On a tous nos humeurs ; la bonne – recherchée, se faisant rare de nos jours – la mauvaise, devenue si banale, facteur d’explication de tout un peu. Le bonheur, la tristesse ou la colère de nos « hauts et de nos bas » finit par se confondre avec notre quotidien : « je suis basse, aujourd’hui ; moral dans les chaussettes ! ». Rien à voir, pourtant avec ces autres hauts, ces autres bas : ceux d’une personne atteinte – dûment repérée médicalement – d’une maladie bipolaire, ou manie dépression ; alternance pathologique de périodes d’accélération, d’intense exaltation, avec des dépressions abyssales. Causée par des modifications de la chimie du cerveau, avec, du coup, incriminée, une combinaison de gènes à caractère familial, c’est, de nos jours une maladie invalidante, sévère, mais rémissible et traitée.
Flaubert, en écrivant son « Madame Bovary », en a fait un prototype de dépressive – bien autre chose, déjà, qu’une simple déprimée. Quand on dit de quelqu’un : « c’est une Bovary », s’inscrit aussitôt en fond d’écran la mélancolie d’une province qui s’ennuie ; un automne trop mouillé, le soir qui tombe tôt, le silence qui entrecoupe de chiches conversations au coin d’une cheminée, dans laquelle le feu s’étiole aussi ; l’insupportabilité des lieux, des choses, des gens… bref, tout ce qui fait qu’on « bovaryse ». Mot, du reste, réservé au genre féminin, associé, sans doute dans l’imaginaire collectif, aux fluctuations brusques et imprévisibles de l’humeur, aux larmes (non, aux pleurnicheries), à l’instabilité… alors que le mâle, lui, est solide et raisonnable, accroché au réel – l’autre, décrochant et rêvant…