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Les Livres

Du Délire, Claire Von Corda (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Dimanche, 15 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Du Délire, Claire Von Corda, Black Coat Press, Rivière Blanche, juin 2019, 244 pages, 20 €

 

Claire Von Corda a commencé sa vie littéraire avec Lorem-Ipsum, une revue d’art pluridisciplinaire dont, selon ses créateurs, « son utilité n’a pas encore été déterminée avec exactitude, ni sa durée de vie, et pas davantage sa périodicité ».

Pour autant l’auteure a trouvé une première piste d’envol et donne aujourd’hui son livre le plus abouti.

Claire Von Corda élargit une scène première, un moment zéro – ou premier – pour l’ouvrir à une scène cosmique entre le trop plein et un certain néant. La chambre de l’intime et la galaxie ne font qu’un entre « mère Electricité » et « sœur Vitesse » qui semblaient recomposer le monde. Il y eut en conséquence un soir, un matin : voire plus – une semaine pour les amants. Avant que le monde ne soit plus ce qu’il pouvait donner et que les naïfs pouvaient espérer. La faute n’est pas aux amoureux mais ils sont les victimes consentantes d’un tel advenir.

Mots, Philippe Jaffeux (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Dimanche, 15 Septembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Mots, Philippe Jaffeux, éd. Lanskine, mai 2019, 176 pages, 20 €

Littérature de l’apparition

Pour donner mon sentiment personnel au sujet de la lecture du dernier livre de Philippe Jaffeux, je prendrai appui sur une métaphore. Celle qui image la force nécessaire pour grimper sur une paroi avec juste quelques points saillants permettant l’escalade, auxquels il faut faire confiance et lire l’ouvrage comme on le ferait d’une description d’un édifice, comme un historien de l’art s’appropriant une architecture. Disons pratiquer une espèce de varappe intellectuelle très stimulante et énergique, pour suivre l’auteur dans cette littérature des possibles, de l’offre, écrit dans un style, disons, ascensionnel, qui joue sur le pouvoir de l’emportement dans une ivresse comparable, si je file la métaphore, à celle des sommets. Pour ce faire, j’ai pris beaucoup de notes en bas de page de ma lecture. Oui, une littérature de l’expérience intérieure, en sa profusion d’indications complexes, où l’on voit l’auteur chercher son souffle et parvenir à emporter le liseur dans sa propre psyché, cherchant lui-même à son tour la voie vers l’intellection du propos. Pour me résumer, je dirais, comme le laisse supposer le titre de cette chronique, que c’est bel et bien une littérature qui laisse apparaître, qui détoure les questions et interroge tout en laissant distinguer où le poète se situe et situe ainsi son auditoire.

Dictionnaire des mots parfaits, Belinda Cannone, Christian Doumet (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 13 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Thierry Marchaisse

Dictionnaire des mots parfaits, Belinda Cannone, Christian Doumet, mai 2019, 216 pages, 16,90 € Edition: Thierry Marchaisse

 

Après le Dictionnaire des mots manquants (2016) et le Dictionnaire des mots en trop (2017), voici le Dictionnaire des mots parfaits, troisième (et dernier ?) volume de la série. De même que le Robert ou le Larousse pourraient être qualifiés de « dictionnaires des mots parfaits objectifs », reflets de l’usage de la langue, de même cet ouvrage est un « dictionnaire des mots parfaits subjectifs », mots chéris ou préférés, choix personnel de chacun des 51 écrivains qui en forment le collectif d’auteurs.

Comment recenser un ensemble de courts articles de dictionnaire, dont les entrées sont si singulièrement propres à chaque écrivain ? Certains de ces mots offrent une résonance particulière à l’oreille du lecteur, de même que certains articles font précisément sens à la lecture : mots cratyliens, respectant l’harmonie imitative, mots sémantiques, choisis pour leur polysémie lexicale, mots syntaxiques, dépendant du contexte d’emploi, ou encore mots morphologiques, néologismes ou mots-valises, à objectif ouvertement ludique.

Mary Ventura et le neuvième royaume, Sylvia Plath (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 13 Septembre 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, La Table Ronde

Mary Ventura et le neuvième royaume, mai 2019, trad. anglais Anouk Neuhoff, 48 pages, 5 € . Ecrivain(s): Sylvia PLATH Edition: La Table Ronde

 

En 1952, Sylvia Plath, vingt ans, écrivait une nouvelle que publie enfin La Table Ronde, dans sa version d’origine (refusée pour noirceur alors). C’est une nouvelle terrifiante. Mary Ventura et le neuvième royaume nous plonge dans un voyage ferroviaire de pure terreur. Le train serait-il celui de la vie, et le trajet sans retour ? Mary, quoique réticente, prend, à l’invite de ses parents, le train. « Un voyage de formalité » dira la mère. Mary se dit « non prête pour le voyage ».

Le lecteur comprendra très vite que son personnage est mal embarqué, et les situations décrites, les dialogues, l’enjoignent à prêter une attention vive à ce qui se déroule, selon le rythme d’une machinerie infernale. L’air de rien, l’auteure, jeune, instille un malaise qui ne fera que croître, station après station, « royaume après royaume ». On évoque la noirceur des tunnels, l’improbable retour, les fenêtres du train s’émaillent de drôles de figures.

La surprise sera-t-elle au bout de la route ? Ou la méprise ? L’art de la jeune romancière est d’inscrire une réflexion philosophique sur la trame du voyage : la vie, la mort, l’autre, le destin sont autant de stations que tout esprit rameute.

Enfin le royaume, Quatrains, François Cheng (par Matthieu Gosztola)

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Vendredi, 13 Septembre 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Enfin le royaume, Quatrains, François Cheng, Gallimard, coll. Poésie/Gallimard, n°542, février 2019, édition revue et augmentée, 224 pages, 7,40 €

 

« De l’eau naît la flamme, / De la flamme l’air / Mêlé au pur souffle / D’une biche endormie », reconnaît François Cheng. La psychanalyste Anne Dufourmantelle décrit ainsi la douceur, réveillée par le poète dans le quatrain que nous venons de citer : « Le ventre d’un animal. La palpitation d’une veine qui affleure sous la peau. Une peau très âgée comme un galet translucide. Une peau de très jeune enfant, sa joue encore couverte d’un imperceptible duvet. Calme de la respiration, de ce qui contient le vivant et le protège. Et qui s’offre au toucher ». Puis elle ajoute : « La douceur est une force de transformation secrète prodiguant la vie, reliée à ce que les anciens appelaient justement puissance. Sans elle, aucune possibilité que la vie s’augmente dans son devenir. Je crois que la puissance de métamorphose de la vie elle-même se soutient dans la douceur. Quand l’embryon devient un nouveau-né, quand la chrysalide laisse éclore le papillon, quand une simple pierre devient la stèle d’un espace sacré dans les jardins de Kyoto, il y a, au minimum, la douceur ».