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Les Livres

Les Argonautiques, Apollonios de Rhodes (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 03 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Contes, Les Belles Lettres

Les Argonautiques, Apollonios de Rhodes, 2019, trad. grec ancien, Francis Vian, Émile Delage, préface Glenn W. Most, 348 pages, 21 € Edition: Les Belles Lettres

 

Était-il raisonnable d’écrire une épopée quand on venait après Homère ? La question peut être posée autrement : est-il raisonnable d’écrire un roman après Proust ? Était-il raisonnable de composer de la poésie sous le magistère écrasant et tyrannique de Victor Hugo ? Baudelaire l’a pourtant fait, en s’emparant d’une des rares formes poétiques que l’exilé de Guernesey n’avait pas illustrées : le sonnet. Apollonios de Rhodes, né en 295 avant Jésus-Christ, s’est-il posé semblable question ? Nous l’ignorons. En tant que Grec lettré – et de surcroît directeur de la bibliothèque d’Alexandrie – il connaissait naturellement les épopées homériques. Mais le goût littéraire avait changé – on n’ose écrire évolué – et Homère finit par paraître rébarbatif, brutal, aux yeux des Alexandrins érudits et raffinés. Apollonios choisit donc un épisode de la mythologie grecque qu’Homère avait délaissé : la quête de la Toison d’or, sur laquelle il composa une épopée en quatre livres. Le public alexandrin de son époque se trouvait dans le même état d’esprit que les Français du Grand Siècle lorsqu’ils allaient voir Corneille, Racine ou les autres dramaturges : ce n’était pas la nouveauté ou l’originalité du sujet qui leur importait, mais la manière dont il était traité (si génial que soit le réalisateur, tout le monde sait comment se terminera un film sur le Titanic).

Des trottoirs et des fleurs, André Dhôtel (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Des trottoirs et des fleurs, André Dhôtel, 336 pages, 9,10 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Il semble – fors une confrérie de happy few à laquelle nous prétendons appartenir – qu’on ait oublié André Dhôtel. Il est certain qu’on a tort.

Il a écrit, entre les années 30 et 80 du siècle passé, une quarantaine de romans, de nombreuses nouvelles et des poèmes. Tous sont désuets, inactuels et intemporels à la fois, dotés d’un charme – au sens magique du terme, si l’on nous passe cet adjectif vague et galvaudé qui, ici, est juste – d’un charme donc, puissant quoique subtil – et sans doute imperceptible, donc inexistant, pour beaucoup. Dhôtel est aussi l’auteur d’articles et d’ouvrages critiques, notamment sur Rimbaud, mais aussi sur des écrivains délaissés, qui sont de la même race que lui : Charles-Albert Cingria, Jean Follain, Henri Thomas, pour ne citer qu’eux.

À notre grand dam, la plupart de ses œuvres sont épuisées. Certains titres ont été réédités dans les années 2000, chez Phébus, Gallimard, Horay, Fata Morgana et La Clé à molette, mais plusieurs d’entre eux sont déjà indisponibles – raison supplémentaire de scruter les rayonnages des bouquinistes, dans l’espoir – souvent vain – d’en trouver un que nous ne possédons pas encore. Parmi ces œuvres, Des trottoirs et des fleurs, dont il sera question dans cette chronique.

La certitude des pierres, Jérôme Bonnetto (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Inculte

La certitude des pierres, Jérôme Bonnetto, janvier 2020, 192 pages, 16,90 € Edition: Inculte

 

Ségurian est un village isolé et perché dans la montagne, dont le saint patron est St Barthélémy, fêté comme il se doit tous les 24 août, avec la sortie du saint en procession et la traditionnelle préparation et dégustation bien arrosée de la soupe au pistou. Tout un symbole si on pense au massacre du même nom et nul doute que l’auteur ne l’a pas choisi par hasard.

Ségurian est un village de chasseur et les chasseurs forment un clan avec un chef qui est aussi le chef, de père en fils, d’une entreprise familiale de construction qui a bâti une bonne partie du village : ce sont les Anfonsso. Joseph Anfonsso est donc un chef : chef de famille, chef d’entreprise, chef des chasseurs. Et plus tard, il passera la main à son propre fils Emmanuel. Tout est bien qui tourne bien, immuablement, dans ce village refermé sur lui-même.

Les aigles endormis, Danü Danquigny (par Christelle D'Hérart-Brocard)

, le Lundi, 02 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Les aigles endormis, Danü Danquigny, Gallimard, janvier 2020, 224 pages, 18 € Edition: Gallimard

 

L’histoire se situe en Albanie, à la toute fin du régime communiste, dirigé par Enver Hoxha, puis par son successeur, Ramiz Alia, et s’étend sur les trois décennies qui ont suivi la chute de la dictature et vu s’installer le Parti démocrate. L’auteur prend son temps pour dresser le portrait désastreux d’un pays gangréné par la misère, la peur et la corruption de ceux qui ont su tirer leur épingle du jeu aux lendemains désenchantés du communisme.

Dans la première moitié du roman, les personnages sont campés par des dialogues et des discours dont la teneur semble davantage servir le panorama socio-économique et politique de l’Albanie que révéler leur existence propre, individuelle : ils participent à ou témoignent de certains épisodes historiques majeurs sans qu’aucun d’eux n’acquière une véritable épaisseur romanesque, saillante ou saisissante. La structure temporelle, qui joue sur l’alternance de deux époques éloignées l’une de l’autre d’une vingtaine d’années, permet de porter un regard rétrospectif et critique sur des événements vécus, au préalable, de l’intérieur.

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 02 Mars 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arts

L’œil du Quattrocento, L’usage de la peinture dans l’Italie de la Renaissance, Michael Baxandall, Gallimard, coll. Tel, janvier 2020, trad. anglais Yvette Delsaut, 240 pages, 14,50 €

Contempler une œuvre d’art

Dans Rome, Naples et Florence, Stendhal rapporte son arrivée à Florence. C’était en 1817. Son cœur, nous dit-il, « bat avec force » à l’approche de la cité des Médicis, là où vécurent les grandes figures de la Renaissance. Il se sent profondément ému, « hors d’état de raisonner » et se livre à sa folie « comme auprès d’une femme qu’on aime ». Un curieux trouble qui resurgira lors de sa visite de la ville et des chefs-d’œuvre qu’elle contient. On se prendrait volontiers pour Stendhal lorsqu’on ressent une émotion aussi intense à contempler les grandes peintures, notamment celles du Quattrocento, Fra Angelico, Masaccio, Botticelli, Piero della Francesca et autres…

D’ailleurs, que contemplons-nous dans une œuvre d’art ? La question n’est pas un sujet de philo au bac mais elle interpelle quiconque fréquente de telles œuvres. La vie est faite d’une succession de sensations toutes aussi éphémères les unes que les autres. Un sourire esquissé est voué à disparaître, la beauté d’un visage est condamnée à flétrir, le charme de toutes choses possède un je ne sais quoi de fugace.