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Les Livres

Le Panoptique, Jeremy Bentham (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 28 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Iles britanniques, En Vitrine, Cette semaine, Bartillat

Le Panoptique, Jeremy Bentham, Editions Bartillat, septembre 2024, trad. anglais, Maud Sissung, 195 pages, 20 € Edition: Bartillat

 

Au-delà de l’établissement lui-même, le Panoptique – dispositif d’enfermement destiné à surveiller au plus près les populations incarcérées –, ce qui fait de ce recueil de lettres un moment essentiel de la pensée occidentale moderne réside dans les conséquences bouleversantes de la pensée qui conduit à l’élaboration de ce dispositif.

La « machine » consiste en une organisation architecturale qui vise à un but idéal pour le gardien :

« La perfection idéale, si l’on se fixait cet objet, exigerait que chaque individu soit, à tout instant, surveillé. Cela étant impossible, le mieux que l’on puisse souhaiter est que, à tout instant, ayant motif de se croire surveillé, et n’ayant pas les moyens de s’assurer du contraire, il croie qu’il en est ainsi ».

Tourne et tourne le vent, Anne Rothschild (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 28 Août 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Tourne et tourne le vent, Anne Rothschild, Le Taillis Pré, mai 2024, 78 pages, 15 €

 

Dans un précédent livre, Anne Rothschild (née en 1943, belgo-suisse aujourd’hui gardoise, qui allie l’écriture à son travail de graveuse et peintre) voyageait dans une Chine que, soixante-dix ans plus tôt, ses parents étaient partis habiter pour raisons professionnelles, en la confiant à ses grands-parents en Europe – précaution qu’elle prit à tort pour un abandon. L’auteure venait ainsi découvrir ce lointain pays qui l’avait en quelque sorte évincée, souhaitant comprendre sur place, en s’attachant à lui, la fascination d’alors (délétère pour elle) de ses parents. C’était (Au pays des Osmanthus) un journal d’empathique confrontation, et de nuances salutaires, aigu et tendre – avec la lucidité impérieuse et douce à la fois qui émeut chez cette écrivain.

Aujourd’hui, ici, autres abandons : le vent de la vie a encore « tourné », et cette errance du sort, une nouvelle fois, tourne mal. Anne Rothschild est laissée seule, trois fois, semble-t-il : d’abord par un compagnon qui soudain reprend sa vie avec lui, repart avec tout ce qu’il avait donné en choisissant activement l’absence ! :

Bois-aux-Renards, Antoine Chainas (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 27 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Folio (Gallimard)

Bois-aux-Renards, Antoine Chainas, Folio policier, février 2024, 496 pages, 9,40 € Edition: Folio (Gallimard)

 

« Adiaphorie » est l’un des nombreux mots dont se sert Antoine Chainas au fil de son neuvième roman pour inciter le lecteur à interrompre le fil narratif le temps d’une plongée dans le dictionnaire. Car l’auteur dispose et use d’un riche lexique, et il en fait étalage tout au long des soixante-trois brefs (ou parfois moins brefs) chapitres de Bois-aux-Renards. On est ainsi confronté, en ouverture du quarante-cinquième d’entre eux, aux phrases suivantes : « L’aube avait une couleur de liquide amniotique. On imaginait les cellules desquamées mélangées à l’eau des altostratus, le chorion connecté aux nuées utérines et la migration des kératocytes pour combler dans les fonds lointains du ciel ». Un peu avant, concernant le petit-neveu d’Admète, personnage sur lequel on reviendra, on apprend « que le livedo sur son long nez, s’il se prolongeait, se muerait avec l’âge en thrombose ». Cela peut sembler paradoxal, à l’ère de l’appauvrissement lexical généralisé, mais la débauche lexicale à laquelle procède Chainas a le don d’agacer : c’est un peu gratuit et démonstratif. Surtout venant d’un auteur qui se fend au passage d’un joli « maître étalon »…

On n’en taire pas les fantômes, Marine Leconte (par Murielle Compère-Demarcy)

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) , le Mardi, 27 Août 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

On n’en taire pas les fantômes, Marine Leconte, L’Ire de l’Ours Éditions, février 2024, 86 pages, dessins Agathe Lievens, 10 €

 

L’aire de jeux maudite acidulée de sachets de bonbons et « remplie de poudre acide » dans laquelle Marine Leconte nous attire (un peu à la façon de Marlène Tissot, Sous les fleurs de la tapisserie, publiée chez Maltaverne, l’éditeur du Citron Gare et du fanzine Traction-Brabant alias T-B), nous sidère, nous retourne comme ses poèmes nous renversent face contre terre ou nous arrachant la face après le masque, là où ça fait mal, à l’envers écorché des choses. Ça balance des mots en éclats, les fracasse en éclairs qui crèvent des « peaux d’hostie » ; ça pulvérise de petits êtres qui s’essaient à la chose fatale et chutent comme cette petite fille dans une situation titubante où passe de travers la vie courante, où, là, la vie ordinaire passe « de l’autre côté du texte »… Langage poétique à l’humour qui percute et catapulte les codes, langue blanche clinique des mots : et si c’était (f)utile parade à la pesanteur des choses ?

Le XIXe siècle à travers les âges, Philippe Muray (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 26 Août 2024. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Les Belles Lettres

Le XIXe siècle à travers les âges, Philippe Muray, Les Belles-Lettres, février 2024, 652 pages, 29 € Edition: Les Belles Lettres

 

Qu’est-ce que Le XIXe siècle à travers les âges ? L’ouvrage a le volume et l’érudition des anciennes thèses de doctorat d’État et Philippe Muray l’a d’ailleurs conçu dans un cadre universitaire (lors d’un séjour à Stanford, en 1983), mais il manque l’appareil foisonnant des références, les notes infrapaginales qui prolifèrent et remontent parfois jusqu’au titre courant, les dizaines de pages de bibliographie répertoriant ouvrages imprimés, manuscrits conservés dans les endroits les plus insolites ou les moins accessibles, la littérature secondaire recensant même des notules publiées dans des périodiques locaux disparus et oubliés, la volonté d’exhaustivité, enfin, appliquée parfois à un seul auteur, voire à une seule œuvre. Mais le projet de Philippe Muray dépassait les forces d’un homme seul, puisqu’il s’agissait d’embrasser tout un siècle au long duquel on a beaucoup pensé, écrit et publié. Il le définissait ainsi :