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Les Livres

Main basse sur la pensée, Les grandes arnaques, Bertrand Vergely (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 29 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Main basse sur la pensée, Les grandes arnaques, Bertrand Vergely, Salvator éditeur, avril 2024, 200 pages, 19,80 €

 

Bertrand Vergely est philosophe : rien ne vaut donc, pour lui, l’exigence de vérité, et rien ne vaut, pour l’établir, que le dépistage de l’auto-contradiction. « Ou la vérité n’existe pas et l’idée qu’il n’y a pas de vérité n’est pas vraie, ou l’idée qu’il n’y a pas de vérité est vraie ; dans ce cas, la vérité existe » (p.95). Quand, à son procès, son accusateur reproche à Socrate d’être « un athée qui ne croit qu’à son démon », Socrate demande – puisqu’un démon grec naît d’un dieu et d’une mortelle – d’où peut bien sortir ce démon pour l’athée. Quand le prêtre Euthyphron définit devant Socrate la piété comme ce qui plaît aux dieux, Socrate demande si elle est la piété parce qu’elle plaît aux dieux (en ce cas, que devient-elle, si ceux-ci sont en désaccord ?) ou si elle plaît aux dieux parce qu’elle est la piété (en ce cas, qu’est-elle pour pouvoir et devoir ainsi plaire à tous ?).

Les enfants d’Izieu, Rolande Causse-Gibel, Gilles Rapaport (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Mardi, 28 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Histoire

Les enfants d’Izieu, Rolande Causse-Gibel, Gilles Rapaport, Éditions D’eux, avril 2024, 74 pages, 18 €

Izieu, 1944

Rolande Causse-Gibel (née en 1937, fondatrice de l’association La Scribure en 1975) est l’auteure d’un long poème, Les enfants d’Izieu, dont la déportation et l’assassinat sont de la responsabilité de Klaus Barbie (1913-1991, criminel de guerre allemand, officier de police SS sous le régime nazi), après la dénonciation d’un Français de Metz. Léa Feldblum (1918-1989), animatrice scolaire, a été la seule survivante de la rafle d’Izieu, ce dont elle a témoigné au procès de Klaus Barbie.

Ce texte émouvant et sobre nous fait revivre les ultimes moments, les petits mots de ces quarante-quatre innocents, âgés de quatre à dix ans, déportés « Le premier jour des vacances de Pâques / C’était le JEUDI 6 AVRIL 1944 ». Chacun de ces enfants a un vécu et une provenance différents, venus de toute l’Europe se réfugier à Izieu (commune du département de l’Ain, dans le Bugey). En arrière-fond, la guerre résonne, la peur de la délation, même si Radio-Londres diffuse des nouvelles rassurantes. Les enfants s’amusent, rêvent, dessinent, colorient, écrivent, fabriquent de petits objets, bien que séparés de leurs familles.

Reprises, Cédric Bonfils (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 28 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie

Reprises, Cédric Bonfils, éditions Invenit, mars 2024, ill. Élise Kasztelan, 80 pages, 14 €

 

Exercices

Je ne sais pas grand-chose du karaté, ni de sa discipline ni de ses symboles. Or, ce recueil de Cédric Bonfils s’appuie sur la pratique de ce sport de combat, qui ressemble plus à un combat en soi qu’à une lutte avec autrui ; même si sa destination première doit être la défense contre l’agression. Et sans connaître les noms exacts de tel ou tel mouvement, ceux-là étayent et remplacent le corps par le corps verbal, les noms qui hantent les poèmes – tout autant que le corps propre de celui qui pratique. Ces noms sont donc des entrées dans cet art martial, comme dans le texte. Ce qui signifie qu’il faut consentir à avancer dans un pesant mystère, celui d’une psyché, fût-elle guerrière. Au contraire, cette approche physique du livre peut se comprendre comme un exercice intérieur, une ressource de connaissance, une métaphysique du sport. L’écriture s’en ressent donc. Elle est disciplinée sans être rigide, mais inspirée par un souffle, par la respiration qui est fondamentale pour la pratique du karaté. Écriture claire, légèrement corsetée, calque de l’expérience du karatéka.

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Lundi, 27 Mai 2024. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Russie, Roman, Récits, Editions des Syrtes

Histoire de l’Île, Evgueni Vodolazkine, Editions des Syrtes, janvier 2024, trad. russe, Anne-Marie Tatsis-Botton, 320 pages, 23 € Edition: Editions des Syrtes

Pour raconter son Histoire de l’Île, lieu inexistant et donc ouvert à tous les possibles, l’écrivain russe Evgueni Vodolazkine choisit une forme à la fois éloignée et proche du roman, la chronique. Ce sont donc trois-cent-cinquante années d’une lente évolution du Moyen Âge à l’époque contemporaine qui défilent en quelque trois cents pages, racontées par divers chroniqueurs au fil des siècles, depuis Nicanor l’Historien jusqu’à Innocent, longue lignée de moines qui racontent leurs époques respectives.

Ils racontent ainsi l’évolution politique de l’Île, avec comme constante et fil conducteur le couple princier formé par Xénie et Parthène, tous deux dotés d’une longévité exceptionnelle et non seulement témoins mais aussi commentateurs. En effet, l’Histoire de l’Île se présente comme étant l’édition complète d’une chronique connue et étudiée depuis son origine, édition sous l’égide d’un certain Philippe, qui a proposé à Parthène et Xénie de donner « leurs avis », « notes [qui] insensiblement ont pris le caractère d’un journal ». Par ces « notes », on glisse doucement d’une réflexion sur la chronique à une réflexion sur la longévité et la modernité, au regard posé par deux vieillards tricentenaires alertes issus d’une autre époque sur l’époque contemporaine, la nôtre.

Coups de griffes N°8 (par Alain Faurieux)

, le Lundi, 27 Mai 2024. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

Meurs ressuscite, Albane Prouvost, POL, 2015, 64 pages, 10 €

Merci à M.D pour m’avoir, par curiosité et esprit de contradiction, mené à Albane P. Ça a fait ma journée diraient les anglais. Aurais-je dû rire très fort pendant cette lecture ? Jeter des choses à terre ? Prendre comme témoin du ridicule un passant sur la route ? Je ne suis pas si plouc pour ne pas avoir compris « l’intention »… Le manque, la mort, l’absence. Et puis la blancheur/la neige (la page), la Russie et ses poètes, les peintres, gna-gna-gna. Trente pages en fait (la blancheur et tout ça, ça prend de la place ma chère). Quinze ans pour ça : c’est dur être poète ! Alors que m’a-t-il manqué ? Parce qu’après tout me direz vous, la poésie c’est un ressenti, une liberté. Chacun sa définition. Il m’a donc manqué un jeu, un plaisir des mots, un amour de ceux-ci, une découverte, de la beauté, de la force, ou de la violence, de la provocation, de la surprise, des sentiments, ou une vision, des possibilités. A la place le vivier lexical d’un pays en proie à la famine, un patchwork bancal. Des bouts de catalogue de jardinerie mal découpés collés sur un vieux carton en lieu et place de Chagall ou Matisse. M’a manqué une voix, reste un bafouillement. M’a manqué un rythme, un pas (la neige appelle au moins une trace). Reste rien.