarque dans une histoire réelle qui atteint, voire dépasse, les fictions les plus étonnantes. Sans une fioriture, sans un ajout romanesque, à l’état brut et c’est là tout son talent.
Léon-Marc Levy
VL2
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
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