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Les Livres

Ornithorama, Lisa Voisard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 11 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jeunesse

Ornithorama, Lisa Voisard, éditions Helvetiq, octobre 2020, 208 pages, 24,90 €

Sanctuaire des oiseaux

C’est avec Ornithorama, un album-jeunesse raffiné, que Lisa Voisard nous invite à découvrir le petit peuple des oiseaux. La jeune auteure, illustratrice et graphiste, née en 1992 à Echallens, installée à Lausanne, réalise par ailleurs des objets décoratifs. Ornithorama est un abrégé initiateur d’ornithologie fort de 208 pages, au format 18 x 25 cm, relié et composé de tableaux de 85 oiseaux, tous mentionnés dans l’index. L’on voit un Étourneau sansonnet moucheté au recto de la pimpante couverture orangée, et au verso un Héron cendré, une Mésange bleue et un Grand-Duc d’Europe, les pages de garde étant vertes – la complémentaire du rouge.

Ceux que Lisa Voisard nomme « des êtres particuliers », êtres qu’elle examine, répertorie, dessine et observe longuement, chantent, volent, nidifient, nagent même. Ce memento graphique est très bien organisé et relate l’essentiel chez un nombre limité de volatiles. Comme chez les humains, un certain nombre d’entre eux migrent car nomades, d’autres, sédentaires, se fixent sur un territoire précis. Ces bêtes à plumes ne sont pas considérées ici comme un gibier à chasser ou à consommer mais comme des créatures à protéger, à respecter, qui vivent près de nous, nous accompagnent. Ce bestiaire comporte la gent des colombins, des échassiers, des gallinacés, des palmipèdes, des passereaux, des rapaces.

Neige pensée, Amedeo Anelli (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 11 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Italie

Neige pensée (Neve pensata), Amedeo Anelli, Libreria Ticinum Editore, mars 2020, trad. italien, Irène Dubœuf, 72 pages, 12 €

 

Poète né en 1956, Amedeo Anelli tente avec la poésie intime de créer des liens indéfectibles entre lui et les saisons du monde.

Sa quête le conduit tout naturellement à creuser les textures des saisons comme celles, plus complexes encore, des corps et des mémoires.

Sa plume « scrute », les objets, les éléments, les paysages mentaux, les lieux intimes. L’écriture, toujours condensée, observe le silence, « la grande blancheur du soleil et de la brume », pense littéralement les mots chargés d’évoquer au plus près le minéral, « le corps engourdi ». C’est dire tout l’intérêt qu’il porte au minime, au négligé, à l’accessoire car là se nichent vraiment les mystères d’une vie, dans l’écoute insatiable du proche, de la « poussière », « cet air enfumé », « les choses en état de veille ».

La réalité sous-jacente s’éclaire des éclats de la vision ; le poète ainsi épie le chat, s’identifie à l’animal, toujours près de gratter « la lumière qui décline » ; le poète voit « les formes du silence », « écoute les battements » et le « soupir de l’air ».

Œuvres, George Orwell en La Pléiade (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Jeudi, 10 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La Pléiade Gallimard

Œuvres, George Orwell, Gallimard La Pléiade, octobre 2020, édition dirigée par Philippe Jaworski, 1594 pages, 66 € . Ecrivain(s): George Orwell Edition: La Pléiade Gallimard

 

« Il ne demande pas aux textes canoniques de livrer des secrets de fabrication, mais de lui parler aujourd’hui, d’aujourd’hui, de nourrir le débat d’idées qu’il mène en permanence en lui-même avec le monde et contre le monde » (Philippe Jaworski, Préface).

« Je l’écris parce que je veux dénoncer un mensonge, attirer l’attention sur un fait et mon souci premier est de me faire entendre. Mais je ne pourrais pas accomplir la tâche d’écrire un livre, ni même un article de revue substantiel s’il ne s’agissait pas aussi d’une expérience esthétique » (George Orwell, Pourquoi j’écris, trad. Marc Chénetier, Patrice Repusseau).

« Orwell n’est pas vraiment romancier, c’est un essayiste imaginatif » (Simon Leys répondant à Sébastien Lapaque, Le Figaro, 2 novembre 2006).

Poèmes de transition 1980-2020, Branko Čegec (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Jeudi, 10 Décembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays de l'Est, Poésie

Poèmes de transition 1980-2020, Branko Čegec, L’Ollave, Domaine croate/Poésie, octobre 2020, trad. croate, Vanda Mikšić, Brankica Radić, Martina Kramer, 144 pages, 15 €

 

Il y a quelque chose d’irritant dans l’aisance et la vaillance si talentueuses du poète croate Branko Čegec : c’est l’impression d’un être frivole, luxurieux, un rien méprisant (ou en tout cas narcissique). Un dandy surdoué, et qui déraille. Et une espèce de détaillant – un brin complaisant – des médiocrités, vanités et vulgarités humaines. Le petit bout de la lorgnette semble son oculaire favori. Il rêve gras : des partenaires sexuels de pure rêverie, on n’a pas à obtenir consentement, et c’est un peu dangereux. Réellement les plaisirs strictement fantasmés (s’appesantissant dans l’apesanteur), sans corps en situation, sans chair réelle à vivre et faire vivre, sont sans fatigue, sans précaution, sans trac, donc facilement faux et dédaigneusement illimitables. Mais tout ça est justement faux, et il faut traverser toute sa feinte nonchalance, et assimiler toutes ses provocations de carabin, pour rencontrer un être étonnamment fidèle, probe et responsable.

Le fil et la trame suivi de Par quels secrets passages, Danièle Corre (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Jeudi, 10 Décembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Le fil et la trame suivi de Par quels secrets passages, Danièle Corre, éditions Aspect, 2020, 110 pages, 17 €

« Tenir le fil de nos trames / qui parfois nous lâche », écrit la poète Danièle Corre, qui nous rappelle que le poème peut être ce recours existentiel pour « calmer la blessure ». Si le temps peut ravauder les carences, le manque, les « trous » qui forment les cahots de notre cheminement (« Les doigts courent / vers le fil de leur folie /ils connaissent / leur néfaste puissance »), seul le poème évite l’effondrement au bord du « vertige » sur le fil duquel nous (re-)tenir pour avancer « le cœur criblé ». La navette des mots tisse le patchwork de nos fragments d’existence, que le Langage poétique recoud, tisserand d’une « toile de résistance » à portée de nos voix quand elles entreprennent – à l’instar de la fleur rimbaldienne dans Aube – de dire le nom du Vivre vrillé au sens d’une quête initiatique. Encore faut-il amorcer notre avancée existentielle sur le bon chemin, celui qui impulse l’élan et soutient la dynamique de nos marches où « chaque pas te donnera vigueur / chaque geste nommera la joie », loin des « chemins des douaniers / où la mer rôde / dérobant sa puissance au vent, / redoublant l’immensité », loin des sentes trompeuses « posant sur la bouche / un bâillon d’ombre (la « bouche d’ombre », écrivait Rimbaud) / qu’il te faudra arracher ».