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Les Chroniques

Partagez la littérature, le sel et l'eau

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 11 Juin 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

"Souffles" (in Liberté, Alger)

 

Nous sommes le peuple du partage. Le partage est l’essence, et le sens de la vie. On se partage le pays, son soleil, ses langues et son histoire. Du moins ce qu’il devrait être, ce qu’il fallait être ! Pour vivre ensemble, mais en différence, en multiplicité, en pluralité et en diversité, il faut que le partage soit une culture et un comportement. Afin que le partage prenne son goût, il faut accepter l’autre. S’accepter en présence de l’autre. On partage les souffles du corps, son feu et sa cendre, avec celle qu’on aime, afin de voir la vie autrement, belle et élevée. Les jours coulent dans le miel et dans la flamme. On partage le bonheur, même si le bonheur n’est qu’illusion, avec ceux frappés par le malheur. On partage le malheur, même si le malheur est une réalité, afin de vérifier la patience des autres, et la nôtre aussi. On partage le plaisir d’écrire avec le lecteur, afin de déguster la magie du mot et le spiritisme du verbe. Sans le partage, il n’existera ni l’envie de l’écriture, ni celle de la lecture.

Chronique sur "Fermé pour cause d'apocalypse", Jean-Claude Bologne

Ecrit par Michel Host , le Mercredi, 05 Juin 2013. , dans Les Chroniques, La Une CED

Fermé pour cause d’Apocalypse, Jean-Claude Bologne, Pascal Galodé éditeurs, Collection « Le K », avril 2013, 111 pages, 17 €

Une lecture est une aventure personnelle, sinon « à quoi bon ? »

Michel Host

Enfer et damnation ?

Il n’a jamais rien eu à faire de l’enfer ni en enfer, Léon-Joseph Massoulat, dit « Iussep », né de mère praticienne en la rue Saint-Denis, à Paris, puis enfant abandonné, ex-travailleur sérieux, élevé dans l’athéisme de rigueur, la morale petite-bourgeoise et la ligne du Parti, puis devenu un syndicaliste des plus consciencieux, hyper compétent dirons-nous ! Qu’a-t-il donc fait pour se retrouver devant les portes de l’infernale géhenne, les portes de Rodin ? Nous tous, ou presque tous, dans la même situation, nous nous serions comme lui posé la question : « Pourquoi moi ? », et une pensée nous serait venue : « C’est idiot, ce lieu n’existe pas ». Qui plus est, il se sent « incroyablement vivant » ! Par conséquent, cogner au vantail, vouloir protester contre l’erreur judiciaire évidente et l’absurdité des faits – comment peut-on se trouver à la porte d’un lieu inexistant ? – et enfin, mettre en doute le respect des consignes de sécurité du lieu, c’est tout un.

De la métaphysique pour reposer du politique

Ecrit par Kamel Daoud , le Vendredi, 17 Mai 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

 

… Ce qui me bouleverse ce n’est pas ma mort : elle est mienne. Ce qui me chavire, me donne le vertige, me remplit d’extase et abîme ma pensée c’est ma naissance. Ma venue au monde. Comment cet immense vide qui me précède a fini par se concentrer dans l’infinie probabilité du hasard et l’extrême précision de la nécessité, pour m’engendrer moi, mes pensées, mon identité ? Qu’est-ce qui a obligé le vide à se remplir par ma présence. En quoi suis-je une nécessité et comment un être que rien n’attend finit par venir au monde comme une personne que rien ne remplace ?

Ce n’est pas ma tombe qui me fascine, mais le vide auquel je m’adosse. Le grand cosmos qui précède mon prénom est plus inquiétant et plus inexplicable que la pierre tombale qui va seulement essayer d’un peu me retenir.

Ce n’est pas la disparition qui est un drame, mais la naissance. Que je retourne au vide n’est que pente naturelle, mais que je remplace le vide par ma personne voilà le grand mystère, la formidable inquiétude qui devrait tous nous faire tourner la tête vers les commencements et occuper notre réflexion.

Le traître de sa mère !

Ecrit par Amin Zaoui , le Mardi, 14 Mai 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED

Mais par un jour, j’ai constaté que la langue de Yemma n’est pas tout le ciel d’Allah ! Le transistor radio allumé, diffusant le journal d’informations et autres choses obscures ! j’écoutais, et je ne comprenais rien ! Mon frère aîné, le nez dans un livre, m’a poussé vers une autre envie d’évasion. Jeté dans une école, j’ai appris une autre chose. Une autre langue, que ma mère ne comprenait point ! Ne déchiffrait rien. Dans mes cahiers, mes livres, je me sens tout seul ! Sans ma mère ! Je commence une évasion dont ma mère n’est pas l’actrice, ni l’observatrice, ni la contrôleuse ! Malika, elle aussi s’éloigne !

J’avance d’un pas dans la langue des cahiers, la langue arabe classique, pour reculer de deux dans la langue de ma mère. Je perds l’écoute ! Je perds le conte ! Je perds ma mère ! Je perds Malika ! Je lisais les livres dans une langue étrange pour moi et étrangère à ma mère !

La route des épices :

Puis, un jour, un autre jour, le nez dans les Mouallakat (la poésie antéislamique) ou diwan El-Mutanabbi, mon père pointa à ma tête, sur un ton impérial, m’adressa l’expression suivante : arrête cet arabe. Il ne te servira à rien.

Les Ailes du Désir de Wim Wenders

Ecrit par Sophie Galabru , le Mardi, 07 Mai 2013. , dans Les Chroniques, Chroniques régulières, La Une CED, Côté écrans

 

Les Ailes du Désir, film de Wim Wenders sorti en 1987 est comme le conte de l'humanité de son enfance à sa vieillesse, de sa naissance à sa mort. Le monde des hommes y apparaît sous la forme d'un grand recueil polyphonique de pensées, perçues et recueillies par  l'oeil attentif de deux anges, Damiel et Cassiel. Ces anges écoutent ou plutôt sont les témoins des pensées secrètes, intérieures des hommes qui passent. Mais cette humanité, sous l'oeil de Wender n'est que juxtaposition de solitudes. Le monde résonne comme une grande interférence, une cacophonie des monologues. Vision étrange et étrangement réaliste du monde. Choisir Berlin n'est pas un hasard. C'est Berlin avant la chute de son mur, Berlin mélancolique et dévastée, Berlin qui sort tout juste de la guerre et du nazisme. Si le nazisme était haine de l'autre homme, on voit ici que Berlin, en négatif de son passé,  est le creuset de l'humanité.

 

Une vieille. Un enfant. Un fils qui pense à sa mère décédée. Une femme qui emménage. Un homme quitté. Derrières la multitude de pensées, et d'individus que nous croisons, Wenders réussit à donner une sorte de cohérence. A travers les infinis singuliers, se dessine l'universel humain, comme on l'entend dans le poème composé par P.Handke.