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Les Livres

Anthologie de la littérature grecque, de Troie à Byzance (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 01 Décembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Bassin méditerranéen, Folio (Gallimard)

Anthologie de la littérature grecque, Gallimard Coll. Folio classique, octobre 2020, édition Laurence Plazenet, trad. grec ancien, Emmanuèle Blanc, 944 pages, 12,30 €

C’est précisé ci-dessous (si ! si ! allez-y voir !) : le rédacteur de ces lignes porte tatoués sur l’avant-bras droit les deux premiers mots de l’Iliade en grec. Est-il pour autant un distingué helléniste ? Que nenni ! D’abord, il serait douteux que Jacqueline de Romilly ou Jean-Pierre Vernant aient porté semblable ornementation ; ensuite, il s’agit d’un simple proclamation de foi, tant dans la puissance de ces mots spécifiques que dans l’appartenance à un héritage culturel – qui ne signifie en rien l’exclusion d’autres héritages culturels, merci de ne pas tout confondre et voir des opinions fâcheuses là où il n’y en a pas.

Pourquoi la Grèce ?, demandait Jacqueline de Romilly, et elle répondit à cette question dans un bel essai éponyme – dont il serait malséant de plagier les plus belles pages. La bienséance recommande juste l’honnêteté : parce que c’est de là que tout vient pour un vaste pan de la culture occidentale (réponse intellectuelle), parce que c’est de là que proviennent les plus belles histoires pour dire l’Homme (réponse sensitive). Ou du moins c’est là qu’elles ont été mises en forme, en mots, de la plus belle façon qui soit.

La Garçonnière, Mylène Bouchard (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Lundi, 30 Novembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

La Garçonnière, Mylène Bouchard, éditions La Peuplade, octobre 2020, 232 pages, 19 €


« Mais il n’y a dans le monde que des choses gâchées, au milieu d’une magnificence impossible à saisir », écrit André Dhôtel dans Les Rues dans l’aurore. L’amour impossible que raconte Mylène Bouchard dans ce beau roman en est une – de chose gâchée, de magnificence insaisissable.

Mara et Hubert se rencontrent à Montréal. C’est un coup de foudre, d’un genre particulier : un instant qui révèle et engendre une évidence, une reconnaissance, une nécessité, et qui se situe sur un autre plan que l’amour ou l’amitié entendus dans un sens commun et restreint. Pendant de longues années de fraternité amoureuse, ils vivront côte à côte, complices et intimement liés, d’abord par l’esprit et le cœur, puis par le corps, mais jamais ensemble, chacun restant comme à la lisière de l’amour : entre eux, rien ne s’ouvre qui ne se referme ensuite, et les grands rendez-vous sont manqués. De séparations en retrouvailles, jusqu’à la dernière rupture, leur vie passe – et l’amour, avorté, ne passe pas.

Petits Cimetières sous la lune, Mauricio Electorat (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 30 Novembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Métailié

Petits Cimetières sous la lune, Mauricio Electorat, octobre 2020, trad. espagnol (Chili) par l’auteur lui-même, 302 pages, 21 € Edition: Métailié

Ce n’est pas tant l’intrigue qui nous attache à ce récit, bien qu’elle soit très intéressante, mais l’étonnante texture de son écriture, qui nous rend le narrateur très proche, très familier, et qui donne aussi, à ces Petits Cimetières sous la lune, un côté très cinématographique, sans pour autant tomber dans l’exercice de style. Le titre du roman évoque le pamphlet de Bernanos, Les Grands Cimetières sous la lune, et ce n’est pas un hasard. Le narrateur, Emilio Ortiz, a fui la pression familiale et son pays, le Chili, tout juste sorti de la dictature, pour aller étudier la linguistique à Paris, avec l’aide financière de sa jeune tante Amalia. Mais plus que de sa vie d’étudiant, à laquelle il sera peu assidu, c’est surtout de ses nuits de veilleur dans un petit hôtel du quartier Montparnasse qu’il est question, ses rencontres avec une faune nocturne, des amitiés entre exilés, des nuits alcoolisées. Il y a aussi Chloé, serveuse dans un dancing, le dancing de La Coupole, fréquenté par des couples mûrs qui semblent tout droit sortis des années ’50 ; Chloé qui soudain s’évapore, après avoir entretenu avec Emilio une courte, étrange et sexuellement intense relation, Chloé dont la disparition devient pour lui une obsession alors qu’il ne connaît même pas son nom de famille.

Formegisante, Philippe Thireau (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 30 Novembre 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Formegisante, Philippe Thireau, PhB éditions, 2020, 68 pages, 10 €

 

Coupure

Pourquoi utiliser le mot coupure pour titrer ces quelques propos que je veux consacrer au dernier livre de Philippe Thireau ? Parce que telle m’est toujours apparue la poésie brève japonaise, découpant des fragments fragiles de la réalité pour les agrandir et les faire changer d’échelle. En coupant le rythme de l’écriture par cette contrainte stylistique de la brièveté, de la promptitude à saisir ces événements éphémères, on arrive à densifier sa lecture, et à détacher, à couper, à prélever le réel ainsi gagné par la tension poétique qui en résulte. J’ai toujours à l’esprit ce que mon professeur de Paris III disait, en outre, au sujet des deux façons de créer, que la manière orientale consiste, après une longue méditation, à saisir la chose contemplée avec un différé, et que l’occidentale saisit la figure, la forme en la fabricant, dans un trajet vers l’invention. Ici, avec ces formes gisantes, je pense que l’on se trouve devant un mélange.

La Capture, Mary Costello (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Vendredi, 27 Novembre 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Seuil

La Capture, Mary Costello, août 2020, trad. anglais, Madeleine Nasalik, 272 pages, 19,90 € Edition: Seuil

 

Certes, c’est un roman, mais c’est, avant toute chose, une certaine façon d’écrire très personnelle : « Il poursuit son chemin. Les arbres l’apaisent. La vue d’un arbre, surtout en hiver, la silhouette nue qui se découpe contre le ciel, une splendeur. Il s’arrête, caresse un tronc. Jeune, fragile, innocent ». L’écriture s’active dans une sorte d’instantané même quand le passé est évoqué, ce qui m’a parfois fait songer à Duras.

Cette façon très personnelle de présenter le roman, avec souvent des personnages en introspection d’eux-mêmes, donne récit à cette âme profonde qui révèle une plume.

Ce n’est, toutefois, nullement un style donnant une apparence édulcorée, ni dans le ton, ni dans le sujet : « Il se souvient de la peur qu’il a eue la fois où il a mangé des asperges donnant à sa pisse une forte odeur de soufre ». Les images sont prises « en direct », scénarisées.