Mille vies pour l’écrivain qui est né dans une terre, mort dans une autre, qui n’a pas fait la guerre mais à qui on fait encore la guerre, qui a créé le meurtre absurde, mort absurdement dans un accident, qu’on accuse de ne pas avoir pris les armes mais la route, d’aimer sa mère, d’être un génie, un pied-noir, une main seule (qui n’applaudit pas) et un visage obscur.
Albert contre Larbi : le premier sans-papiers de l’histoire qui a mal fini et qui attend encore le regroupement familial entre ses deux familles. Il est Algérien par le droit du sol et français par l’histoire de la fin. On l’accuse de ne pas être FLN mais on veut le ramener vers le FN. On se l’arrache mais on se le déchire, on l’enterre mais il flotte sur les consciences. On le soupçonne d’avoir choisi de ne pas choisir et cela est mal vu de part et d’autre. Cinquante ans après, ou plus, on continue. Le Camus algéro-français continue à faire le gras de l’actualité à chaque fois que l’actualité s’emballe en France ou en Algérie. Camus dans ce cas est le premier produit de consommation interne de la France-Algérie. Citoyen dernier d’un pays qui n’existe plus alors que lui existe encore, seul, debout dans une gare maritime abandonnée. On le célèbre et il est convenu de dire qu’on le comprend mal, que c’est un malentendu, un procès, un étranger, un pestiféré, un exil, un envers du décor.