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Les Livres

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 20 Mars 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac, Grasset, février 2018, 162 pages, 16 €

 

Dans Le chagrin d’aimer, Geneviève Brisac explore, avec finesse mais sans concession, les relations qu’elle a entretenues avec une mère équivoque et fantasque. On déroule les pages, comme on tournerait celles d’un album de famille.

Cet ouvrage met en lumière à quel point les rapports mère-fille sont très souvent d’une surprenante complexité. Ils oscillent fréquemment entre amour inconditionnel et rejet, entre agacement et attendrissement, entre exaspération et patience, entre fierté et honte, entre douceur et violence, entre rapprochement et abandon. Ce sont tous ces sentiments irrationnels que Geneviève Brisac sonde en se fiant à l’éclosion de sa mémoire, depuis son enfance jusqu’à la mort de sa mère.

Dans ce récit, Geneviève Brisac ne cherche nullement à nous égarer dans de longues digressions. Poussée par l’urgence du dire, elle nous plonge au cœur de ses émotions. Pour aller à l’essentiel, elle utilise une écriture sèche et nerveuse, ne se privant ni d’une langue triviale, parfois crue, ni d’une ironie cinglante.

Désir, Philippe Sollers (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 19 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Désir, mars 2020, 130 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Philippe Sollers Edition: Gallimard

 

« Le Philosophe est incorruptible. S’il choisit de s’exprimer à travers tel ou tel écrivain, on le reconnaît immédiatement à son style : net, contradictoire, énergique et fluide. Qu’il ait eu plusieurs signatures n’a pas d’importance. On ouvre un livre en français, et on sait, au bout de trois lignes, que c’est lui ».

Désir est le roman de Louis-Claude de Saint-Martin, connu, plus ou moins, sous le nom de Philosophe Inconnu, né en 1743 et mort en 1803 (1). On lui doit deux livres illuminés, L’Homme de Désir, et Le Ministère de l’Homme-Esprit, et Philippe Sollers, sens en éveil, s’en inspire, comme il s’est inspiré de Casanova, de Vivant Denon, ou encore de Mozart (2). Désir est un livre inspiré, animé d’un souffle et d’un élan divin – quoi de plus révolutionnaire que le divin ? –, un roman illuminé par un Illuministe (3), un homme de l’instant, qui vit, s’il le veut, à la seconde près. Désir est une machine littéraire à remonter le Temps, à se l’approprier. L’écrivain s’immerge dans la Révolution française sur les traces de cet Inconnu – « Quand on la contemple, cette révolution, dans son ensemble et dans la rapidité de son mouvement, on est tenté de la comparer à une sorte de féérie et à une opération magique ».

Autobiographie du mal, Pavel Vilikovský (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 19 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Editions Maurice Nadeau

Autobiographie du mal, Pavel Vilikovský, février 2019, trad. slovaque, Peter Brabenec, 193 pages, 21 € Edition: Editions Maurice Nadeau


Ce roman à l’atmosphère pesante met en scène les mécanismes machiavéliques de la manipulation de l’individu par les services secrets d’une police politique implacablement organisée et efficace au point non seulement d’anticiper les réactions des personnes qu’elle manœuvre et utilise de gré ou de force au service d’un pouvoir totalitaire, mais encore de les amener à agir, plus ou moins consciemment, contre leur propre morale, contre leur propre idéologie, contre leur propre nature.

L’action se situe en Tchécoslovaquie sous le régime communiste installé en 1948, à une époque et dans des circonstances historiques que l’auteur, Pavel Vilikovsky, grand écrivain slovaque décédé tout récemment, le 10 février 2020, a personnellement vécues.

Les Fantômes de Théodore, Martine Rouhart (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 19 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Les Fantômes de Théodore, éditions Murmure des soirs, mars 2020, 118 pages, 16 € . Ecrivain(s): Martine Rouhart

 

D’emblée le roman nous propose, et dès les premières pages, une ambiance progressive digne des grands maîtres du suspense.

Dans cette réalité pensée sans cesse en trois dimensions, comme souvent au théâtre ou au cinéma, la géométrie de l’instant arpente un décor construit autour d’une idée principale : Théodore a disparu.

« Ah non, le vide ce n’est pas rien, c’est bien plus vertigineux. Sa parka n’était pas accrochée au porte-manteau. Ses pantoufles, abandonnées sur le paillasson m’ont bêtement serré la gorge ».

La façon de penser les personnages oblitère le temps et l’espace d’une façon originale et inhabituelle dans ce roman conçu comme une sorte de « script-journal » où les protagonistes semblent se regarder jouer leurs propres intrigues, l’auteur agissant depuis l’extérieur en endossant la psychologie de chaque individualité à tour de rôle, ce qui demande une maîtrise absolue dans l’évocation des sensibilités évoquées suivant leur caractère et le contexte.

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, Imre Kertész (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 18 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Roman, Babel (Actes Sud)

Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, trad. hongrois, Natalia Zaremba-Huzsvai, Charles Zaremba, 142 pages, 6,60 € . Ecrivain(s): Imre Kertész Edition: Babel (Actes Sud)

Chaque livre d’Imre Kertész est un livre important, essentiel. On le sait bien sûr pour son Être sans destin, témoignage incroyable sur Auschwitz, regard radical et inattendu sur la plus vaste horreur que le monde ait produite dans les temps des temps. Ce Kaddish – qui en est vraiment un – ne fait pas exception. Le Kaddish c’est la prière que l’on fait pour les morts chez les Juifs. C’est une prière de peine et de renoncement aux vanités du monde. Ce livre – comment pourrait-on l’appeler roman ? – est complètement, définitivement un Kaddish : dans son propos et dans sa forme.

Yitgaddal vèyitqaddsh sh’meh rabba

Bè’alma di vèra khir’outeh

Vèyamlikh malkhouteh

Veytzmakh pourqaneh

Viqarev meshi’heh …