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Les Livres

Cent voyages, Saïdeh Pakravan (par Fawaz Hussain)

Ecrit par Fawaz Hussain , le Mercredi, 06 Mars 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Belfond

Cent voyages, Saïdeh Pakravan, Belfond, janvier 2019, 216 pages, 17 €

 

L’errance de Garance

Garance, la narratrice, n’est pas contente de son prénom ; elle trouve qu’il rime trop avec « garce » et avec « rance ». De père iranien et de mère française née dans une campagne riveraine de la Loire, elle se veut parisienne jusqu’au bout des ongles. Elle prend le patronyme maternel afin d’éviter la catastrophe consistant à passer pour Mlle Irani et à se faire prêter des goûts et des mœurs pas trop catholiques. Elle vient de passer trois ans en Iran, la patrie paternelle. À son grand bonheur, sa mère lui demande de regagner le 16e arrondissement, l’avenue de Versailles plus précisément, pour assister aux funérailles de son grand-père maternel. De retour donc dans une ville sur laquelle elle ne tarit pas d’éloges, elle n’est que trop heureuse de laisser derrière elle Téhéran, « cette vilaine capitale » et ses habitants qu’elle ne comprend pas. « Je ne me sentais pas d’affinités avec les Iraniens, pas d’appartenance à leur culture. (…). Je les oubliai sitôt rentrée à Paris, dont je m’étais crue détachée et dont je me retrouvais plus éprise que jamais ».

Requiem pour Gaza, Collectif (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 06 Mars 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Requiem pour Gaza, Collectif, Color gang édition, coll. Urgences, 2018, préface Adonis, 120 pages, 13 €

 

Gaza

Pour chroniquer ce livre, proche peut-être de l’esprit d’une revue, qui émane de divers poètes et créateurs sur le thème des événements du 30 mars au 20 août 2018 en Palestine, il faut que j’écrive un incipit. Les propos de l’ouvrage, qui mettent en lumière le malheur historique et humain que traversent les habitants de la bande de Gaza – aux mains du Hamas – reprennent un point de vue : celui de ceux qui souffrent. Un regard en surplomb doit permettre de comprendre la complexité du rapport de Gaza au monde et du monde à Gaza. Et j’écris cela pour faire valoir une certaine prudence à l’endroit du conflit israélo-palestinien, qui m’occupe depuis très longtemps, en tout cas depuis l’adolescence – et j’avoue que la guerre du Liban faisait aussi partie de mes préoccupations politiques de l’époque. Cependant, il est heureux de voir combien cette problématique touchant le monde occidental et oriental, pose en même temps la question de la fonction de l’écriture comme témoignage.

Mon frère et moi, Erik Sven (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Mardi, 05 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Mon frère et moi, éditions Murmure des Soirs, février 2018, 126 pages, 18 € . Ecrivain(s): Erik Sven

 

Dans cette fiction d’un auteur néerlandophone qui écrit admirablement dans la langue de Molière tout est inventé et tout semble vrai.

Les personnages principaux, deux enfants, Colline et Aubin (et aussi leur amie Béatrice) ont parfois des comportements d’adulte frisant l’étrange initié par une ambiance à la fois de village et de forêt comme si on passait sans cesse d’un monde à l’autre (on songe à Alice aux Pays des merveilles) ; une adulte, un peu à l’écart de la société, Berthe, fera office de bonne sorcière usant de sortilèges très humains pour amadouer Colline et Aubin qui ne demandent qu’à trouver une affection diluée entre une mère excessive et malade et un père activement restreint dans son rôle professionnel de chef de chantier. On n’oubliera pas, à cet égard, qu’un des « personnages » principaux est… une autoroute catalysant la progression du récit, Berthe ayant des choses à régler d’anciennes situations : « Selon le journaliste, qui se prenait pour Sherlock Holmes, tout indiquait que la grande Berthe avait enlevé le petit Aubin. Enlèvement qui (et là, le journaliste se fit psychologue) trouvait son origine dans une histoire non résolue entre papa et Berthe ». Voilà donc, une ébauche de cette intrigue calquée sur des non-dits autant que sur des gestes très physiques entre les personnes, à la limite des émotions « courantes » et notamment entre enfants :

Les impatients, Maria Pourchet (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Lundi, 04 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Les impatients, janvier 2019, 187 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): Maria Pourchet Edition: Gallimard

Relisez tous les titres ; les livres de Maria Pourchet rendent possible le mouvement, rendent sensible la vitesse, tous sont une course. Incarnent un certain essoufflement. D’emblée vous propulsent. Maria Pourchet a ce sens de l’accueil. L’auteure qui sait accueillir un lecteur, l’inviter dans son salon, sait le mettre à l’aise et surtout ! sait ne pas le lâcher au bord du. Ou le laisser en plan, appelez ça comme vous voulez.

« Quelque chose commence ici » sont les premiers mots. Cinq chapitres comme les cinq doigts de la main, cette main qui ne fait plus qu’utiliser une souris, un clavier, elle fait, elle défile, elle conçoit, elle déplace, elle copie, elle sélectionne. Elle efface.

Reine ? a ici encore l’adolescence dans le corps, le corps qu’on renie.

« Oui Reine va très vite. On tourne une page, on ne fait pas attention, on s’est pris dix-huit ans dans la vue ». Reine avance. Diplômée, une grande école, dites-vous, Reine appartient à cette génération que vous nommez en entreprise la génération Y. Un talent. Les entreprises justement, Reine les avale, les consomme, postule, repart, un boulot puis un autre. Vous ne parlez plus d’instabilité mais de plan de carrière. Reine bosse en mode projet. Sans contraintes déterminées. Jeune femme dynamique, tirée à quatre épingles, lisse et parfaite. Reine n’est pas tirée, Reine contrôle.

La Grande Guerre en demi-teintes, Edmund Blunden (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Lundi, 04 Mars 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Récits, Editions Maurice Nadeau

La Grande Guerre en demi-teintes, novembre 2018, trad. anglais Francis Grembert, 375 pages, 25 € . Ecrivain(s): Edmund Blunden Edition: Editions Maurice Nadeau

En 1916, le jeune Edmund Blunden, sous-lieutenant anglais, est envoyé en France à l’âge de 19 ans sur le front immobile de la Somme, chargé de missions de cartographie, de reconnaissances de terrain, d’entretien, d’extension et de ravitaillement des tranchées…

De 1916 à 1918 il a participé à l’âpre et monstrueuse hécatombe de la bataille de la Somme, puis s’est battu sur le front d’Ypres et sur la ligne des Flandres.

Après la guerre, il s’est consacré à brosser de ces deux années passées à crapahuter dans les tranchées un tableau précis, à en retracer une chronique remarquablement détaillée, à en tisser une narration qu’on peut croire fondée sur les notes minutieuses d’un journal personnel, ou d’un méticuleux carnet de bord… dont les pièces scéniques mises bout à bout constituent une œuvre volumineuse tout autant que captivante.

L’auteur-narrateur, personnage principal du récit, est poète. Ce don lui permet de percevoir la moindre promesse de vie, la moindre lueur de paix dans les brèves et rares périodes de répit qui surviennent dans le vacarme, le chaos et la fureur faisant de cette guerre immobile un enfer permanent.