Le portrait de la Traviata, Do Jinki (par Jean-Jacques Bretou)
Le portrait de la Traviata, Do Jinki, Matin Calme Éditions, juin 2020, trad. coréen, Choi Kyungran, Delphine Bourgoin, 250 pages, 19,80 €
Ce livre est un roman à énigme, ou whodunit, de l’anglais « who [has] done it ? », roman policier basé sur une enquête et la recherche d’un coupable parmi plusieurs suspects, un peu comme les romans d’Agatha Christie ou ceux du juge Ti, mais en plus sobre encore. Le décor est réduit à l’essentiel, mais les Coréens sont friands de ces livres.
Dans l’appartement 204, bâtiment 3, résidence H à Seocho, un quartier de Séoul, on retrouve assassinée une jeune femme, Jeong Yumi, de coups de couteau, et à côté un homme mort tué par un poinçon, reconnu par les proches comme étant Lee Pilho, un individu peu recommandable qui harcelait Jeong Yumi. Figurent en tant que premiers « témoins » la sœur de la victime Jeong Aera, Kim Hyeongbin, le prétendant de la jeune femme, et Jo Pangeol, le gardien de la résidence. L’enquête est entre les mains du policier Lee Yuhyeon. Ce dernier, en compagnie de son assistant, commence par dresser un plan du logement avec l’emplacement des objets et meubles importants, ainsi que des ouvertures, puis dispose les corps des victimes là où on les a trouvés. Ils vont ensuite disserter sur : qui a pu pénétrer dans l’appartement et comment, et tenter de reconstituer ce qui a pu se passer.
La narration est réduite à sa plus simple expression. Il n’y a aucun effet de style, c’est une épure froide. Il s’agit en somme d’une devinette ou d’une équation à résoudre. L’ouvrage fait plus appel au cerveau du lecteur qu’aux atermoiements de son âme.
Lee Yuhyeon va désigner, suite à ses réflexions, un premier coupable. Il va soumettre ses déductions au tribunal qui va le renvoyer. En effet, l’auteur présumé du crime est gaucher et le juge va poser la question essentielle : « Est-il possible qu’un gaucher attaque sa victime en tenant l’arme de la main droite ? ».
Le policier craint de perdre la face, il fait appel à un avocat, Gojin, « homme de l’ombre » plutôt que plaideur, qui va tenter avec une suite de questions, mettant en lumière de nouveaux personnages, de mettre notre « héro » sur la piste.
Ouvrage surprenant pour les amateurs de page-turner, ces gros livres policiers américains que l’on a du mal à tenir en main et qui sont construits pour les lecteurs dévoreurs de « papier », ce genre d’ouvrages, même s’ils ne mettent pas en scène des cascades extravagantes, ou des scènes sanguinolentes avec des coups de feu partant dans tous les sens, et de multiples cadavres, n’en tirent pas moins leur épingle du jeu en mettant en scène les intrigues les plus inattendues. La chute de ce livre est l’une des plus surprenantes que je n’aie jamais rencontrées. Cependant, restera une énigme, pourquoi avoir traduit le titre de ce livre par Le portrait de la Traviata, « traviata » signifiant « dévoyée » en français.
Jean-Jacques Bretou
Do Jinki, avocat et écrivain, né en Corée du Sud, a 49 ans. Il est juge au tribunal du district nord de Séoul depuis 20 ans. A quarante ans, il devient écrivain à succès de romans policiers. En 2010, son premier polar reçoit le Mystery Rookie Award de la Korean Mistery Artists Association. Il sera suivi par neuf autres romans policiers en deux séries parallèles, l’une mettant en scène l’avocat Gojin, l’autre portant sur le juge Djingi. En 2014, il obtient le Korean Mystery Literary Award pour son long métrage, The Star of Judas. Ses romans sont traduits en Chine, et quatre de ses livres ont été vendus à des sociétés de production, qui raffolent de ses énigmes complexes faisant la part belle aux rebondissements. Ses fans l’ont baptisé le « John Grisham de Corée ».
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