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Les Livres

Journaux de voyage, Bashô (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Mardi, 05 Janvier 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Japon, Verdier

Journaux de voyage, trad. japonais, René Sieffert, 128 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Bashô Edition: Verdier

 

 

Peut-être bien le plus grand poète que la terre ait porté. Sans doute le pèlerin et le marcheur le plus assumé. Que n’a-t-il traversé comme terres nipponnes ! Ce poète était aussi un fort en méditation, un expert du haïkaï, un fulgurant amateur de relations humaines authentiques.

Ses journaux de voyage relatent avec force détails ses pérégrinations incessantes. D’un gîte où il reçoit le couvert à un monastère qui l’accueille, le poète Matsuo a tout supporté des voyages, la forte chaleur, les maux de pieds, le froid cassant, l’ennui des traversées. Mais de tout cela il en a extrait une matière unique, tissée d’observations insignes du monde perçu. La moindre fleur, la plus petite bête, le moindre ciel changeant, le glissement subtil des saisons : tout est objet d’écriture immédiate .

L’arrestation, Derrida-Kafka, Jean Esponde (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 05 Janvier 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’arrestation, Derrida-Kafka, Jean Esponde, éd. Atelier de l’Agneau, février 2020, 154 pages, 18 €

 

Fiction, roman épistolaire, journal de bord, prose autobiographique, essai, critique littéraire – ce roman protéiforme brasse un peu et en un livre ces genres dans une dynamique réflexive qui nous embarque dans un récit initiatique, à l’aune du miroir de la littérature romanesque, surtout lorsqu’elle s’exerce en période historique de crise.

L’arrestation de Jean Esponde (qui a déjà écrit des livres concernant Rimbaud, la Corne d’Afrique et le désert afar, Segalen et la Chine, Héraclite et la Grèce ancienne, Barthes… où des cycles s’enchaînent, prose et poésie se nourrissant et avançant parallèlement) se situe dans l’ère du juridique, dans laquelle notre société s’englue progressivement jusqu’à menacer les libertés individuelles. Cet aspect est signalé dès le choix du titre, dans les citations de Kafka et Derrida en exergue, dans les propos du roman et la présence de l’auteur tchèque et du penseur français.

Le Bois, Jeroen Brouwers (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Lundi, 04 Janvier 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Pays nordiques, Roman, Gallimard

Le Bois, Jeroen Brouwers, octobre 2020, trad. néerlandais Bertrand Abraham, 352 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

Du ressentiment au couvent

Il faut imaginer un lieu au nord de l’Europe, une région au parler rugueux, à l’atmosphère brumeuse ou neigeuse. Il faut imaginer encore un lieu quelque peu perdu, une petite ville minière, tout près de la frontière allemande dans le Limbourg, province catholique dans la Hollande protestante. Il faut imaginer également une époque, celle des années 50, au sortir de la guerre, engoncée dans ses conventions, son conformisme et ses préjugés. Et dans ce cadre spatio-temporel, il faut enfin imaginer un pensionnat de garçons, tenu par des franciscains, un ordre monacal qu’on appelle des « frères mineurs » ou encore un « ordre mendiant ».

A tous ceux qui ont connu l’expérience du réfectoire, des salles d’études ou du dortoir en internat ou la promiscuité d’une chambrée, ce livre de Jeroen Brouwers rappellera quelques souvenirs, bons ou mauvais, traumatiques peut-être. Des récits de collège abondent dans la littérature (Musil, Vallès, Montherlant, pour les classiques), à croire que ces lieux de confinement accentuent les tensions humaines et exacerbent désirs et passions, mais ce récit du romancier hollandais dénote particulièrement par la noirceur du ton.

Pourquoi j’ai mangé du lion, Jean-Pascal Bernard, Caroline Taconet (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 04 Janvier 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Jeunesse

Pourquoi j’ai mangé du lion, Jean-Pascal Bernard, Caroline Taconet, Ed. Les Petites Moustaches, octobre 2020, 72 pages, 12,50 €

 

Voici un roman policier où le commissaire Pillière et son adjoint Dentu sont amenés à enquêter sur un phénomène de taille : pour quelles raisons la girafe Ramona a-t-elle dévoré le lion Bouly, tous deux résidents du zoo de Vincennes ? Selon Pillière, très impressionné, malgré lui, par la présence de l’accusée, la thèse du crime passionnel semble privilégiée. Mais Dentu a une autre intuition : en interrogeant l’ex-compagne du fauve prénommée Sharon, une lionne quelque peu sans-gêne et possessive de surcroît, il apparaît que l’intention première du lion était de dévorer la girafe. Celle-ci aurait-elle flairé le danger et se serait-elle vengée par anticipation ? Est-elle plus calculatrice qu’on ne le pense de prime abord ? Pillière pourrait-il deviner que ses enfants lui apporteront la dernière clé de ce mystère ?

Avec beaucoup d’humour, Jean-Pascal Bernard confronte ici les êtres humains, qui ne maîtrisent plus vraiment la situation, à des animaux à demi sauvages, tout aussi névrosés que les bipèdes que nous sommes. Une manière de nous raconter que l’homme doit parfois se rendre humble devant certaines circonstances remarquables.

La folle de la porte à côté, Alda Merini (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 04 Janvier 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Arfuyen

 

Déconstruction

Aborder le continent de la folie et son escorte de vocabulaires, de pathologies, de lieux d’asile, et cela en relation avec la création littéraire, n’est pas une tâche aisée, univoque, définitive, mais qui évolue et reste ouverte. Et même si le masque du fou, de la folle, relève souvent de préjugés, d’images d’Épinal, ce qui arrête l’analyse aux premiers cris de souffrance ou aux réactions inappropriées, il ne faut pas cesser d’analyser, de regarder de près en quoi la folie se marginalise auprès de la société et dans l’œuvre littéraire. Ainsi, le rôle du lecteur – pour le cas qui nous occupe – doit s’infléchir et chercher en quoi cette différence fait différence, en quoi cette locution spécifique fait irruption avec son cortège de ruptures, de grandes arêtes symboliques, de grands traits d’expression. Car cette insanité mentale n’exclut pas une vision du monde. Voire un monde décrit depuis la folie. Pour moi, ce livre, qui permet au lecteur français d’aborder le travail poétique d’Alda Merini, est d’abord et en somme une affaire de déconstruction.