L’Archet, Hélène Gloria, Pascale Maupou Boutry (par Yasmina Mahdi)
L’Archet, Hélène Gloria, Pascale Maupou Boutry, éditions Cipango, mars 2020, 40 pages, 18,50 €
Le musicien
Le tout récent album jeunesse L’Archet est le fruit de la collaboration d’Hélène Gloria (qui travaille également dans le laboratoire de recherche en environnement littoral de l’École Pratique des Hautes Études), et de Pascale Maupou Boutry, ayant étudié aux Bx-Arts de Toulouse, diplômée des Arts Décoratifs de Strasbourg. Le format large, 33,3 x 24,5 cm, permet de naviguer du texte à l’image pleine page. Chaque histoire est surmontée d’une frise entourant le médaillon d’une figure.
C’est d’abord par les souvenirs d’une dame russe aux cheveux blancs, l’hiver, sous la neige, que l’histoire d’un cirque va renaître. Cette dame se remémore un fait précis. La troupe avait accueilli l’arrivée d’un mystérieux violoncelliste, qui captait toute l’attention du public grâce à son brio. C’est par la voix de l’ancienne dompteuse que nous suivons les pérégrinations et les péripéties des membres du cirque, à travers leurs numéros respectifs. L’archet du violoncelliste semble magique, ce qui va provoquer la jalousie des autres musiciens, des acrobates, des clowns, et de la dompteuse de tigres.
Le récit est dense, bien documenté sur l’existence d’une compagnie qui traverse la Russie, de Saratov à Saint-Pétersbourg. Les illustrations contiennent un grand nombre de personnages, des baladins chacun pris dans leurs occupations particulières, du montage du chapiteau aux divers numéros sur la piste. Il y a un souci du rendu des maquillages, des accessoires de scène, des costumes enrichis de motifs chatoyants. Les artistes circassiens sont agrémentés de teintes vieil or, carmin, bronze, une palette rappelant le luxe ostentatoire de la riche cour du Tsar. Le gris argenté vient assourdir la pétulance des rouges et des mordorés. Les otaries soyeuses s’illuminent d’ombres portées et de touches claires dans leur pelage, les tigres blancs ont la majesté d’icônes sacrées.
Ce beau livre, accessible dès l’âge de 8 ans, mentionne la nostalgie et la peur de la disparition des cirques ambulants, et la concurrence que s’opposent les interprètes. Les autrices, également, rapportent la lutte entre les instrumentalistes, les capacités polyphoniques de leurs instruments, lutte que l’on met souvent en parallèle avec celle des classes. Les instruments de musique (cuivres de fanfare) sont reproduits fidèlement. Le violoncelle, un instrument de la famille des cordes frottées, le substitut de la viole de basse, fait au sein de l’orchestre de cirque office de noblesse et de virtuosité. Un bon archet, donc, est aussi important qu’un bon instrument, et le sibyllin soliste masqué en paiera les conséquences…
Yasmina Mahdi
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