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Les Livres

A propos de Sérotonine, Michel Houellebecq (par Mona)

Ecrit par Mona , le Mercredi, 17 Avril 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Sérotonine, Michel Houellebecq, Flammarion, janvier 2019, 347 pages, 22 €

 

Il n’y a que la forme qui sauve : pourquoi Michel Houellebecq est un grand écrivain

« C’était un lecteur exhaustif », annonce le narrateur de Sérotonine à la vue d’un patron de bistrot plongé dans France Football. Michel Houellebecq n’écrit pas un article de Paris Normandie mais une œuvre littéraire et l’on se doit d’être ce « lecteur inhabituellement attentif ».

Le roman tire son nom de l’hormone du bonheur indispensable à la survie de notre espèce, la sérotonine. On sait que nos humeurs se réduisent à présent à des neurotransmetteurs. Merci les neurosciences.

Ainsi le narrateur du roman qui porte ironiquement le nom scientifique du bonheur est un personnage suicidaire dégoûté par « l’insupportable vacuité des jours ». Le premier et le dernier chapitre du livre s’ouvrent par le « petit comprimé blanc, ovale, sécable », le Captorix, pilule du bonheur prescrite au narrateur, « vieux mâle vaincu » qui n’arrive plus même à se masturber.

Trois jours à Jérusalem, Stéphane Arfi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 16 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Jean-Claude Lattès

Trois jours à Jérusalem, octobre 2018, 316 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Stéphane Arfi Edition: Jean-Claude Lattès

 

Les « vies de Jésus » forment une sous-catégorie particulière du genre littéraire appelé « biographie » et aucun être humain, si longue que soit son existence, ne pourra les lire toutes. Comme cela se produit invariablement, cet amoncellement de volumes, qui soutiennent des positions contradictoires, finit par s’auto-annuler et par s’affaisser sous sa propre masse. On en revient alors au point de départ, à ces quelques dizaines de pages du Nouveau Testament, dues à de très grands écrivains, de même qu’on revient toujours à Platon ou à Shakespeare, quand les yeux et l’esprit sont fatigués d’avoir compulsé des piles de thèses et d’études critiques à leur sujet.

Loin d’être une biographie exhaustive, le mince recueil que l’on désigne sous l’expression de Nouveau Testament garde un silence infranchissable sur des pans entiers de la vie du Christ. De même que certains individus ne supportent pas le silence et éprouvent le besoin de le remplir par ce qui vaut rarement mieux que lui – du bruit ou du verbiage – on a très tôt tenté de meubler le silence des Évangiles. Une bonne part de ce qu’on appelle la littérature apocryphe n’est rien d’autre qu’une tentative, très rarement réussie, de briser ce silence.

Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Anne-Marielle Wilwerth (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 16 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Ce que le bleu ne sait pas du fragile, Éditions Le Taillis Pré, 2019, 98 pages, 14 € . Ecrivain(s): Anne-Marielle Wilwerth

 

Sur le papier, toutes les garanties : un bon éditeur, une belle présentation graphique, un auteur chevronné, dont on avait apprécié le dernier livre de poèmes, et, hélas, à l’arrivée, des déconvenues à lire et relire cet ensemble de poèmes, lestés de clichés, de « qui, que, dont, où, ce qui » quasi à toutes les pages de ces sizains. Ajoutons-y la lourdeur de participes présents, l’abus d’adjectifs qui font poétique, les métaphores au génitif, les termes qui font philosophique (l’inécrit, l’inachevé, l’inouï, l’inattendu, l’informulé, l’intranquille, l’inchoisi), l’abus de ne… que restrictif… sans oublier les infinitifs nominalisés (le devenir…).

On voudrait aimer ; on voit les chevilles, les tics de langage, la suavité doucereuse, les naïvetés, voire les coutures.

Des voix, Manuel Candré (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 16 Avril 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Des voix, Manuel Candré, Quidam, février 2019, 214 pages, 20 €

 

Voici un opus qui ne conviendra pas aux amateurs d’intrigue et de littérature facile. Mais ceux qui savent goûter l’exigence et pour qui un livre, c’est d’abord une écriture, vont jubiler de page en page.

C’est une véritable pluie de paragraphes, c’est une grêle de phrases, qui vont les tremper jusqu’aux os.

La première déjà : « Aujourd’hui est un jour de fièvre »… (On est prévenus !). Des phrases qui, en plus de leur souffle, recèlent des « flocons d’images » qui font « mine de s’agréger pour délivrer une clé chiffrée ».

Plus j’avançais dans ma lecture, plus je plongeais dans les abysses de cette prose poétique incrémentale (sorte de parabole hélicoïde), et plus j’étais pris par le roulis du texte – semblable aux rouleaux de mer en bordure de plage qui ballottent nos corps et menacent de les noyer.

Et voilà qu’on en réchappe, voilà qu’on s’envole, voilà qu’on gravit des hauteurs :

Salomé, Cédric Demangeot (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 15 Avril 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Théâtre

Salomé, Éditions du Geste, février 2019, dessins de Ena Lindenbaur, 128 pages, 15 € . Ecrivain(s): Cédric Demangeot

 

« L’encre du dessin, l’encre des mots »

Les éditions du geste inaugurent leurs publications avec deux volumes, l’un consacré à une traduction nouvelle du Woyzeck de Büchner par Jérôme Thélot, et l’autre consacré au texte de Cédric Demangeot, Salomé. Deux pièces en écho sans doute, en secrètes correspondances. Cette chronique s’arrête sur le texte contemporain d’un poète acharné à faire poésie. Ici Cédric Demangeot reprend la matière Salomé qui a traversé à la fois le temps, les arts (musique, littérature, peinture…). Il réinvestit l’espace théâtral que Wilde avait choisi en 1891 avec son texte en français mais il le donne essentiellement comme poésie en acte, sous la tutelle de Heiner Müller dont la citation en épigraphe propose une première lecture ; celle de la confrontation de l’obscurité et de la clarté. Qu’est-ce qui ferait ainsi théâtre et qu’est-ce qui ferait poème ensemble ?

L’un des tout premiers protocoles dramatiques retenus par l’auteur est justement de faire monter en quelque sorte l’obscurité comme pour éteindre le monde autour de Salomé. Dans les premières didascalies, Cédric Demangeot intègre immédiatement le dispositif de la nuit : Par une fenêtre on voit qu’il fait nuit noire (p.9).