Le roman d’Alice Zeniter se lit d’abord comme une critique du pouvoir et des élus, à travers leur discours. Alice Zeniter met le doigt sur ce que le langage – à son corps défendant – fait à la politique, ou plutôt comment le politique exploite le langage, à travers deux phénomènes : la distinction sociologique et langagière par laquelle tout être doit exister, se faire remarquer, et l’euphémisation. Ainsi, pour paraître intelligent, créatif, original, le député PS parisien, pour lequel travaille Antoine en tant qu’assistant parlementaire, se gausse des dégradations faites à la statue de Marianne sous l’Arc de Triomphe par les Gilets jaunes en décembre 2018, qualifiant l’épisode de « hugolien », le caractérisant de « très beau vandalisme », le trou béant de l’œil touchant au « sublime ». A cause du langage – et bien malgré lui –, on assiste à un renversement des valeurs, on adoucit l’ignoble, on accepte l’intolérable, ou bien on fustige les vertus républicaines. Le député n’est sans doute pas dupe de cette confusion langagière : ainsi, à propos de « cette putain de laïcité » et des textes associés, dont il pense qu’elle n’a rien résolu et qu’elle a atomisé le PS. De même, plusieurs mois après les premiers affrontements des Gilets jaunes, ceux-ci ont perdu de leur gloriole aux yeux du député, fer de lance d’idées/idéaux/idéologies novatrices, toujours à la pointe du « progrès » et devant porter de nouvelles actions.