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Les Livres

Marie-Lou-Le-Monde, Marie Testu (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mercredi, 03 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Le Tripode

Marie-Lou-Le-Monde, Marie Testu, février 2021, 120 pages, 13 € Edition: Le Tripode

Une pastourelle

Marie Testu, née en 1992, agrégée de philosophie, a rédigé un mémoire « sur le désir et la perception dans la philosophie de Maurice Merleau-Ponty ». Marie-Lou-le-monde est son premier texte littéraire. Le titre, un prénom composé assez rare, Marie-Lou, possède une double origine, issue de l’hébreu mar-yâm (aimée) se transformant en Myriam, et Lou, diminutif de Louise (hold et wig, pouvant signifier illustre et combattant). Ce livre, dont la couverture a été illustrée par Maïté Grandjouan – une forêt sombre, buissonneuse, se découpant sur un ciel fulgurant, en feu –, émeut à cause du relent sucré et doux-amer du surgissement de l’adolescence.

De suite, l’on fonce tête baissée, les sens en appétit, vers « Marie-Lou » qui « fait disjoncter » [parce] « Que c’était elle et qu’elle était tout ». Marie-Lou, c’est une naïade, c’est possiblement l’Atalante de la version béotienne, celle qui court devant ses prétendants ; ici, une athlète moderne. Et une Aphrodite complice lui emboîte la course dans la vieille cité romaine d’Aix. Comme dans les mythes, une jeune fille idéale, à la longue chevelure, est redescendue du jardin des Hespérides afin d’hypnotiser une lycéenne. Marie-Lou devient la femme-monde à l’orée du désir, de l’éros liminaire au féminin, caméléone tantôt noire, tantôt blanche, même bleue.

Notices et esquisses relatives au ghetto de Varsovie, Emanuel Ringelblum (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 03 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Histoire, Editions Honoré Champion

Notices et esquisses relatives au ghetto de Varsovie, Emanuel Ringelblum, éditions Honoré-Champion, août 2020, trad. yiddish, Nathan Weinstock, 278 pages, 38 € Edition: Editions Honoré Champion

Que peut faire un historien de formation et de métier lorsqu’il est témoin et qu’il sera bientôt victime du plus grand massacre de tous les temps ? Les possibilités ne sont pas en nombre infini : tenter coûte que coûte d’échapper à son destin tragique, sombrer dans la folie, devancer la mort en se suicidant ou, ce qui est plus conforme à l’esprit et à la vocation de l’historien, témoigner pour un avenir qu’il ne verra pas. Emanuel Ringelblum (1900-1944) choisit cette dernière solution, en se faisant le mémorialiste du ghetto de Varsovie. La capitale polonaise abritait avant 1939 la plus importante communauté juive d’Europe.

Seul ou avec ses collaborateurs, Ringelblum a écrit des dizaines de milliers de pages. Il avait rassemblé autour de lui un groupe de cinquante à soixante personnes, avec tous les risques que cela comporte (comment s’assurer que, parmi elles, aucune ne trahira le secret ?), œuvrant au même but, dans le dénuement matériel le plus complet. Ce groupe qui, tant que cela fut possible, se réunissait le samedi pour coordonner son travail, avait reçu le nom doucement ironique d’Oneg Shabbath, « la joie du shabbat ».

L’Intrus, William Faulkner (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 02 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, Folio (Gallimard)

L’Intrus – Intruder in the Dust (1948), Folio, traduit de l'américain par R.N. Raimbault et Michel Gresset . Ecrivain(s): William Faulkner Edition: Folio (Gallimard)

 

L’IntrusIntruder in the Dust (1948) – est l’un des romans tardifs de Faulkner, bien après ses monuments, Le Bruit et la Fureur, Lumière d’août, Absalon, Absalon, Tandis que j'agonise.

Le maître du Sud est encore au milieu de son œuvre littéraire même si les chefs-d’œuvre majeurs sont passés. L’Intrus, néanmoins, garde toute la puissance narrative et l’incroyable art du portrait que l’on connaît inégalables. Et, par-dessus tout – au-delà des situations burlesques, parfois hilarantes, autour desquelles se construit ce roman, L’Intrus est une réponse cinglante et définitive aux lecteurs trop hâtifs qui n’ont pas su voir, dès Lumière d’août (Light in August, 1932), où se situe William Faulkner dans l’idéologie poisseuse du Sud – faite de haine, de racisme, de misogynie, d’abrutissement : L’Intrus est un plaidoyer vibrant et splendide contre la bêtise et la violence des « Rednecks », une profession de foi universelle, une déclaration d’amour aux « autres » Sudistes – les Nègres comme ils disent.

Mirlitontaines et chansons oubliées, Marcel Amont (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 02 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Mirlitontaines et chansons oubliées, Marcel Amont, Les éditions du Mont-Ailé, janvier 2021, 80 pages, 15 €

 

La première de couverture précise que cet ouvrage de la Collection « Poésie et chanson (presque) en poche », dirigée par Matthias Vincenot, nous offre ici des « Raretés et inédits illustrés par des dessins de l’auteur ». L’objectif du communiqué de presse s’exprime avec vigueur en quelques mots clairs : « Les temps que nous traversons nous pressent à accueillir cette fantaisie qui colore le cœur ! ». Cet ouvrage – orchestré par « un amuseur, un fantaisiste » comme il se définit lui-même : Marcel Amont – familier de Boris Vian, Charles Aznavour, Georges Brassens, apprécié d’auteurs-compositeurs comme Alain Souchon, Francis Cabrel, Maxime Le Forestier – réussit à réveiller le merveilleux, parvient à laisser monter l’enchantement au cœur de l’anodin, comme ce voyage à Babylone en plein cœur d’ici :

Les couleurs de l’air, Igor Mendjisky (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 02 Février 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Les couleurs de l’air, Igor Mendjisky, Actes Sud-Papiers, octobre 2020, 144 pages, 15 €

 

Le mensonge, quel est-il ?

Lire cette pièce d’Igor Mendjisky a été pour moi un double plaisir. D’abord celui de me trouver face à une réflexion sur les sujets complexes du temps, du présent de l’écriture scénique, des liens au passé aussi, à la mémoire, à ceux qui conduisent le dramaturge vers l’écriture, la création. Ce questionnement a fini par devenir l’arête principale de ma lecture. Puis, sans doute à cause d’une espèce de hasard, cette pièce, qui traite de la relation au père disparu, est venue vers moi alors que je viens de perdre mon père il y a trois mois. J’ai donc frémi à travers ce lien étrange du mort au vivant, du père au fils, et avec cette relation, retraversé une sorte d’inquiétude à demi-apaisée. J’ai plongé en moi. Et derrière cette traversée des apparences des Couleurs de l’air, j’ai eu accès à une folie contrôlée, à des ellipses, à l’éclipse de la rationalité, l’invention d’un père subjectif – ici pas tout à fait le mien, et peut-être non plus pas tout à fait celui d’Igor Mendjisky.