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Les Livres

Quitter Paris, Stéphanie Arc (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 05 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Rivages

Quitter Paris, Stéphanie Arc, janvier 2020, 96 pages, 13,80 € Edition: Rivages

 

Avec un esprit pratique genre « liste de courses » ou « choses à cocher et à faire », Stéphanie Arc nous emmène à la fois dans l’organisation requise pour vivre dans un espace limité où il est permis de rêver de grandeur, de compagnie animale ou humaine et dans ses souvenirs d’enfance.

La narratrice s’en donne à cœur joie avec un ton d’humour original et particulier qui donne à sa démarche tout son sens : « Je vous l’accorde, il n’est pas simple de réaliser ses rêves, certaines difficultés paraissent insurmontables. Mais il y a une solution ! Vous avez de l’argent de côté ? Il est temps d’investir ! /600.000 euros pour 70 mètres carrés vous paraissent excessifs ? Optez pour la location/ Vous êtes free-lance, aucun propriétaire ne retiendra votre dossier ? Trouvez un contrat à durée indéterminée/ La presse est un secteur en berne ? Incitez votre conjoint(e) à signer un CDI, et installez-vous ensemble/ Vous refusez de vivre à deux dans 40 mètres carrés ? Il va falloir y mettre du vôtre…/ Avez-vous pensé à quitter Paris ? ».

Todo Modo, Leonardo Sciascia (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 04 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard, Italie

Todo Modo, traduit de l'italien par François-René Daillie, 196 p. 7,50 € . Ecrivain(s): Leonardo Sciascia Edition: Gallimard

 

Quand le grand Leonardo Sciascia écrit un roman noir – un polar – c’est à un véritable phénomène de déplacement et de métamorphose que l’on assiste. Le genre est très vite subverti, oublié, et pourtant, point de doute, ce roman est bien policier. Un meurtre, deux meurtres (trois ?) dans une résidence réservée pour un temps à la méditation et la disputation théologique qui accueille hommes d’église, grands bourgeois, décideurs, et Sciascia nous offre un roman remarquable de réflexion sur le Bien et le Mal. Mais il le fait avec un œil pétillant de malice, une bonne dose d’anticléricalisme, une joie féroce et vengeresse à l’endroit des puissants de ce monde. Quand on entend Don Gaetano, l’hôte des lieux, c’est évidemment Leonardo Sciascia qui parle, lui qui a fait de ses romans une critique permanente de la classe politique, un regard acide et virulent sur les mœurs délabrées des puissants et des possédants dans son pays – qu’il s’agît de la mafia ou des politiques – on se rappelle le magnifique « Cadavres Exquis ».

Nous avons les mains rouges, Jean Meckert (par Jean-François Mézil)

Ecrit par Jean-François Mézil , le Mercredi, 04 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Joelle Losfeld

Nous avons les mains rouges, Jean Meckert, décembre 2019, 307 pages, 12,80 € Edition: Joelle Losfeld

 

Un homme, la vingtaine. La France sort de la guerre, lui de prison : il a purgé sa peine. Le gardien-chef l’appelle 34, mais on sait son prénom, Laurent, et on ne tardera pas à connaître son nom : Lavalette. On apprendra aussi bientôt la raison de l’incarcération : « J’ai tué un homme ».

On suit Laurent chez le percepteur. Il y récupère le pécule qu’il a gagné à la prison. Il cherche « une maison à femmes » (vingt-deux mois de continence, c’est long). Avenue de la Gare. Le prochain train pour Paris ? 17h18. Il n’est que 9h20, il faut tuer huit heures. Laurent entre dans un café :

– Vous avez du vin blanc ?

– Du rouge ! dit la femme. Vous voulez un canon ?

Une camionnette qui n’est pas de première jeunesse (« les pneus montraient leur toile et la bâche était rapiécée ») s’arrête devant le café. Deux hommes en sortent : un « énorme gaillard » (Armand de son prénom) ; le second plus âgé. Il se présente :

Kyoto Song, Colette Fellous (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Mercredi, 04 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Kyoto Song, février 2020, 192 pages, 20 € . Ecrivain(s): Colette Fellous Edition: Gallimard

 

Crépuscule à Kyoto

Le voyage au Japon donne à la vie de Colette Fellous le roulis d’une autre perspective Son livre devient large d’émotions par à la fois changement de décor, de cap, et la présence d’une fillette qui crée dans la psyché de l’auteure une fente ou une traversée.

L’éloignement géographique crée une proximité. Il ne s’agit plus de poser les questions : de qui ? de quoi ? Soudain l’auteur peut aller plus loin avec elle-même d’où ce besoin d’imaginer que ce voyage serait éternel. S’y recreusent des sources, s’incisent les songes qui échappent à la seule tyrannie de la Méditerranée.

Kyoto devient l’écran qui peut se traverser. L’Autrefois rencontre le Maintenant, en une fulguration, pour former une constellation neuve. C’est pourquoi l’auteure réinvente son propre cinéma intime. L’Imaginaire fait regermer le passé en une relation double avec l’image de la ville et le corps de la fillette où se « métaphorise » celui de son accompagnatrice.

Terre errante, Liu Cixin (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 03 Mars 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman, Actes Sud

Terre errante, Liu Cixin, janvier 2020, trad. chinois Gwennaël Gaffric, 79 pages, 9 € Edition: Actes Sud

 

Pour échapper à l’explosion annoncée du soleil, les Terriens décident d’arracher la planète à son orbite pour la lancer dans un long voyage dans l’espace à la recherche d’une nouvelle étoile.

À partir d’un tel argument, Liu Cixin aurait pu proposer un roman d’un millier de pages – à l’image de sa trilogie inaugurée en 2006 par Le Problème à trois corps (prix Hugo en 2015), déjà traduite par Gwennaël Gaffric, qui a ainsi permis la découverte en France de cet auteur majeur de la SF chinoise – on pourra lire sur ReS Futurae l’article qu’il a consacré en 2017 à l’œuvre de Liu Cixin : « La trilogie des Trois corps de Liu Cixin et le statut de la science-fiction en Chine contemporaine » (http://journals.openedition.org/resf/940). Dans Terre errante, novella écrite en 2000, Liu Cixin s’en tient à quelques dizaines de pages, qui ont pourtant la densité imaginaire d’une saga : on comprend que le cinéma ait pu être séduit par ce texte, adapté par Frant Gwo sous le titre de The Wandering Earth en 2019. Ce n’est pas que l’auteur accumule les péripéties. Il n’y a guère de personnages, à l’exception du narrateur, dont la vie et les sentiments sont eux-mêmes comme étouffés par l’ampleur des événements planétaires.