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Les Livres

Romans, Patrick Modiano (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 21 Mars 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Roman

Romans, Patrick Modiano, Gallimard coll. Quarto, 2013, 1088 pages, 24,50 €

 

La narration chez Modiano : la simplicité d’une économie prodigue

Travail d’éditeur et travail d’auteur se répondent dans cet opulent volume où figurent, avec six autres romans, Rues des Boutiques obscures, Remise de peine, Chien de printemps, Dans le café de la jeunesse perdue.

Ces pages par centaines qu’on ne se lasse pas de tourner mettent en valeur l’immense créativité de l’artiste sous des apparences de rengaines déjà entendues.

Alors voici…

Si Rues des Boutiques obscures est d’emblée captivant, d’autres incipit laissent planer la menace d’une déception (voilée), d’un ennui (feutré). Car sans s’attendre à rien de particulier – où serait le plaisir de découvrir un nouvel opus ? – on ne s’attendait pas à cela non plus.

Réflexions sur la tragédie grecque, Jacqueline de Romilly (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 20 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Editions de Fallois

Réflexions sur la tragédie grecque, novembre 2018, 310 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jacqueline de Romilly

Les études de Jacqueline de Romilly rassemblées dans ce volume ont été écrites et publiées sur plus de trente ans. Elles portent sur les spécificités du genre tragique des pièces créées par Eschyle, Sophocle et Euripide dans l’Athènes du Ve siècle avant notre ère. La tragédie grecque est en effet intimement liée à la démocratie athénienne. Mythe et tragédie, tragédie et pathétique, telles sont les deux thématiques essentielles soulevées dans deux des plus brillantes études de l’une des hellénistes les plus inspirées de notre temps, qui a nourri des générations d’enseignants, d’étudiants et d’écrivains comme Marguerite Yourcenar.

Jaqueline de Romilly s’intéresse à la transposition des mythes antiques chez les trois auteurs dramatiques. A l’inverse de l’épopée, la tragédie porte sur l’homme plutôt que sur le héros. Les mythes choisis concernent la famille – famille de demi-dieux ou famille de rois (Atrides ou Labdacides) –, le couple matrimonial ou parental, les enfants et la filiation, les ascendants et descendants, la lignée. En particulier, Jacqueline de Romilly s’attache à établir les points de convergence et de divergence entre la trilogie d’Eschyle, L’Orestie, et plus particulièrement entre Les Choéphores, qui relate le retour d’Oreste, venu venger son père Agamemnon en tuant sa mère Clytemnestre et son amant Egisthe, et les Electre de Sophocle et d’Euripide, qui relèvent du même sujet.

Monsieur Néant, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 19 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Monsieur Néant, éditions La Bibliothèque, mars 2019, 160 pages, 14 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses

 

Dans une belle présentation des éditions La Bibliothèque, avec rabats et typographie soignée, voici le 33ème livre de l’auteur français, né en 1959, qui publie poèmes, récits et romans depuis 1989 chez une dizaine d’éditeurs reconnus (Gallimard, Obsidiane, Grasset, Le Seuil, etc.).

Ce roman, à l’étrange personnage, décalé, reclus, assez solitaire pour être toujours un peu en défaut par rapport à la société, nous vaut une très belle écriture et une atmosphère, que l’on ne trouve guère dans les ouvrages de consommation courante. Ici respire le style. Ici, loin de toute narration formatée, respirent les petits chapitres tissés de rencontres et d’anecdotes hautes en couleurs pour un personnage quasi anonyme, perdu dans son immeuble, dans la ville, mais qui arrive toutefois à se donner des vacances. Vacance d’esprit libéré de tant de contraintes qui lui collent à la peau ? Qui sait ?

Je ne sais rien d’elle, Philippe Mezescaze (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Mardi, 19 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Je ne sais rien d’elle, Marest Éditeur, mars 2019, 160 pages, 17 € . Ecrivain(s): Philippe Mezescaze

 

Mausolée pour Irène

En 1987, Philippe Mezescaze publiait L’impureté d’Irène (1), roman autobiographique relatant un été à La Rochelle que le petit Émile, confié à une nourrice, passa avec sa mère qu’il ne voyait que très rarement. Un été durant lequel il devint le spectateur de la naissance puis de l’épuisement d’une passion entre Irène et Ladis, un marin polonais de passage, fou d’amour, rêvant de les emmener avec lui parcourir les océans.

Voici que trente ans plus tard, le réalisateur Nicolas Giraud décide d’adapter au cinéma ce roman. Il avait déjà failli être porté à l’écran après sa première parution. Isabelle Huppert aurait interprété Irène. Mais les aléas du septième art en décidèrent autrement. Nicolas invite alors son auteur à assister à la première semaine de tournage sur les lieux mêmes où se déroulèrent les événements, ces lieux qu’il « pensai[t] ne plus revoir, où [il se] refusai[t], pour des motifs laissés indéchiffrés, à revenir ».

Martin Heidegger La vérité sur ses Cahiers noirs, Friedrich-Wilhelm von Herrmann, Francesco Alfieri (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 19 Mars 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Gallimard

Martin Heidegger La vérité sur ses Cahiers noirs, Friedrich-Wilhelm von Herrmann, Francesco Alfieri, Gallimard, L’Infini, mars 2018, trad. italien et allemand Pascal David, 488 pages, 36,50 €

 

Martin Heidegger est mort voilà plus de quarante ans et c’est peu dire que l’œuvre immense qu’il a laissée n’est pas d’un accès aisé. Il n’eut rien d’un philosophe facile dans le style de Michel Onfray ou de Luc Ferry. Pourtant, quatre décennies après sa disparition, ce penseur, génie pour les uns, magicien de la complication inutile pour les autres (on y reviendra) fait encore parler de lui, pas seulement dans les revues professionnelles de philosophie, mais dans les journaux : ainsi lorsque fut révélé le contenu de ses « cahiers noirs ».

L’expression même de « cahiers » ou de « carnets noirs » était de nature à susciter des fantasmes. Il s’agit simplement de carnets recouverts de toile noire, comme chacun peut s’en procurer dans le commerce, afin de noter ce qu’il juge bon de l’être. Heidegger y transcrivait jour après jour des réflexions qui, ensuite, prenaient ou non place dans ses cours, ses conférences ou ses essais. Rien que de très banal, sauf que par une sorte de synecdoque, la couleur noire des couvertures en est venue à désigner une partie du contenu.