Il y a en Algérie trois choses très tristes, sales, ennuyeuses et très polluantes pour l’âme : les sachets bleus, les fêtes officielles et In Salah. De sa vie, le chroniqueur n’a jamais vu une ville aussi sale, laide, abandonnée entre le vide et le coup de pied, morte depuis si longtemps qu’elle n’a plus que sa pierre tombale et tellement loin de tout que la pièce de monnaie y a l’air d’un caillou inconnu. Le long du sud, on peut voir le vide, le désert, le Sahara, le néant et In Salah. Ruelles dévastées, poteaux aux dos courbés, maisons inachevées, gens tristes et presque en colère contre l’inconnu, des mouches sur la nourriture, du sable et le cratère d’un centre-ville qui n’existe pas que par son empreinte de pas de fuyard. Pourquoi en parler ? Parce qu’il faut dénoncer, dire, rapporter : on ne peut pas avec autant d’argent construire un abcès pareil.
L’endroit est même considéré comme un centre que l’on cite dans le bulletin météo. Alors que sur place, on a de la peine à imaginer la possibilité d’une vie dans cet endroit. Le parfait exemple de ce que peut faire le pétrole quand il rencontre le manque d’idées, la gabegie, la corruption et l’horreur. Car l’endroit est horrible, tout simplement, cru. On imagine à peine la vie dedans, la possibilité du poumon contre le néant. Comment a-t-on pu faire cette ville ? La réduire à une telle saleté ? L’enjamber ? Avec quoi est-elle reliée à l’Algérie ? Qui y est wali ou comptable ?