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Les Livres

Ma vie toute crue, Mauricio Garcia Pereira (par Arnaud Genon)

Ecrit par Arnaud Genon , le Lundi, 22 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Récits, Plon

Ma vie toute crue, Mauricio Garcia Pereira, Plon, Coll. L’abeille, janvier 2021, 176 pages, 8 € Edition: Plon

 

« Meat is murder »

En 1985, dans Meat is murder, sa chanson pamphlétaire contre la consommation de viande (devenue hymne de la cause végétarienne), le leader des Smiths, Morrissey, s’adressait à ses auditeurs et leur demandait : « Do you know how animals die ? ». La réponse venait rapidement, comme un cri refoulé, cinglant : « It’s not comforting, cheery or kind / It’s sizzling blood and the unholy stench / Of murder » (1). Quelques trente ans plus tard, en France, Mauricio Garcia Pereira, ouvrier à l’abattoir de Limoges, un des plus grands de France, lançait l’alerte dans un livre que rééditent aujourd’hui les éditions Plon dans sa Collection de Poche. En se gardant de toute radicalité, il décrit un univers insupportable où victimes et bourreaux sont maltraités, soumis à la violence de l’industrialisation de la mort animale.

Œuvres Tome II, Victor Segalen en La Pléiade (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 22 Février 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Poésie, La Pléiade Gallimard

Œuvres Tome II, Victor Segalen, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, novembre 2020, 1312 pages, 62,50 €

 

Écrire puis disparaître

Si l’on embrasse la totalité des textes de l’édition de La Pléiade des deux tomes de l’œuvre écrite de Segalen, l’on croise des registres différents : romans – parfois un peu hybrides –, poèmes – qui dépassent le genre en ajoutant par exemple des mises en page nouvelles –, essais – où court sur plusieurs années l’épiage d’un seul mot –, travaux de biographe – sur des sujets où c’est davantage l’absence que la présence de l’auteur biographié qui sous-tend la démarche du poète – ou pages de dossiers non finies, journaux parfois détruits, donc un univers polygraphique d’importance.

Pour moi, ce qui compte davantage encore, c’est que l’on se trouve devant une littérature instable, où la sensibilité est telle qu’elle oblige à une attention plus grande, en partie à cause de cette impression d’un texte plein d’angles, de coins de toits ou de murs, d’arêtes comme celles de pierres votives, de points de fuite qui toujours rappellent que le poète voyage.

Les Vilaines, Camila Sosa Villada (par Sandrine Ferron-Veillard)

Ecrit par Jeanne Ferron-Veillard , le Vendredi, 12 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Amérique Latine, Roman, Métailié

Les Vilaines, Camila Sosa Villada, Métailié, janvier 2021, trad. espagnol (Argentine) Laura Alcoba, janvier 2021, 208 pages, 18,60 € Edition: Métailié

 

À chaque nouvelle lecture, on se dit qu’un livre est une rencontre, la vraie celle-ci, l’objet littéraire que l’on n’attend pas, la rencontre qui détourne, transforme. La lecture en expérience. Pour changer son propre rythme et sa lecture du monde.

Ici, la lecture est un témoignage.

Aucun chapitre numéroté pour s’y tenir. Tel le tronc contre lequel les corps s’appuient dans le Parc, contre lesquels ils jouissent ou ils succombent. Elles tombent. Les incubes et les succubes. Ici, les Trans travaillent. La ville imprimée dans les lignes qu’elles forment en marchant dans le Parc, les lignes qu’elles prennent, les lignes qu’elles suivent. À Cordoba, avec un accent sur le premier « o », en Argentine. L’alignement des fenêtres, qui ne sont plus si blanches, toutes grillagées, et des portes condamnées comme autant d’alarmes pour se protéger des vols. Des viols. Des coups de feu, des coups de poing, des coups meurtriers dans les reins.

Abdellah Taïa, Marocain, gay et musulman, Florentin Chif-Moncousin, Jean Leclercq (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 12 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Abdellah Taïa, Marocain, gay et musulman, Florentin Chif-Moncousin, Jean Leclercq, PUL (Presses Universitaires de Louvain), juin 2020, 158 pages, 16,50 €

Le roman contre la barbarie. Nous n’avons pas d’autres armes.

Mohamed Leftah

Du particularisme

Le titre de cette réunion d’articles universitaires, dédié au travail littéraire d’Abdellah Taïa (né le 8 août 1973 à Salé au Maroc, ayant soutenu une thèse en littérature française à la Sorbonne), Marocain, gay et musulman, reprend trois identités que Taïa décline, lors de son entretien avec Laurent Dehossay. L’auteur y livre son parcours de « pauvre », son enfance dans un Maroc bien loin de tout folklore, au sein d’un régime monarchique omniprésent. Son « coming-out (…) en janvier 2006 » et l’ensemble de ses propos en font une déclaration où son particularisme se manifeste. Il parle du « blocage (…) surtout dans la famille », dans un pays où les droits LGTB sont sujets de grandes batailles, de répressions féroces. Taïa pose la terrible question de l’exil : un « pays pour mourir, est-ce que c’est le Maroc ou la France ? ». L’entretien se poursuit avec Hassan Jarfi, père d’un fils assassiné victime de violences homophobes, en 2012.

La Robe blanche, Nathalie Léger (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 12 Février 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, P.O.L

La Robe blanche, Nathalie Léger, 144 pages, 16 € Edition: P.O.L

 

Quatrième livre de la romancière française, La Robe blanche déroule plusieurs facettes d’une fiction, qui joue entre chronique familiale, accompagnement délirant d’une aventure aussi délirante, et enfin domaine d’écriture rendue nécessaire, impérieuse.

En 2008, une artiste de Milan, Pippa Bacca, décide d’entamer un voyage, vêtue d’une seule robe blanche, pour réparer des injustices, et ce, par un long périple qui la mène à traverser toute l’Europe. L’épilogue est tragique. On retrouvera dans un fossé la belle robe assassinée.

Ecrire sur cette histoire à la fois dramatique, surréaliste et volontaire, c’est le projet de la narratrice, qui se livre à sa mère, lui explique les tenants et aboutissants de cette intrigue à laquelle la mère ne croit guère.

En contrepoint de ce projet d’écriture et du récit étonnant de l’artiste italienne au destin brisé, il y a la propre tragédie de la mère, et la volonté chez la fille d’en rendre compte, comme si elle aussi devait réparer quoi que ce soit.