Lisières d’instants, Pascal Mora (par Didier Ayres)
Lisières d’instants, Pascal Mora, éditions Unicité, mai 2021, 82 pages, 13 €
Hic et nunc
J’ai été heureux de découvrir le dernier livre de Pascal Mora, où j’ai trouvé beaucoup de matière et néanmoins une espèce de sobriété poétique allant à l’essentiel. Cette impression est due à la concentration du propos, lequel se quintessencie, prend la poésie pour matière avec discrétion et finesse. Et cette poésie est dynamique, mouvante, oscillatoire, s’attachant au hic et nunc de façon hésitante mais toujours avec assez distance, visant à couvrir davantage que le poème lui-même – ce qui pour moi est proprement l’affaire de la poétique, qui ne se contente pas de son propre cercle de périmètre mais vibre, tremble dans la prosodie de l’écriture. De plus ce mouvement est ascensionnel, conduit vers une forme de spiritualisation du monde et de moments du monde. Cette poésie est chant et allant musical.
Nous sommes dans une poétique du lieu, dans une herméneutique du déplacement. On va avec le poète aussi bien à Meaux qu’à Antioche, autant à Bari qu’à Ostie. Cet aspect physique est rendu précieux par ce que Pascal Mora désigne. Villes, territoires sont plutôt des lieux métaphysiques, des lieux découverts par l’intuition du poète (y compris pour des lieux juste imaginés). Est-ce une aventure littéraire semblable à celle de Saint-John Perse qui, dans Vents par exemple, fonde une musique ? Ou bien dans une spiritualité anxieuse comme celle de Max Jacob ?
Je suis poussière cheminant
Dans les allées de la cité sacrée
En passant la main
Sur les murs des palais décrépits,
Dans leurs fissures
Par fumées des cuisines et du tabac.
Il ressort de ce recueil, de la lumière, un pontil vers l’inconnu et le précieux. D’autre part, par cette instabilité de la lecture, on ne cesse d’explorer ce que le langage autorise, avec parfois ici ou là des mots difficiles, des références bibliques ou des mythologies gréco-latines, ajoutant un panache très ajusté au propos. Se défaire de sa connaissance pour conquérir des territoires nouveaux, un imaginaire où la ville, le lieu, la lisière du poème sont autant de bord d’une forme, là est le goût principal de ces textes.
Didier Ayres
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