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Les Livres

Dors ton sommeil de brute, Carole Martinez (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Lundi, 16 Septembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Gallimard

Dors ton sommeil de brute, Carole Martinez, Gallimard, août 2024, 393 pages, 22 € Edition: Gallimard

 

Il y a le chant, hypnotique, berceuse, incantation, psalmodie, une voix qui fait sens, à laquelle il faut donner suite, et prise… suivre l’enchantement, être prêt à y répondre, c’est le rôle confié aux enfants. Être prêt à y répondre, déchiffrer, défricher ce que la nature espère… ? que l’on y reconnaîtra, que l’on se reconnaîtra, c’est le rôle des adultes.

Un géant une pierre à la main, un homme des bois, des marais, de la nature, un innocent. Un monde entre ciel et terre, entre arbres et forêt, un monde de conte de fées, tel qu’il pouvait être avant.

Avant la chute, avant l’avancée, la marche forcée du progrès, contre nature.

Le sommeil signifiant, le retour arrière, le rêve, le fil de la vie, la préservation. Le chant émerge comme un fil à suivre, passer et repasser dans le chas.

Le Gardien du verger, Cormac McCarthy (par Jeanne Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 13 Septembre 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, USA

Le Gardien du verger (The Orchard Keeper, 1965), Cormac McCarthy, éditions de l’Olivier, janvier 2024, trad. anglais (États-Unis), François Hirsch, Patricia Schaeffer, 298 pages, 12,50 € Edition: Points

J’ai ce même goût en bouche. L’élan et la curiosité. L’appétit, celui de l’inattendu. Devant un livre, je suis comme ces critiques gastronomiques qui entrent sans préavis ou par effraction, avec invitation ou sans avis de passage, dans les restaurants qu’ils vont autopsier. Celui ou celle qui dîne à tous les râteliers, l’importun, l’imposteur, l’impertinent, le redouté, le pas si redoutable, le mélancolique qui se délecte de son bonheur de l’être, etc. Critiquer un mets et gagner son pain avec. J’entre dans l’histoire avec la mienne sous le bras.

Lire en songeant à l’auteur, et sans attentes, l’attente non atteinte est un désespoir dont on se remet avec peine. Prêter attention, observer ses procédés et se rendre disponible. Ne faire que cela, c’est presque un acte de résistance, lire sans consulter son téléphone ou manger ou tout autre activité qui nuit à l’intégrité du livre. Guetter les fêlures comme les cheveux dans les assiettes. Le faux-pas ou le manque de structure. La concentration. Les accords entre les plats. Le fil qui se casse en cours de route. La fausse route ou les transitions qui se brisent contre le paragraphe suivant. Les fumets, les vapeurs et tous les effets de style pour estomper les contours du réel ou les rendre plus visibles. Quelque chose dans ce goût-là.

As-tu rejoint l’île ?, Jeanine Salesse (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 13 Septembre 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie

As-tu rejoint l’île ?, Jeanine Salesse, éditions Pétra, juin 2024, 86 pages, photographies de l’auteure, 16 €

 

D’une Jeanine l’autre ou le journal tenu par l’amie à propos des derniers mois de vie de Jeanine Baude, poète, éditrice chez Pétra, amoureuse de l’Océan et de l’île d’Ouessant. Le livre accompagne l’amie, chez elle, à Ouessant, à l’hôpital où elle est soignée pour un cancer.

Les 71 poèmes tracent, entre souvenir et déploration, le portrait d’une femme qui aimait la vie, les autres, la poésie, l’amitié. Mais comment rejoindre la disparue ? Sinon par les poèmes, sinon par la ferveur de l’amitié. Comme dans le beau livre de René de Ceccatty, L’accompagnement, Jeanine Salesse honore la mémoire toute proche d’une sœur d’écriture :

« Cantate de la remémoration

Quelle joie de retrouver ta maison après un séjour à l’hôpital ! » (p.21).

Histoires impossibles, Ambrose Bierce (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 12 Septembre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Nouvelles, Grasset, En Vitrine, Cette semaine

Histoires impossibles, Ambrose Bierce, Grasset, Les Cahiers Rouges, 1985, trad. américain, Jacques Papy, 159 pages, 7,50 € Edition: Grasset

 

Commençons par écarter une lourde hypothèse qui pèse sur Ambrose Bierce et son œuvre : la ressemblance avec Edgar Allan Poe, son contemporain. Tous deux sont américains certes, tous deux écrivent dans un genre qui inscrit le fantastique dans sa courbe narrative assurément. Mais là s’arrêtent, absolument, les rapprochements possibles.

Le monde de Poe est fait de lieux lugubres, de rues sombres, de maisons malfaisantes, de cadres urbains maléfiques. Celui de Bierce est essentiellement rural, naturel, souvent enchanteur avant que ne surgisse l’effroi. On peut voir à cet écart local la naissance des deux écrivains : Poe, fils de Boston. Bierce fils d’un État alors très rural, l’Ohio, dans la petite localité de Cave Creek.

L’univers littéraire de Bierce semble droit sorti des œuvres de Henry David Thoreau. La Nature est d’abord chez lui beauté, asile, recueillement. Certains passages semblent sortis tout droit de Walden.

Aurores, Résonance avec ma rivière, Françoise Sérandour (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Jeudi, 12 Septembre 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Poésie, L'Harmattan

Aurores, Résonance avec ma rivière, Françoise Sérandour, L’Harmattan, juin 2024, 86 pages, 12 € Edition: L'Harmattan

 

Hommage à la beauté du monde, baume sur la souffrance des vivants, voilà ce qui transparaît dès les premières pages de ce recueil, à travers « la coulée de lumière » des mots dans leur « trame bleue ».

« Les ailes de l’aigrette blanche / si faites de pigments naturels / reflètent naturellement la lumière / par la magie du Ciel ».

Cette vision esthétique, contemplative de la nature est, semble-t-il, un refuge, une échappatoire à la douleur indicible de la perte des êtres chers.

L’auteure compare la « Parole poétique, abandonnée aux dieux, mais révélée hors du silence », à la Parole d’Eurydice retrouvée qu’Orphée tente de remonter des Enfers grâce au pouvoir de son chant.

Dans le cas de la poète, il semblerait qu’il s’agisse, non de remonter une femme des Enfers, mais de ressusciter le souvenir d’un être cher, en l’occurrence sa mère, avec, comme « madeleine de Proust », le parfum des violettes de l’enfance.