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Les Livres

Terre Fragile, Claire Fuller (par Sandrine-Jeanne Ferron)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Jeudi, 10 Octobre 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Stock

Terre Fragile, Claire Fuller, éd. Stock, Coll. La Cosmopolite, janvier 2024, trad. anglais, Mathilde Bach, 379 pages, 23 € Edition: Stock

 

As-tu déjà ressenti cela, dans une librairie par exemple, la sensation qu’un livre t’observe plus qu’un autre, il t’attend ou te tend la main, et qu’il a ce pouvoir-là. De rendre le sol instable au point de te faire chavirer. Il a un message pour toi. Parce que justement celui-ci, tu ne l’as pas choisi. Ton existence interceptée par une autre existence. Et la confiance que l’acte de lire amplifie. Terre Fragile est venu à moi avant sa parution. C’est un bouquiniste qui me l’a offert, l’éditeur le lui a adressé mais il m’avoue qu’il n’a plus le temps de lire. Ce sont les épreuves non corrigées, trente-cinq chapitres, la couverture encore blanche, la quatrième de couverture non rédigée. Claire Fuller. Lire en français un roman traduit de l’anglais, je refuse poliment. Un roman inédit puisque hormis le cercle de l’obstétrique du livre, je suis la seule à pouvoir le lire. Je parcours la page des remerciements et c’est la voix de l’auteure qui me séduit. Un livre ne se refuse pas, même poliment. J’accepte.

Suite orphique, François Cheng (par Nicolas Grenier)

Ecrit par Nicolas Grenier , le Mercredi, 09 Octobre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Gallimard

Suite orphique, François Cheng, Éditons Gallimard, mars 2024, 160 pages, 17,50 € . Ecrivain(s): François Cheng Edition: Gallimard

 

Orphique philosophique

François Cheng livre, à l’automne de sa vie, une suite orphique de quatre-vingt-dix-neuf quatrains. Pour cette quête spirituelle, l’académicien se place dans la continuité d’Omar Khayyâm, et à plus forte raison la poésie chinoise classique. Sous la protection de sa mère, il revisite le mythe d’Orphée, fils d’Apollon, à la lumière de la pensée chrétienne et taoïste.

Dans un style simple, fluide, limpide qui se manifeste à travers des vers blancs, irréguliers, courts ou longs, parfois rimés, le poète français d’origine chinoise offre une méditation métaphysique sur la mort, l’amour, la beauté, l’existence, ainsi que l’univers. François Cheng emploie une des formes poétiques les plus brèves pour explorer les plus grandes questions de l’humanité. Dans cette condition humaine, marquée par le sceau de la catastrophe, il décoche une philosophie de vie, à travers le quatrain 54 :

Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 09 Octobre 2024. , dans Les Livres, Chroniques Ecritures Dossiers, La Une CED, Arfuyen

Ainsi parlait Jules Renard, Dits et maximes de vie, Yves Leclair, éditions Arfuyen, juin 2024, 192 pages, 14 €

 

« Le monsieur qui nous dit : “Et moi aussi, j’ai passé par là !”. Imbécile ! Il fallait y rester : alors, tu m’intéresserais” » (fragment 49).

Un florilège (le principe de cette collection) de Jules Renard ne pouvait promettre qu’un feu d’artifice, et le voilà. Yves Leclair y a excellemment travaillé. Mais dès sa présentation (Une hygiène de l’esprit), le maître d’œuvre de ce livre nous annonce, au-delà de la jubilation attendue (par la caustique fantaisie et l’humour imparable du maître), un auteur profond (qui aura constamment, malgré sa paresse officielle, appris de son propre travail) et scrupuleux (qui s’interdit peu à peu la méchanceté et le cynisme qu’il se savait trop expertement déployer, et manifeste une « finesse spirituelle » assumant la responsabilité de tout ce qu’elle découvre, et incitant son lecteur à la relayer). C’est, comme dit Leclair, ce « plus japonais des naturalistes », oui, le plus délicat et vaporeux des réalistes qu’on rencontre ici.

Spinoza Code, Mériam Korichi (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mardi, 08 Octobre 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Grasset

Spinoza Code, Mériam Korichi, Grasset, mars 2024, 240 pages, 19,50 € Edition: Grasset

 

À l’article « Code », le dictionnaire de Littré renvoie à l’ensemble des recueils de lois portant les noms d’empereurs romains (Théodose, Justinien) et, pour l’étymologie, au latin codex, « proprement tablette à écrire ». C’est plus ou moins ce dont il s’agit et, consciemment ou non, Mériam Korichi prend le contre-pied de toutes les histoires de manuscrits retrouvés dans les endroits les plus improbables, qui peuplent le genre romanesque (on pense ainsi au Nom de la Rose). Commençons par dire ce que ce livre n’est pas : le Spinoza Code n’a rien à voir avec le Da Vinci Code et les élucubrations afférentes, parce que le codex, le volume manuscrit en question existe bel et bien à la bibliothèque du Vatican (dont le catalogue, subdivisé en une multitude de fondi, est notoirement d’une complexité inégalée) : il s’agit du manuscrit Vat. Lat. 12838 (désormais numérisé et consultable en ligne), un manuscrit assez modeste et oublié pendant des siècles, qui présente la particularité d’avoir été copié, non sur les Opera posthuma de Spinoza parues en 1677, mais sur le manuscrit original (qui fut probablement détruit par l’imprimeur une fois son travail achevé, suivant la pratique courante de l’époque, aussi choquante nous paraisse-t-elle).

Le Refuge des étoiles, Les rêveries d’une réceptionniste à l’hôtel La Louisiane, Charlotte Saliou (par Marjorie Rafécas-Poeydomenge)

Ecrit par Marjorie Rafécas-Poeydomenge , le Mardi, 08 Octobre 2024. , dans Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

Le Refuge des étoiles, Les rêveries d’une réceptionniste à l’hôtel La Louisiane, Charlotte Saliou, Editions Blacklephant, 2023, 237 pages, 16,90 €

 

Le Refuge de étoiles invite à s’égarer délicieusement dans le labyrinthe des rêveries d’une réceptionniste de l’hôtel La Louisiane (surnommé Hôtel des infidèles dans la chanson d’Etienne Daho et le Chelsea Hotel version parisienne par Frédéric Beigbeder qui a réalisé la préface de ce livre et pour qui l’hôtel est sa deuxième maison).

Saint-Germain-des-Prés n’est pas un quartier comme les autres, il y règne une atmosphère insulaire, surtout dans l’imagination incandescente de Boris Vian. Mais il s’agit d’une île sans utopie : « Les valeurs y sont parfois inversées. Et le Bien fusionne avec le Mal au point de créer de beaux mensonges et des réussites mythomanes très charmantes, surtout en soirées ». Charlotte Saliou réussit à transformer ce quartier mythique en une aventure surréaliste, avec une géographie réinventée et alchimique.