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Les Chroniques

Je t’aime, je t’aime, Alain Resnais

Ecrit par Sophie Galabru , le Jeudi, 10 Octobre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED, Côté écrans

 

Inspiré du livre de J. Sternberg, Un jour ouvrable, ce film de Resnais est comme une recherche du temps perdu médicalement assistée. Un groupe de chercheurs proposent à Claude Ridder, après son suicide manqué, l’étrange expérience de remonter le temps, plus précisément un an en arrière, pour une minute. S’ils sélectionnent C. Ridder, ce n’est pas au hasard, il est lui-même un homme que le temps questionne. Le temps est pour Claude une étrangeté de l’existence : tandis que la pendule marque l’heure, le temps ne veut rien dire pour un monde qui ne cessera pas de tourner. Il est trois heures pour un homme, qui sera un jour ou l’autre soustrait de ce monde. Compter les heures est une opération dérisoire pour la grande âme du monde qui pour toujours sera. Et Claude qui prend conscience que le temps ne passe pas pour celui qui l’observe peut dire : « le temps passe pour les autres mais pour moi seul dans cette pièce il ne passe pas. Il était trois heures il y a trois minutes, il sera trois heures dans quinze jours, dans trois siècles ».

Souffles - Arche de livres et le Déluge !

Ecrit par Amin Zaoui , le Samedi, 05 Octobre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Le déluge ! Chaque temps a son déluge ! Chaque pays aussi. Les Livres sacrés ont tous conté la même histoire du déluge, celui de Noé, à chacun son édition rajoutée.

Je ne vous parle pas de ce déluge rapporté par Moïse, par Jésus ou par Mohamed (que le salut soit sur les trois frères ennemis !). Je vous parle du déluge algérien. Et parce que l’heure de chaque déluge est prescrite par le Ciel. Annoncée à travers des signaux célestes. En Algérie l’heure de déluge s’approche.

En signe de cette Heure, les algériens, tous les algériens, regardent leurs montres et hâtent le pas vers nulle part. En bon citoyen, qui aime son pays et apprend par cœur Kassamane, moi aussi j’ai regardé ma montre. Et j’ai remarqué que ses aiguilles avancent dans le sens inverse. Marchent de droite à gauche. Comme dans le sens de l’écriture arabe ! (Juste rappeler aux roumis que l’arabe s’écrit de droite à gauche). Et leur rappeler aussi que  la langue arabe est la langue de l’au-delà. Même Barack Obama, Moshe Dayan, Mao Tsé-toung, Hemingway, Bokassa, De Gaulle et même Abdelmalek Sellal… parleront un jour, le jour dernier, l’arabe. Langue d’Allah.

Le scalp en feu - V

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 25 Septembre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

« Poésie Ô lapsus », Robert Desnos

Le Scalp en feu est une chronique irrégulière et intermittente dont le seul sujet, en raison du manque et de l’urgence, est la poésie. Elle ouvre un nombre indéterminé de fenêtres de tir sur le poète et son poème. Selon le temps, l’humeur, les nécessités de l’instant ou du jour, ces fenêtres changeront de forme et de format, mais leur auteur, un cynique sans scrupules, s’engage à ne pas dépasser les dix pages pour l’ensemble de l’édifice. Lecteur, ne sois sûr de rien, sinon de ce que le petit bonhomme, là-haut, ne lèvera jamais son chapeau à ton passage car, fraîchement scalpé, il craint les courants d’air.

Enfin, Le Scalp en feu sera, à partir de ce 5e numéro, publié simultanément sur les sites de Recours au poème et de La Cause Littéraire / Septembre 2013.

Le manifeste de ma langue

Ecrit par Kamel Daoud , le Jeudi, 19 Septembre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Prenez une langue et jetez la dans la rue (pour paraphraser Mao), elle deviendra vivante. Enfermez-la dans un livre et un temple, elle meurt et tue les gens autour d’elle. Prenez une langue, ajoutez lui une armée et un Pouvoir, elle devient une langue officielle. Ajoutez lui une religion ou un prophète, elle devient langue sacrée.

C’est vous dire l’essentiel : ce qui vous disent que l’algérien comme langue du pays n’existe pas, vous disent simplement que vous n’existez pas : on enlève le droit de répondre à un peuple quand on lui enlève sa langue, qu’on la ridiculise, qu’on la réduise à la marge et à l’étable et au langage des serfs. On enlève à un peuple le droit sur sa terre quand on lui impose une langue qui lui impose le silence. Si on vous dit que l’arabe est une langue supérieure, c’est qu’on vous inculque l’idée que vous êtes un être inférieur.

Aujourd’hui en Algérie deux castes parlent arabe, langue morte, aux Algériens, peuple vivant : les élites politiques et les élites religieuses. Les deux puisant dans la sacralité, l’argument de leur légitimité. Comme les prêtres et les rois des moyen-âge de l’Occident. Du coup, ceux qui s’élèvent contre eux, s’élèvent contre les martyrs et contre Dieu. Ceux qui disent que l’arabe est une langue morte, menacent la domination de la caste et ses intérêts.

Ekphrasis 8 - La neige tombe sur Cherbourg

Ecrit par Marie du Crest , le Mercredi, 11 Septembre 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

Elle vient juste d’avoir quatre ans, le 19 février 1959. Les parapluies de Cherbourg de Jacques Demy sortent en salle. Elle ne connaît pas Cherbourg mais elle a aimé Guy.

– Ça commence ainsi : « un film chanté en couleurs d’origine ». Générique. Des parapluies rouges, bleus, en contre-plongée, dansent en lignes, en diagonales. Ils sont d’énormes fleurs poussées dans les pavés humides de la rue. Parfois des marins en pompons, ceux qui traverseront tout le film, des passants en ciré jaune surgissent sur l’écran. Parapluies d’une vieille comédie musicale américaine ? Le trop petit parapluie bleu pâle de l’affiche sous lequel les amoureux se blottissent, heureux. Guy et Geneviève. Les parapluies de Cherbourg, la boutique de Madame Emery, le titre du film.

Soudainement, apparaissent en ligne six maléfiques parapluies noirs, prémonitoires.

Première partie : le départ.