Identification

Les Livres

Dans les roues, Bruno Fern (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 08 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Editions Louise Bottu

Dans les roues, novembre 2020, 66 pages, 8 € . Ecrivain(s): Bruno Fern Edition: Editions Louise Bottu

 

Possibles et impossibles de l’écriture

Ce qu’aborde ce court recueil de Bruno Fern, tient à une question centrale de la poétique contemporaine. Elle consiste à mettre en crise la représentation du réel. Ou plutôt, cherche à déterminer comment la réalité entre dans l’expression littéraire. Ainsi, une littérature qui pourrait se pencher vers une forme hermétique, qui même si elle n’abolit pas dans son ensemble les principes de certaines écoles, questionne ce qui lui fait son support matériel, cette littérature donc, cherche une place de la chose dite dans le dit, un dit sujet au soupçon dorénavant.

Pour le cas présent, ce texte s’appuie non pas sur une réalité, fût-elle celle d’une course cycliste, mais sur une déambulation au sein du langage lui-même, ce qui pousse l’activité de la bicyclette vers une simple ossature nerveuse. Désormais, avec le bris, l’à-coup, le choc de la coupure, une espèce de caviardage, des ruptures au milieu des strophes, nous allons dans la périphérie, le terrain vague, la banlieue de la littérature savante, là où la prosodie de l’auteur se refuse à la poétisation, à l’effet de discours.

Phrases de la rue, Photographies, Jean de Breyne (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 05 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Arts

Phrases de la rue, Photographies, Jean de Breyne, éditions de L’Ollave, décembre 2020, 128 pages, 19 €

Phrases de la rue est le titre parfait pour ce livre, consistant en un reportage photographique de divers tags (insolents, émouvants, ironiques, profonds…) glanés par l’auteur, en quelques années, dans quelques villes européennes et nord-américaines. Cette visuelle littérature de bitumes (parisien, marseillais, barcelonais, zagrebois, montréalais, lisboète…) imprime en effet – sans commentaire autre que la préface vive et nette de Michèle Aquien – de petits discours muraux, des graffiti choisis et fidèlement enregistrés, et le sens est, là, pour le lecteur, comme il est ou a été, dans la rue !

Nous savons que la plupart des graffiti réels sont bêtes (comme des confidences à tue-tête, des morceaux choisis d’un néant que ne corse pas sa dispersion), sales (à peine propres sur eux, et maculant leurs marges) et méchants (redoublant le mal qu’ils auscultent ou dénoncent), mais leur principe reste attachant, et leur initiative méritoire :

Histoire du fils, Marie-Hélène Lafon (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 05 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Buchet-Chastel

Histoire du fils, août 2020, 176 pages, 15 € . Ecrivain(s): Marie-Hélène Lafon Edition: Buchet-Chastel

 

Le Prix Renaudot 2020 va à une romancière française d’une dizaine d’ouvrages pour une chronique familiale.

Lafon a-t-elle nourri son roman des œuvres romanesques d’un Mauriac ou d’une Suzanne Prou ? On pourrait le pressentir vu la matière abordée.

Jouant de la chronologie et d’un siècle l’autre (entre 1908 et 2008), le livre révèle les secrets d’une famille cossue. La narration avance ainsi à grands pas pour suivre de près les personnages principaux de cette saga généalogique. En effet, ce « fils » du titre n’a pas de père connu, est élevé par sa tante Hélène, tandis que sa mère Gabrielle vit sa vie à Paris. Entre Paris et Chanterelle, dans le Lot, l’histoire dévide ses attendus, ses surprises, ses découvertes. On suit ainsi deux familles, les Léoty, les Lachalme, pressentant les liens, les alliances.

Une suite d’événements, Mikhaïl Chevelev (par Marie du Crest)

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 04 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, Gallimard

Une suite d’événements, Mikhaïl Chevelev, janvier 2021, trad. russe, Christine Zeytounian-Beloüs, 170 pages, 18 € Edition: Gallimard

Le livre s’ouvre, sans doute pour éclairer les lecteurs non russes, sur une carte des zones caucasiennes, territoires inconnus de la plupart et théâtres de conflits depuis des décennies : la Tchétchénie, Le Haut-Karabagh, l’Ossétie du nord… La Russie est un pays qui a subi des bouleversements terribles dans son Histoire et la période contemporaine n’échappe pas à ces secousses. On l’aura compris, le roman de Chevelev est politique ; un passage en italiques, discours rédigé par le narrateur journaliste, Pavel Volodine, tient d’ailleurs lieu de mise en accusation très explicite du système politique de Poutine.

Si le roman est assez court, il n’en est pas moins subtilement bâti sur une alternance des époques (période Eltsine, période pétersbourgeoise de Poutine et période des années 2010), et d’une chronologie resserrée en heures, correspondant à l’épisode central du récit, à savoir une prise d’otages dans l’église de Nikolskoé. Le personnage principal est celui d’un journaliste juif moscovite, qui, à l’occasion d’un reportage en Tchétchénie, va faire la connaissance de Vadim, soldat russe du front, qui après des tractations avec l’ennemi va pouvoir rentrer au pays, en passant pour un membre de l’équipe de presse.

Visions, Arvo Steinberg (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 04 Février 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Visions, Arvo Steinberg, éditions Milagro, 2020, 86 pages, 7 €

 

Voir par l’éclair

Tout de suite, le poète, afin de déployer ses 77 visions, dont certaines sont dédoublées ou triplées…, met en scène un principe rigoureux et digne d’intérêt. Ses visions, parce qu’elles mettent justement en lumière des images, s’incarnent, se solidifient, s’imagent si je puis dire, dans un appareil langagier original. On y trouve des juxtapositions, sous forme très souvent d’associations – qui ne sont hasardeuses qu’en surface –, qui délimitent des aires, des espaces, grâce à un lexique, une nomenclature. Ce sont donc des visions topiques. Ces poèmes qui écrivent par scansions, par délimitations parfois brutales d’un mot à l’autre, par coupures, sont présentés centrés sur la page. On pourrait reconnaître ici un travail à l’américaine, poésie qui utilise la méthode du cut, action qui permet de chercher des nouveaux face-à-face, de nouvelles idées aussi.