Identification

Les Livres

Allez-y voir, Ecrits sur la peinture, Raymond Queneau (par Charles Duttine)

Ecrit par Charles Duttine , le Mardi, 21 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Gallimard, Arts

Allez-y voir, Ecrits sur la peinture, Raymond Queneau, Gallimard, mars 2024, 208 pages, 21 € Edition: Gallimard

 

Les lunettes de Raymond Queneau

Les photographies que nous connaissons de Raymond Queneau nous le représentent toujours chaussé de lunettes, certaines fines et d’autres souvent cerclées de montures épaisses. Qu’il fût myope n’est pas le problème, mais notre poète facétieux a toujours su se démarquer par son regard. Voyait-il le monde comme le sens commun ? Certainement pas. Quel regard portait-il sur l’art et notamment la peinture ? Il faut aller y voir, comme le propose l’ouvrage qui rassemble nombre de ses écrits sur des peintres qu’il a côtoyés.

L’ouvrage au titre engageant, Allez-y voir, recollecte des textes de Queneau écrits en revues, dans des catalogues, préfaces ou autres monographies. Ils sont présentés d’une manière chronologique de la fin des années vingt jusqu’aux années soixante-dix. Ce sont des textes sur divers peintres, ceux qu’il a aimés particulièrement, Juan Miró, Jean Dubuffet, Elie Lascaux, par exemple. On y découvre un Queneau amateur d’art, bien perspicace dans ses avis.

Chino fait poète, Christian Prigent (par Gilles Cervera)

Ecrit par Gilles Cervera , le Mardi, 21 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, P.O.L

Chino fait poète, Christian Prigent, éditions POL, février 2024, 162 pages, 19 € . Ecrivain(s): Christian Prigent Edition: P.O.L

 

Le facteur poésie

Y aurait-il un risque à écrire sur un écrivain qui vient des mêmes terres, respire des mêmes vents de mer, de la même baie, et dont l’estran et les arénicoles font une commune origine, que dis-je un culte ?

Prenons le risque !

La poésie de Christian Prigent alias Chino nous réveille, et non pas nous berce. Nous crispe et nous accroche, nous provoque et nous braque. Bref, le dernier ouvrage publié chez POL de Prigent, Chino fait poète fait de la poésie. Au sens du faire !

C’est-à-dire qu’il fait ça comme on peut faire charpentier sans s’appeler Joseph et faire pouët-pouët quand on est, pour l’éternité, lycéen de Saint-Brieuc, c’est dit, notre commun !

Lucien, Sabine du Faÿ (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 20 Mai 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Lucien, Sabine du Faÿ, Oskar Éditeur, 2022, 168 pages, 14,95 €

 

Lucien ne voit plus sa mère, internée en hôpital psychiatrique, depuis six années, et ne connaît pas son père. À l’âge de treize ans, son destin se résume à un ballottement entre familles d’accueil. Arrêté par un commissaire de police pour un vol de portefeuille, il crée l’affolement de Mme Chouraki, qui en a désormais la responsabilité avec son mari ; sous l’obligation de celle-ci, et pour la première fois, il est conduit à consulter un pédopsychiatre, Marc Lamy.

Destiné aux adolescents avant tout, ce roman met en lumière les étapes successives du mal-être d’un enfant qui se sent abandonné : agissant de manière impulsive, voire destructrice, Lucien s’inscrit, sous la plume délicate de Sabine du Faÿ, dans la recherche constante d’un foyer qui semble inaccessible, d’une place dont l’adéquation paraît hors du monde – ses déplacements réguliers, fruits d’un instinct de survie, ces intérieurs qu’il croise et quitte en permanence, sont à l’image de cette quête qui l’essouffle.

Autre matin, suivi de Le monde du singulier, Gérard Pfister (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 20 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Autre matin, suivi de Le monde du singulier, Gérard Pfister, Éditions Le Silence qui roule, mars 2024, 91 pages, 15 €

 

Autrui

La vaste question de la destination du poème se pose avec vivacité dans ce nouveau livre de Gérard Pfister. Le poème est-il écrit pour soi et, dès lors, ne communique-t-il pas tout à fait l’espoir du poète ? Est-il écrit pour autrui ? Vraisemblablement, le poète ne cherche pas un public en particulier (ce qui appartient aux démarcheurs et autres créateurs de réclames). Dès lors, comment partage-t-on les poèmes avec un lecteur qui cherche dans la poésie une pensée et une profondeur intérieures ? Le poète est-il vraiment le lecteur de ses poèmes ? Où réside le mystère – ici au sein de l’écriture ou bien dans l’âme du liseur ? Qui est le plus important, le poète ou le bouquineur, bouquineur à qui sont demandées une attention et une exigence parfois anxieuses ?

L’autre rive de la mer, António Lobo Antunes (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Jeudi, 16 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue portugaise, Roman, Christian Bourgois, En Vitrine, Cette semaine

L’autre rive de la mer, António Lobo Antunes, Christian Bourgois Éditeur, avril 2024, trad. portugais, Dominique Nédellec, 450 pages, 24 € . Ecrivain(s): Antonio Lobo Antunes Edition: Christian Bourgois

Le vieux lion (ou plutôt loup – Lobo) rugit encore et, même si les pontes décérébrés du Prix Nobel ne semblent pas le savoir, il est le plus grand monstre littéraire encore vivant en ce monde. L’autre rive de la mer, dernier ouvrage de Lobo Antunes – et l’on espère que ce ne sera pas le dernier – est à la fois un retour aux sources brûlantes de l’inspiration du romancier lisboète et un regard sombre vers son passé. L’Angola, enfer vécu par le jeune António entre 1971 et 1973, et cadre ténébreux de ses 3 premiers romans, Mémoire d’éléphant, Le cul de Judas et Connaissance de l’enfer.

« et le nègre avec son fusil à côté d’eux manœuvrant la culasse avec le fracas de qui ferme la dernière des portes, restent les crabes qui approchent dans leur boiterie oblique, refermant sur nous leurs pinces rouillées, reste mon passé s’enfonçant dans le sable si bien que je ne sais pas si je l’exhume ou si je l’invente, si ça se trouve il n’y a jamais eu de coton dans ma vie, il n’y a jamais eu de villages de nègres, je n’ai jamais vu de sipaios enterrer vivante une femme devant son quimbo, la femme les bras et les jambes brisés, enroulés autour de son tronc, et les yeux ouverts tandis qu’ils balançaient les pelletées de terre […] ».