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Les Livres

Le Consentement, Vanessa Springora (par Mona)

Ecrit par Mona , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Grasset

Le Consentement, Vanessa Springora, janvier 2020, 206 pages, 18 € Edition: Grasset

Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait un livre.

Le « séduisant G », écrivain presque quinquagénaire, est addict (« une forme d’addiction incontrôlable ») aux moins de seize ans, et la jeune fille de 14 ans en mal d’amour a une « soif de junkie qui ne regarde pas à la qualité du produit ». L’histoire de Vanessa Springora peut commencer, « les conditions sont maintenant réunies ». Le début ressemble à une histoire romanesque à souhait : cour assidue, échanges épistolaires sous le signe des liaisons dangereuses, un amant prêt à attendre un an avant de jouir de sa « belle écolière » (« J’ai rencontré G à l’âge de treize ans. Nous sommes devenus amants quand j’en ai eu quatorze »), la présence d’un corbeau. Mais c’est le récit de l’emprise d’un pervers narcissique sur une gamine perdue (« la paumée ») qui nous est contée. Le prologue loue la visée édificatrice des contes de fées : « les contes pour enfants sont source de sagesse… Autant d’avertissements que toute jeune personne ferait bien de suivre à la lettre ». Si, jeune fille, elle a cru à un conte de fées, elle apprend bien vite à ses dépens que « cet homme n’était pas bon. Il était bien ce qu’on apprend à redouter dès l’enfance : un ogre… Le prince charmant a montré son vrai visage ». L’auteure en tire une conclusion générale pour tous les écrivains : « les écrivains sont des gens qui ne gagnent pas toujours à être connus. On aurait tort de croire qu’ils sont comme tout le monde. Ils sont bien pires. Ce sont des vampires ».

La Panthère des neiges, Sylvain Tesson (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

La Panthère des neiges, octobre 2019, 176 pages, 18 € Edition: Gallimard

 

Le dernier Prix Renaudot consacre l’auteur de vingt-huit livres depuis 1996. Déjà primé pour ses nouvelles, ses essais, le voici récompensé, non pour un roman mais pour un récit de voyage, parsemé de pensées, d’aphorismes (« voir les fauves cachés derrière les paravents banals », p.124), de références Tao.

Tesson, sous l’égide de son ami photographe animalier Monnier, flanqué de deux comparses, Marie et Léo, a pour dessein de voir dans le Tibet profond, entre Golmud et Lhassa, ces panthères si insaisissables.

Le petit groupe part ainsi, guettant, affûtant sa vue, à des hauteurs où le gel est un compagnon de route. On loge sous tente et les froids sont aigus. À plus de quatre mille mètres, yacks, vautours, loups, sont les seules surprises des attentes très longues à fixer les sommets, les autres versants.

« L’affût commande de tenir son âme en haleine » est le credo de ces voyageurs des « ineffables sommets et silences des neiges » (je synthétise une « approche »), en page 164.

Écrits spirituels du Moyen Âge, en La Pléiade (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Écrits spirituels du Moyen Âge, Gallimard, La Pléiade n°643, octobre 2019, Édition et trad. latin, Cédric Giraud, 1210 pages, 63 €

Le film théologique (quel autre adjectif employer ?) de Terrence Malick, Tree of Life (une double référence explicite à saint Bonaventure et à la Kabbale) s’ouvre par deux citations ; l’une – écrite – du livre de Job (38, 4 et 7), l’autre – dite par une voix off féminine – sur les rapports de la nature et de la grâce, tirée d’un des livres les plus diffusés au monde, L’Imitation de Jésus-Christ, composée au XVe siècle par le chanoine Thomas a Kempis. Et – cela fait partie du génie de Malick – cette citation d’un texte vieux d’un demi-millénaire s’insère de façon naturelle dans la trame du film. On retrouve l’Imitation dans la magnifique anthologie de la Pléiade consacrée aux Écrits spirituels du Moyen Âge.

La constitution de toute anthologie pose la double question du goût personnel de celui qui l’assemble et du caractère représentatif des textes choisis. Le critère retenu ici est simple : la renommée de ces œuvres en leur temps, attestée à la fois par le nombre de manuscrits (d’une époque où la copie et la diffusion d’un livre sont des entreprises coûteuses et fastidieuses, nous avons conservé 512 manuscrits des Soliloques du pseudo-Augustin) et la présence d’un titre parmi les listes de lectures alors conseillées (p.XVII). L’agencement des textes est à la fois le plus simple et celui qui prête le moins à discussion : l’ordre chronologique.

L’Échelle de la mort, Mamdouh Azzam (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Jeudi, 12 Mars 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’Échelle de la mort, Mamdouh Azzam, trad. de l’arabe par Rania Samara, éd. Sindbab/Actes Sud, parution 8 janv. 2020, 12,80€

 

Moisson funeste

Le roman commence par une séquestration. Une trappe, invisible aux yeux, recouvre un trou creusé profondément, dans lequel la jeune Selma est quasiment enterrée vivante. Les geôlières (des femmes de sa propre famille), lacèrent les habits de leur prisonnière, emballent de la nourriture dans des lambeaux de ses vêtements, qu’elles lui jettent à travers la trappe. Ainsi, débute l’histoire tragique de Selma, son agonie atroce dans l’air pétrifié de la cave verrouillée. Nous apprenons lentement l’existence et la survivance de coutumes implacables, de la brutalité des privilèges d’une famille sur une autre, du droit de vie et de mort sur autrui. Des mœurs patriarcales sévissent en toute impunité, les jeunes filles « fautives » en meurent (dans des conditions épouvantables). Du reste, les familles sont bannies à jamais et déshéritées. Le jeune garçon – le promis de Selma -, éprouvé par le deuil, la perte de sa bien-aimée, subit un viol. L’auteur syrien Mamdouh Azzam, néanmoins, dédicace L’Échelle de la mort, son dernier livre, à son père.

L’Amante de l’Arsenal, Journal 2016-2018, Gabriel Matzneff (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 11 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

L’Amante de l’Arsenal, Journal 2016-2018, novembre 2019, 432 pages, 24 € . Ecrivain(s): Gabriel Matzneff Edition: Gallimard

Avertissement : Recension écrite en décembre dernier, depuis tous les livres de l’écrivain ont été rappelés par ses éditeurs. Gabriel Matzneff a quitté la France pour l’Italie et la justice est saisie.


« Deux titres mélancoliques : Séraphin, c’est la fin ! Mais la musique soudain s’est tue ; puis un titre triomphant, dionysiaque : La Jeune Moabite. Entre les deux, Un diable dans le bénitier, et Les Eaux du Léthé.

Ensemble, ces cinq titres expriment ce qu’aura été ma vie » (L’Amante de l’Arsenal).

L’Amante de l’Arsenal est le dernier opus des Journaux intimes de Gabriel Matzneff, des journaux qu’il publie depuis 1976, et qui recouvrent et découvrent sa vie, ses aventures, ses passions, ses joies et ses amours composés et décomposés.