Une année qui commence bien, Dominique Noguez
Une année qui commence bien, 2013, 383 pages, 20 €
Ecrivain(s): Dominique Noguez Edition: Flammarion
Parler de soi. C’est-à-dire parler d’un amour impossible. Amour construit non « par des réalités » mais « par des manques ». Non par « des plaisirs » mais par « des désirs ». Restituer les grandes et farouches et douloureuses lueurs d’un amour déçu, vécu dans l’absence de partage, dans l’idéalisation, dans l’espoir sans cesse recommencé, qui finit par se confondre avec les minutes, avec la façon qu’elles ont de passer, au travers de soi, arrachant des bouts de rien, des bouts de rêves, des bouts de tout.
Espoir que tout change et que la clairière brûlée (étendue intérieure, mais qui finit par épouser de ses contours sans contours l’ensemble du visible, de ce en quoi l’on est amené à vivre) à laquelle nous soumet l’autre idéalisé et aimé laisse place à une douce brume d’abandon de soi, de véritable vie à deux, fût-elle le fait d’un seul instant.
Et, parlant de lui, Dominique Noguez s’attache à le faire avec la plus grande honnêteté possible : « Je vais essayer de tout dire. J’ai un retard de sincérité à rattraper, il y a longtemps que j’y pense ». Afin de pouvoir, ce faisant, parvenir à une forme de clairvoyance qui lui permette de se détacher de lafigure si longtemps adorée, d’une adoration sans fin, sans pulsation même qui puisse être identifiée, cette adoration ayant fini par se confondre avec tout ce qui du temps présent était, est… écoute, attention ; en somme vie ; éveil et sommeil, – car il y a les rêves, persistants, précipités chimiques qui – bien souvent – nous sédimentent. Dans nos peurs, véritables charriots remplis à ras-bord d’une lave que nous ne cessons de vouvoyer. « Ceux qui aiment, constate Noguez, c’est bien connu, sont des aveugles persistants et consentants. Je ne suis pas mécontent de l’être un peu moins aujourd’hui. Raconter sa vie, ce n’est pas seulement, comme dit Martial, vivere bis, vivre deux fois, c’est vivre, la deuxième fois, un peu moins sot ».
Et pour parvenir à une certaine objectivité, Noguez s’attache à faire en sorte – sans relâche ! – que sa prose soit « sans affect, presque clinique, et ordonnée quasiment comme dans un livre de Barthes », en somme exactement ce qu’il dit à propos de La Vie sexuelle de Catherine M.
Matthieu Gosztola
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