Identification

La Barque le soir, Tarjei Vesaas

Ecrit par Marc Ossorguine 21.05.14 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Récits, Pays nordiques, Editions José Corti

La Barque le soir (Båten om kvelden, 1968), traduit du néo-norvégien par Régis Boyer

Ecrivain(s): Tarjei Vesaas Edition: Editions José Corti

La Barque le soir, Tarjei Vesaas

 

La lecture d’un livre de Vesaas est une expérience qui sort un peu de l’ordinaire. On y est en effet embarqué dans un monde où le rêve, qui peut aussi être cauchemar, est à tout moment présent. Un rêve qui peut avoir la présence d’un réel plus réel que le réel. Ou plutôt, plus réelle que la réalité, celle dans laquelle nous vivons. Il y a là quelque chose qui ressemble fort à ce que le psychanalyste anglais D.W. Winnicott appelait fantasying, cette rêverie ou ce fantasme qui nous prend entre veille et sommeil, qui oscille entre ce que le monde nous donne à voir et ce que notre imaginaire va chercher on ne sait où. Des images et des impressions qui s’ancrent au plus profond de nous et qui sont comme un rêve étrange et pénétrant, à la fois insolite et pourtant vaguement familier. Des images qui viennent habiter en nous comme si elles y avaient toujours été attendues, même si on ne les comprend pas toujours. Même si souvent on ne les comprend pas.

Une voix, une barque et un fleuve. Le mouvement du courant entre les rives. Voilà ouvertes les écluses de la parole.


Il y a du mouvement, de la vie dans la barque. Se forment des rangées d’images.

La barque avance avec un courage que nul ne comprend.

Ceux qui restent à terre entrevoient sa course parmi les silhouettes.

Beaucoup d’inattendu s’y mêle. Ce ne sont pas des nouveautés non plus, elles ont déjà été là.


Il y a la neige dans laquelle on s’enfonce et l’homme qui mène son cheval, puissant. Le cheval, l’homme et l’enfant ouvrent le chemin dans la neige épaisse qui continue de tomber.

L’homme dans la barque tombe, s’accroche à elle. Le courant les entraîne et la vie continue de tourner, les souvenirs de revenir, les chiens font entendre leurs voix. Les odeurs aussi reviennent ; celle de la pluie sur une peau chauffée par le soleil, couverte d’une mince chemise ; la jeune fille et la montagne, chauffée par le soleil. Les images s’enchaînent avec leurs sensations, odeurs et sons, alors que le courant l’emmène toujours plus loin.

En se perdant dans le courant, à la frontière de deux mondes, l’homme retrouve tout ce qui a fait sa vie ; ce qui la fait encore.

On peut être envoûté ou dérouté par cette écriture qui semble exiger du lecteur des choses inhabituelles, comme un long poème dont on perd parfois le fil.

Les choses sont pourtant simples. Simples si on les accepte. L’auteur nous souffle vers la fin de son récit ce qui pourrait être une clé pour pénétrer cette écriture.

Ne pas comprendre, mais être à proximité de ce qui se passe.

Il reste à accepter de ne pas comprendre, pas tout ni toujours. Le voyage auquel nous convie alors Tarjei Vesaas, il se pourrait que vous ne parveniez pas à vous en détacher si facilement.

 

Marc Ossorguine


  • Vu : 4005

Réseaux Sociaux

A propos de l'écrivain

Tarjei Vesaas

 

Tarjei Vesaas, né à Vinje (comté du Telemark) le 20 août 1897 et décédé à Oslo le 15 mars 1970, est un écrivain norvégien de langue néo-norvégienne (nynorsk). Son œuvre est dominée par les thèmes existentiels du Mal, de l'Absurde, ainsi que par l'omniprésence de la Nature. Elle se caractérise par une forte dimension symbolique et onirique.

 

A propos du rédacteur

Marc Ossorguine

 

Lire tous les articles de Marc Ossorguine

 

Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature espagnole (et hispanophone, notamment Argentine) et catalane, littératures d'Europe centrale (surtout tchèque et hongroise), Suisse, littératures caraïbéennes, littératures scandinaves et parfois extrême orient (Japon, Corée, Chine) - en général les littératures non-francophone (avec exception pour la Suisse)

Genres et/ou formes : roman, poésie, théâtre, nouvelles, noir et polar... et les inclassables!

Maisons d'édition plus particulièrement suivies : La Contre Allée, Quidam, Métailié, Agone, L'Age d'homme, Zulma, Viviane Hamy - dans l'ensemble, très curieux du travail des "petits" éditeurs

 

Né la même année que la Ve République, et impliqué depuis plus de vingt ans dans le travail social et la formation, j'écris assez régulièrement pour des revues professionnelles mais je n'ai jamais renié mes passions premières, la musique (classique et jazz surtout) et les livres et la langue, les langues. Les livres envahissent ma maison chaque jour un peu plus et le monde entier y est bienvenu, que ce soit sous la forme de romans, de poésies, de théâtre, d'essais, de BD… traduits ou en V.O., en français, en anglais, en espagnol ou en catalan… Mon plaisir depuis quelques temps, est de les partager au travers de blogs et de groupes de lecture.

Blog : filsdelectures.fr