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Les Livres

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mardi, 07 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Presses de la Cité, Israël

Une famille américaine, Ayelet Gundar-Goshen, Les Presses de la Cité, mars 2024, trad. hébreu, Laurence Klein, 365 pages, 23 € Edition: Presses de la Cité

 

Ne se sentir ni d’ici, ni de là-bas : « Parce que nous, les parents, étions des Israéliens qui parlions aussi anglais, alors que lui, notre fils, grandirait en Amérique et serait un Américain qui parlait aussi hébreu » (p.205). C’est la pensée qui vient à Lilach – Lila – au milieu du gué, au milieu de l’histoire.

Un adolescent meurt au cours d’une fête. D’un côté, un adolescent Noir, au regard doux, au corps musclé de géant dont on apprendra qu’il était homosexuel et appartenait à un groupuscule Nation of Islam. De l’autre côté – d’un autre côté –, un adolescent Juif, dans la même classe, petit, maigre, emprunté, qui se fait racketter. Et au centre, au milieu, en toile de fond, l’interrogation d’une mère tiraillée entre ce qu’elle éprouve et ce qu’elle ressent, entre son appartenance et son déracinement, tout se jouant sur fond de violence et d’incompréhension, de fermeture à l’autre. Une mère désorientée : par où commencer ? Où mèneront ses réserves et ses recherches ? Faire profil bas devant la confusion de ses sentiments, de ses appréhensions, de ses lâcher prise.

Un étranger en Olondre, Sofia Samatar (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 07 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA

Un étranger en Olondre, Sofia Samatar, J’Ai Lu, septembre 2023, trad. américain, Patrick Dechesne, 512 p. 8,90 €

« Doutez de la page et préservez ce doute, car un livre est une forteresse, un lieu empli de pleurs, la clé d’un désert, une rivière dépourvue de pont, un jardin de ronces ». Ainsi, par une phrase reflétant l’écriture poétique côtoyée cinq cents pages durant, s’ouvre le « Livre sixième » d’un magnifique roman sur le pouvoir des mots, écrits ou lus, mais aussi dits : Un étranger en Olondre. Plus loin dans le même chapitre, bref et intense, situé quelque quarante pages avant la fin de roman, l’autrice semble avertir le lecteur de l’accès de mélancolie qui le saisira après avoir tourné la dernière page : « Le silence. La fin de toute poésie, de toute romance. Plus tôt, effrayé, vous commenciez déjà à sentir comme une suggestion de ce silence : tant de pages ont été tournées, le livre était si lourd d’un côté, si léger de l’autre, se réduisant alors que la fin approche. Néanmoins, vous vous consolez bien vite. Vous n’êtes pas encore à la fin de l’histoire, à cette terrible page blanche comme un volet fermé. Il y a encore quelques pages sous votre pouce, qui restent à explorer et à chérir. Oh, est-il possible de lire plus lentement ? Non. La fin approche, inexorable, à la même vitesse mesurée. La dernière page, le dernier de ces mots précieux. Et là : la fin du livre. La couverture épaisse qui, une fois refermée, ne vous offre que du cuir gaufré de vieilles roses et d’écus.

Moi, le glorieux, Mathieu Belezi (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Lundi, 06 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Le Tripode

Moi, le glorieux, Mathieu Belezi, éd. Le Tripode, mars 2024, 329 pages, 21 € Edition: Le Tripode

 

Baraka, la fin

Moi, le Glorieux sort aux éditions le Tripode qui ont remis toute l’œuvre de Mathieu Belezi sur l’établi.

Il n’y a pas de majuscule dans ce texte, en début de paragraphe ni aux initiales des nom et prénom de l’auteur sur la couverture, mais le titre est en capitales.

MOI, LE GLORIEUX.

Ce livre est fou comme la folie furieuse, de bout en bout. Entre un Louis Ferdinand Céline déjanté, qui racle au fond nos estomacs avec la plume et un Garcia-Marques qui embarque en baroque, Mathieu Belezi nous offre un roman de ouf.

M. Quelle, Pierrick de Chermont (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 06 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

M. Quelle, Pierrick de Chermont, L’atelier du Grand Tétras, mars 2024, ill. Marianne K. Leroux, postf. Gwen Garnier-Duguy, 128 pages, 20 €

Fable

Livre curieux, que publie Pierrick de Chermont, où l’effet poétique est mis en crise par la présence d’un personnage (M. Quelle). Ce monsieur fait éclater la représentation grâce à des images personnelles, invente des situations, qui, pour finir, évidemment, sont les fruits d’un être de papier. Là tout le dilemme du livre : fable ou poème. En tout cas, présence aussi de l’écrivain qui prête vie à ce personnage de fiction, figure bizarrement attachante d’un héros plus proche du Don Quichotte que de Roland Furieux (même si des rapprochements pourraient être justifiés).

Cette relation entre le fictif, qui s’avère pure imagination (cet être ne peut pas exister) et la réalité (l’on pense à l’auteur dont les traits sont peut-être ceux de ce personnage de fantasmagorie), convient parfaitement au caractère littéraire qui trouve présence et existence justement dans le récit des extravagances de Quelle, donc à travers divers fantasmes, espèces lointaines de fatrasies, d’un curieux mélange métaphysique et ultra matériel. Ce qui laisse entendre que la vie de Quelle est tourmentée, profuse et parfois déconcertante.

Des destins, William Cliff (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 03 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, La Table Ronde

Des destins, William Cliff, La Table Ronde, 2023, 352 pages, 22 € . Ecrivain(s): William Cliff Edition: La Table Ronde

 

Avec la musicalité propre au sonnet, qu’il maîtrise, le poète gembloutois relate en trois cents poèmes quelques reliefs de sa vie. Passent ainsi au crible de son talent les proches, les marraine et parrain, les amis et amants de passage (un bel hommage à Joseph Orban, poète de son état), les souvenirs d’adolescent, ceux du poète en « mansarde » à Bruxelles, les expériences voyageuses, sensuelles.

Il en a connu des destins. Des paysages intérieurs à ceux d’ailleurs (le poète est épris de voyages), voilà comment une vie s’ordonne en sonnets, clairs, efficaces, sensuels, crus et nus comme peut l’être l’âme d’un vrai poète, qui, jamais, n’a renoncé à exposer sa vie, son amour des hommes, ses amours de langues et de poésies, en rameutant le concret comme le sublime, le vrai, l’ordinaire des vies, le banal, l’extraordinaire. Nulle plainte ne vient encombrer la prosodie ; nulle alarme, certes. La voix déroule la vie, sans apprêts, sans moralisme, dans la fluidité narrative des faits vécus, observés, recueillis en sonnets.