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Les Livres

Ainsi parlait Marcel Proust, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Gérard Pfister (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 10 Février 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ainsi parlait Marcel Proust, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Gérard Pfister, Arfuyen, janvier 2021, 192 pages, 14 €

Le principe de cette belle collection est, on le sait, de présenter la pensée de la vie d’un auteur, par une suite (chronologique) de courts fragments, rendant compte de sa vision réfléchie de l’existence (de l’insertion d’un destin conscient dans la réalité du monde), permettant de déterminer quelle sagesse communicable porte ou non l’œuvre de cet auteur. Une « sagesse » significative et commune, donc, c’est à dire un souci d’animer plus sereinement et de conduire plus librement une vie d’après l’effort de se comprendre elle-même. Ce souci de sagesse parcourt-il, structure-t-il même la Recherche ? Ce recueil (très clairement préfacé et rigoureusement agencé) montre que oui ; y a-t-il pour autant une philosophie de Proust ? Ce même recueil donne à son lecteur à la fois l’envie et les moyens d’une réponse vivante à cette difficile question.

La réalité ou non d’une véritable philosophie proustienne fait en effet âprement débat chez d’éminents spécialistes (en France, par exemple, Paul Ricoeur, Anne Henry, Luc Fraisse, Pierre Macherey, etc.). Ceux qui le nient – constatant l’absence d’une doctrine nette et d’une spéculation conceptualisée – ont deux types d’arguments.

Le portrait de la Traviata, Do Jinki (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 09 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Asie, Roman

Le portrait de la Traviata, Do Jinki, Matin Calme Éditions, juin 2020, trad. coréen, Choi Kyungran, Delphine Bourgoin, 250 pages, 19,80 €

 

Ce livre est un roman à énigme, ou whodunit, de l’anglais « who [has] done it ? », roman policier basé sur une enquête et la recherche d’un coupable parmi plusieurs suspects, un peu comme les romans d’Agatha Christie ou ceux du juge Ti, mais en plus sobre encore. Le décor est réduit à l’essentiel, mais les Coréens sont friands de ces livres.

Dans l’appartement 204, bâtiment 3, résidence H à Seocho, un quartier de Séoul, on retrouve assassinée une jeune femme, Jeong Yumi, de coups de couteau, et à côté un homme mort tué par un poinçon, reconnu par les proches comme étant Lee Pilho, un individu peu recommandable qui harcelait Jeong Yumi. Figurent en tant que premiers « témoins » la sœur de la victime Jeong Aera, Kim Hyeongbin, le prétendant de la jeune femme, et Jo Pangeol, le gardien de la résidence. L’enquête est entre les mains du policier Lee Yuhyeon. Ce dernier, en compagnie de son assistant, commence par dresser un plan du logement avec l’emplacement des objets et meubles importants, ainsi que des ouvertures, puis dispose les corps des victimes là où on les a trouvés. Ils vont ensuite disserter sur : qui a pu pénétrer dans l’appartement et comment, et tenter de reconstituer ce qui a pu se passer.

Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, Simone Weil (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 08 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Payot

Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale, octobre 2020, 192 pages, 8 € . Ecrivain(s): Simone Weil Edition: Payot

Ces Réflexions (qu’on pouvait déjà lire dans le volume de la Collection Quarto, chez Gallimard), composées en 1934, sont une œuvre de jeunesse de Simone Weil, alors âgée de 25 ans. Mais, doit-on aussitôt se demander, qu’est-ce qui n’est pas œuvre de jeunesse parmi les livres écrits par cette femme qui mourut à 34 ans (la remarque vaudrait également pour Mozart ou Rimbaud) ? L’ouvrage ne possède pas le caractère systématique d’un traité sur une question donnée. Il s’agit plutôt d’un essai, au sens étymologique du mot, d’un exagium, pesant les termes d’une question dans les plateaux de la balance.

En 1934, Boris Souvarine, un des fondateurs du Parti communiste français, avait demandé à la jeune femme un article pour sa revue de Critique sociale. Simone travailla tout au long de l’année et il en résulta un manuscrit de 120 pages, évidemment impubliable sous forme d’article et qui ne parut qu’en 1955. Une grande partie de ce livre est marquée au coin de cet irréalisme pesant et paradoxal, car Simone Weil connaissait le monde du travail dans ce qu’il a de plus désagréable et de plus aliénant. Elle n’était pas dans la situation d’une de ces personnalités de gauche dissertant sur la classe ouvrière depuis un appartement des beaux quartiers. On pourrait croire que l’usine l’avait guérie des constructions idéales et par trop théoriques. C’est exactement le contraire qui se produisit.

Dans les roues, Bruno Fern (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 08 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions Louise Bottu

Dans les roues, novembre 2020, 66 pages, 8 € . Ecrivain(s): Bruno Fern Edition: Editions Louise Bottu

 

Possibles et impossibles de l’écriture

Ce qu’aborde ce court recueil de Bruno Fern, tient à une question centrale de la poétique contemporaine. Elle consiste à mettre en crise la représentation du réel. Ou plutôt, cherche à déterminer comment la réalité entre dans l’expression littéraire. Ainsi, une littérature qui pourrait se pencher vers une forme hermétique, qui même si elle n’abolit pas dans son ensemble les principes de certaines écoles, questionne ce qui lui fait son support matériel, cette littérature donc, cherche une place de la chose dite dans le dit, un dit sujet au soupçon dorénavant.

Pour le cas présent, ce texte s’appuie non pas sur une réalité, fût-elle celle d’une course cycliste, mais sur une déambulation au sein du langage lui-même, ce qui pousse l’activité de la bicyclette vers une simple ossature nerveuse. Désormais, avec le bris, l’à-coup, le choc de la coupure, une espèce de caviardage, des ruptures au milieu des strophes, nous allons dans la périphérie, le terrain vague, la banlieue de la littérature savante, là où la prosodie de l’auteur se refuse à la poétisation, à l’effet de discours.

Phrases de la rue, Photographies, Jean de Breyne (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 05 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Phrases de la rue, Photographies, Jean de Breyne, éditions de L’Ollave, décembre 2020, 128 pages, 19 €

Phrases de la rue est le titre parfait pour ce livre, consistant en un reportage photographique de divers tags (insolents, émouvants, ironiques, profonds…) glanés par l’auteur, en quelques années, dans quelques villes européennes et nord-américaines. Cette visuelle littérature de bitumes (parisien, marseillais, barcelonais, zagrebois, montréalais, lisboète…) imprime en effet – sans commentaire autre que la préface vive et nette de Michèle Aquien – de petits discours muraux, des graffiti choisis et fidèlement enregistrés, et le sens est, là, pour le lecteur, comme il est ou a été, dans la rue !

Nous savons que la plupart des graffiti réels sont bêtes (comme des confidences à tue-tête, des morceaux choisis d’un néant que ne corse pas sa dispersion), sales (à peine propres sur eux, et maculant leurs marges) et méchants (redoublant le mal qu’ils auscultent ou dénoncent), mais leur principe reste attachant, et leur initiative méritoire :