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Les Livres

La septième croix, Anna Seghers (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mardi, 10 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman, Métailié

La septième croix, Anna Seghers, janvier 2020, trad. allemand Françoise Toraille, 440 pages, 22 € Edition: Métailié

 

C’est dans la septième année de son exil en France qu’Anna Seghers entame la rédaction de ce roman. Les bottes allemandes battent le pavé de Paris quand elle l’achève en décembre 1939. Son éditeur se trouve alors à New-York.

Recherchée par la Gestapo, elle gagne la zone libre, puis le Mexique.

Traduit en anglais, La Septième Croix paraît aux États-Unis en 1942. Il est porté à l’écran à Hollywood par Fred Zinnemann, avec Spencer Tracy dans le rôle principal. Un club de lecture en assure un tirage de masse et il est distribué aux troupes américaines.

Nous sommes à Westhofen en Rhénanie. Il y a là un camp de concentration. Sept prisonniers viennent de s’évader. Nous allons les suivre. Eux et les gens qu’ils ont connus : « Au début du mois d’octobre, un certain Franz Marnet quittait à bicyclette… ».

Tout ce qu’elle croit, Anne Lauricella (par Christelle d'Hérart-Brocard)

, le Lundi, 09 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Buchet-Chastel

Tout ce qu’elle croit, Anne Lauricella, février 2020, 288 pages, 18 € Edition: Buchet-Chastel

 

Qu’elle se dissimule derrière une narration à la troisième personne partiellement déponctuée, qu’elle donne la parole au « je » de l’enfant candide qu’elle n’est plus ou encore qu’elle recoure aux meubles, aux objets, aux choses pour témoigner d’un temps heureux et innocent, une seule et unique voix se dégage de ce récit à fleur d’âme, celle de la femme qui, affreusement, souffre et cherche, sinon à se reconstruire, du moins à contenir le mal qui la ronge et à en saisir le point de bascule. Car c’est bien là, à ce point de non-retour, que se situe toute l’intrigue : qu’a-t-il bien pu se passer et quand ?

La première partie du roman laisse entendre qu’un drame familial a eu lieu entre l’enfance et l’adolescence. Très vite, on comprend que le père, l’idolâtré, a trahi la confiance inconditionnelle de sa fille, a piétiné ses croyances virginales et laminé les fondements nécessaires à son épanouissement. Devenue femme, l’enfant chérie, modèle, promise à un brillant avenir, vit dans le dénuement à tout point de vue. Totalement instable, elle se trouve dans l’incapacité de créer du lien social. Père et mère lui ont tourné le dos.

Partage de la nuit, Patrick Devaux (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 09 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Le Coudrier

Partage de la nuit, Patrick Devaux, Ill. Catherine Berael, 70 pages, 16 € Edition: Le Coudrier

 

Nous voici dans un moment où notre conscience se laisse glisser vers un autre niveau du monde, à moins qu’à l’inverse elle n’ait enfin le moyen de s’éveiller pleinement à ce monde. Nous voici dans ces instants déterminants où l’aube est sur le point d’apparaître, où le crépuscule est si bien installé qu’il nous place dans le mystère et l’expectative, qu’il nous invite à une observation plus minutieuse de l’espace, qu’il nous met face à quelques questionnements centraux.

C’est l’impression qu’apporte ce très délicat Partage de la nuit de Patrick Devaux qui, dans une langue poétique aussi épurée que suspendue (la disposition graphique elle-même semble faire état d’une suspension, suspension du temps, suspension du geste), nous emmène au sein d’une oscillation entre ombre et lumière, nous conduit à cette frontière incertaine où tentent de se rencontrer le jour et la nuit, où le jour et la nuit s’essayent à un partage des éléments.

Les chevaliers de l’escalier rond, Einar Már Guðmundsson (par Catherine Blanche)

Ecrit par Catherine Blanche , le Lundi, 09 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques

Les chevaliers de l’escalier rond, Gaïa Editions, décembre 2019, trad. islandais Eric Boury, 250 pages, 11 € . Ecrivain(s): Einar Már Guðmundsson

Années 60 dans un quartier populaire de Reykjavik.

Les tribulations de Johann, petit garçon de 6-7 ans. Ah ! il en fait des frasques, le gamin, des bêtises en veux-tu, en voilà, et de toutes les couleurs. Nous, lecteurs, nous ne pouvons que le suivre. Mieux que cela : nous entrons dans la tête de ce narrateur en culottes courtes, nous devenons son double. Parfois même, il nous interpelle comme dans ce passage :

« Tout le monde à table ! Eh oui, chers lecteurs, si l’on exclut les résultats des matchs de foot, nommez-moi donc une nouvelle susceptible de se répandre plus vite parmi les hommes que cette annonce diffusée par les mères de famille poussées par le devoir ».

L’écriture de Guðmundsson est bluffante : elle arrive à nous faire entrer dans cet état d’enfance tout en ne faisant aucune concession (ou presque) au langage. L’écriture n’a rien en effet d’enfantine. Elle est drue, généreuse, enlevée, pétillante et apporte une vie en surabondance où rêve et réalité se mêlent sans cesse, à l’instar de ce gamin à l’énergie et à l’imagination débordante.

Confession d’un gentil garçon, Roland Jaccard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Vendredi, 06 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Pierre Guillaume de Roux éditeur

Confession d’un gentil garçon, janvier 2020, 128 pages, 16,50 € . Ecrivain(s): Roland Jaccard Edition: Pierre Guillaume de Roux éditeur

 

« J’ai traversé ma vie sans rien trouver qui retienne mon attention. Sans doute ai-je été un piètre observateur. Je me contentais de donner le change. Je ne peux en vouloir à personne. Certaines existences sont de somptueux ratages. D’autres, d’éblouissantes réussites. Je suis demeuré dans une honnête moyenne ».

Roland Jaccard a de qui tenir, il a forgé ses pensées et son style en lisant Henri-Frédéric Amiel (1), Cioran, Karl Kraus, Schopenhauer, et quelques autres penseurs piquants, pétillants et gracieusement désespérés, ses élus de la mélancolie. L’écrivain qui fut longtemps un grand éditeur (2), livre quelques secrets, quelques scandales, des éclats et des éclairs de sa vie amoureuse. Il aurait pu inscrire en sous-titre de ce nouveau petit livre « Les filles s’enfuient plus vite que les livres », même si en le lisant, on découvre que le plus souvent, c’est lui qui prend la fuite, qui se dérobe, question de sécurité assure-t-il.