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Les Livres

Féminisme et philosophie, Geneviève Fraisse (par Yasmina Mahdi)

, le Vendredi, 27 Mars 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Féminisme et philosophie, Geneviève Fraisse, Folio Essais janvier 2020, 366 pages, 8 €

 

Identification du féminin

La philosophe Geneviève Fraisse introduit son ouvrage Féminisme et philosophie sous l’angle de l’épistémologie, pour mener une longue étude critique autour de concepts ancrés de façon conventionnelle, dans le trope (par exemple, sensible égal féminin, la catachrèse de « l’éternel féminin »), et la doxa misogyne de la pensée hétérocentrée. Elle écrit que « le politique et l’économique se croisent dans l’espace capitaliste au travers des corps sexués ». « Le corps des femmes » est le sujet/objet de la propagande de l’image et de l’écrit. Ce corps-sujet ne s’avance pas masqué, il surgit d’emblée sans équivoque, offert aux regards (dans le cinéma, les arts visuels), édifié selon les canons esthétiques de l’hétérosexualité dominante. La philosophe compare les situations historiques, à la recherche des impensés de la société, afin de se « défaire [des] pratiques autoritaires (…) du mandarinat » et du savoir institutionnalisé. Tout d’abord, Geneviève Fraisse se définit comme une « colporteuse », quelqu’un qui transporte des marchandises, les échange ou les vend, profession de vendeurs et vendeuses ambulantes, très pauvres, menacés de mort au 18e siècle pour celles et ceux qui diffusaient de la presse clandestine.

Un dernier verre à l’auberge, Emmanuel Moses (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 26 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions Lanskine

Un dernier verre à l’auberge, janvier 2020, 56 pages, 13 € . Ecrivain(s): Emmanuel Moses Edition: Editions Lanskine

L’univers poétique de Moses n’est guère éloigné de celui dans lequel il plonge Monsieur Néant, héros malgré lui de son roman, paru à La Bibliothèque.

On retrouve ce goût d’un réalisme décalé, mâtiné de fantastique ordinaire, d’incongruités de sens, et d’une tendre mélancolie.

Proche de Zbyněk Hejda, le Tchèque, redevable à Supervielle de son réalisme magique et tristounet, Moses flirte avec la nuit, les bars, enfin, une auberge, puisqu’il s’agit de boire (« allons boire quelque part, à l’ombre, en silence », p.14), et l’auberge sera citée elle, plus tard, plus loin (« Tu pars de chez toi pour aller boire un dernier coup à l’auberge/ Pourquoi avoir choisi ce village paumé ? », p.36).

Les présences (un je, un tu, une ombre, quelqu’un) rendent encore plus indécidables ces fantômes de la réalité, chers à Moses ; l’amateur de Prague insinue ici des décors, des atmosphères, des récits, des instants de ville, qui échappent à la pure réalité et y retournent par l’écriture : il suffit d’une notation, d’une image pour faire basculer le poème dans un fantastique un peu glauque, un peu déjanté, forcément poétique.

Tout homme est une nuit, Lydie Salvayre (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Jeudi, 26 Mars 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Tout homme est une nuit, Lydie Salvayre, Seuil, 2017, 256 pages, 18,50 €

 

Le roman de Lydie Salvayre, Tout homme est une nuit, commence par cette injonction rédhibitoire que le héros énonce : « Plus jamais !… Je n’y remettrai plus jamais les pieds ! ». Le récit peut alors commencer.

Un homme encore jeune apprend qu’il est atteint d’un cancer et qu’il risque de mourir. Dans un mouvement soudain et non prémédité, il décide de quitter son travail de professeur de français, sa vie de petit bourgeois, ses amis, son amour qui tangue, pour se réfugier dans un banal village du sud-est où il sera inconnu de tous. Il pense pouvoir « trouver le repos » et « convertir le désespoir… en œuvre littéraire ».

Mais à aucun moment, il ne peut imaginer que sa venue dans ce lieu va déclencher une foutue tempête chez les habitants.

L’amour harcelant, Elena Ferrante (par Sylvie Ferrando)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 25 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard), Italie

L’amour harcelant, Elena Ferrante, février 2020, trad. italien, Jean-Noël Schifano, 224 pages, 5,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Nous découvrons le premier roman d’Elena Ferrante, paru dans les années 1990, bien avant la tétralogie L’Amie prodigieuse qui a fait le succès de l’auteure. Ce roman de la jeunesse et de la filiation explore très classiquement les relations qu’une fille a entretenues avec sa mère récemment décédée. Delia met au jour le passé quelque peu trouble de sa mère Amalia, découverte noyée dans la baie de Naples, en sous-vêtements, avec une valise et un sac à mains contenant du linge féminin. A l’enterrement et dans les jours qui suivent, Delia reprend contact avec quelques-uns des personnages qui ont peuplé la vie d’Amalia. Les souvenirs napolitains se ravivent : les rues, les boutiques, le funiculaire, la plage, les restaurants et hôtels, la langue dialectale. Qui est ce Caserta, qui semble avoir exercé une influence plutôt néfaste sur Amalia, allant jusqu’à la violence ? L’oncle Filippo, frère d’Amalia, est-il si bienveillant qu’il en a l’air ? Que cache Polledro Antonio, gérant du magasin de vêtements Vossi ? La veuve De Riso révèlera-t-elle à Delia un pan des relations conflictuelles entre son père, artiste-peintre, et sa mère ? Delia mène l’enquête, cherchant à se fondre dans le passé de sa mère, fascinée par ses recherches, traquant la jeunesse enfouie sous les visages et les comportements parfois lubriques des vieillards, rencontrant les enfants des « amis » de sa mère, devenus adultes et mûrs.

Et de l’arbre de nos vies la sève perle encore, Caroline Barth (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Mercredi, 25 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Et de l’arbre de nos vies la sève perle encore, Caroline Barth, Editions Librinova, juin 2019, 276 pages, 17,90 €

 

Trois narratrices qui s’expriment chacune à la première personne.

Trois histoires qui s’enchevêtrent.

Trois existences qui s’entrelacent, indissociables l’une des deux autres.

Trois femmes qui se racontent et qui mettent en scène, chacune à son tour, les deux autres.

Trois visions de la vie, et de l’évolution des mœurs, des conditions et des règles sociales sur trois générations.

Trois lieux principaux : Paris, Saint-Jean-de-Luz, La Saline-Les-Bains (Réunion), avec des sautes dans le temps et dans l’espace à Madagascar, à Abidjan, à Dakar…

Et un unique thème central, un sujet qui surgit et devient très vite la préoccupation première de chacune : le cancer qui frappe l’une des trois protagonistes que sont Alexandra, Ambre et leur mère, Anne.