Que du vent, Yves Ravey (par Gilles Cervera)
Que du vent, Yves Ravey, Les Éditions de Minuit, août 2024, 123 pages, 17 €
Edition: Les éditions de Minuit
Le goût de l’insipide
L’art du titre selon Yves Ravey.
Nous avions commencé à lire Ravey avec le pur, synthétique et extrême Le Drap. Beau titre pour débuter la lecture d’un auteur dont on ne se lasse pas depuis des décennies. Livre après livre, tous les deux ans, Ravey nous ravit.
Ce titre Que du vent, d’aujourd’hui, excelle par son exactitude scientifique et non météorologique. Rien ne souffle sur cette histoire hormis l’ennui des lotissements, la platitude des sentiments, les piscines nulles à pleurer creusées entre deux entrepôts où notamment du commerce hasardeux de discount lessiviel venu d’Afrique.
Le narrateur est cet improbable commerçant. Lui qui entrepose ! Lui dont le divorce récent le fait regarder par-dessus le mur des voisins, à travers les buissons, la voisine est une bombe. Ce paumé est nommé Burnett. Il en est pourvu et nous entraîne dans une histoire exsangue dont le propos n’est pas une fin à espérer, un suspense (quelquefois Ravey y excelle) mais bien plutôt le rien des inexistences, le pauvre des imaginaires, l’archi-banal des télénovelas.
Canapés, scotch, parasol et Veracruz en sortie provisoire, toujours remise !
À ce propos, de télénovela, on vient, et on se demande pourquoi, de se taper une série à ce qu’on dit enchanteresse intitulée Mum. C’est anglais, c’est nul et carrément caricatural et on y est resté ! Comment se fait-il qu’on ait pu séjourner dans cette vulgarité banale qui doit satisfaire quoi sinon une vague pulsion voyeur.
Ravey nous y fait y revenir et nous y sentir bizarrement bien d’autant que la grâce romanesque, le flottement modianesque et la netteté du propos enchantent.
Que du vent nous conduit direct là où on sait devoir aller. Mais Ravey est un ciseleur, un styliste, une sorte d’oiseau rare qui transforme, irradie, bref, il écrit. Comme dans Mum où on est resté scotchés trois soirées de trois heures de suite en étant ébahis d’avoir subi ça, on est dans un Ravey où les prénoms américains sonnent le creux, où les tromperies sont voyantes, les blanchisseries ne servant pas qu’à blanchir le linge et les paquets de lessive pas qu’à contenir des poudres saponées.
L’auteur nous entraîne, il nous ligote, il nous force à nous intéresser au rien d’aujourd’hui. Un peu plus, et on irait vraiment vérifier ce qu’est une télénovela. Un peu plus, et on irait perdre son temps et réclamer une quatrième saison de Mum. L’insipidité de Ravey a du goût même si, juste après avoir fermé le petit livre blanc au liséré bleu, on est sûr que le titre avait tout son sens, cette histoire n’était que du vent !
Que de la littérature !
Reste à attendre le prochain Ravey !
Gilles Cervera
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