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Les Livres

Le Procès de Spinoza, Jacques Schecroun (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Lundi, 14 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Albin Michel

Le Procès de Spinoza, Jacques Schecroun, mars 2021, 348 pages, 21,90 € Edition: Albin Michel

 

Rares, très rares sont les décisions de justice dont l’écho se fait encore entendre des siècles plus tard ou qu’on éprouve le besoin de réviser alors que tous les protagonistes sont depuis longtemps boue et poussière au fond de tombes oubliées. À la tête du jeune État d’Israël, David Ben Gourion essaya, semble-t-il, de faire casser le jugement formulé trois siècles plus tôt, le 27 juillet 1656, par le tribunal rabbinique d’Amsterdam à l’encontre d’un jeune homme de vingt-quatre ans, le déclarant exclu de la communauté juive pour l’éternité. Rien que ça. Mais les rabbins de Jérusalem ne parurent pas mieux disposés que leurs lointains prédécesseurs amstellodamois, dont on peut admettre qu’à défaut d’avoir raison, ils aient eu leurs raisons (on ignore cependant lesquelles). À la froide lumière du regard rétrospectif, leur décret d’anathème apparaît comme un monument d’éloquence grandiloquente et vaguement ridicule, surtout à l’égard d’un des premiers esprits de l’humanité (il faut beaucoup de candeur pour écrire, comme le fait Roland Caillois dans l’édition de la Pléiade : « on ne lui ferme nullement la porte et un paragraphe contient même une sorte de promesse voilée »).

Prendre mot, Philippe Leuckx (par Eric Allard)

, le Lundi, 14 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Prendre mot, Editions Dancot-Pinchart, Poésie, avril 2021, 41 pages, 13 € . Ecrivain(s): Philippe Leuckx

 

« Tout au fond du jour […] juste avant le soir », Philippe Leuckx recueille ce « peu de nous qui tranche entre jour et fuite », pour « un périple étrange dont [on] ne revient pas toujours ».

C’est le moment où le jour, et toute une vie, remonte à la surface de la conscience, où la mélancolie affleure et où le poète Leuckx établit, à l’orée de la nuit, ses quartiers d’écriture.

Souvent, au revers de soi, est rameutée l’enfance : « ce puits sans tain / où puiser / quelque transparence ».

C’est l’heure où la petite musique leuckxienne se fait entendre, à laquelle il faut tendre l’oreille comme on « écoute le cœur », comme on regarde son âme. Elle joue sur une gamme de notes graves, des notes de cœur, justement, et quelques thèmes, qu’on reconnaît de recueil en recueil, familiers mais nouant à chaque fois des liens neufs pour de subtils accords.

Pas de tapage dans la poésie de Philippe Leuckx ; les mots se forment dans « la forge du silence ». C’est sa façon de « prendre la mesure du monde » mais aussi de ce qui bout dans le sang et « incise le cœur ».

À 80 km de Monterey, Guillaume Decourt (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 14 Juin 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

À 80 km de Monterey, Guillaume Decourt, éditions Æthalidès, mai 2021, 96 pages, 16 €

Tentative

Quel plaisir de lire le nouveau travail de Guillaume Decourt où j’ai reconnu différentes tendances littéraires qui me sont familières ou que j’ai moi-même pratiquées. Le résumé est simple – mais toute la difficulté c’est justement de rendre le poème simple et non affecté par des poses : une tentative d’englober. Ce faisant, aller d’une forme vers une réalité augmentée – à l’instar de Cendrars célébrant ses Pâques à New-York. Ici, la réalité qui filtre, c’est le monde anglosaxon. L’auteur côtoie des lieux, des personnes, des littératures multiples et citées comme pour insuffler de la vie, un mouvement intéressant au sein du poème.

Le principe ici est rigoureux : 44 poèmes de 4 quatrains chacun (ce qui m’a rappelé le titre du film d’Abel Ferrara, 4h44, temps d’apocalypse, mêlant la peinture et d’anciens démons d’addictif). Ce protocole compris, Guillaume Decourt mêle à sa pâte linguistique des éléments hétérogènes, hétéroclites en un sens. Cette approche ressemble un peu au travail des Cantos de Pound, lequel par exemple fait intervenir des idéogrammes chinois sans traductions ou des coupures de journaux. Le tout pour en faire de la littérature.

Aux amours, Loïc Demey (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 11 Juin 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Buchet-Chastel

Aux amours, Loïc Demey, mars 2021, 112 pages, 12 € Edition: Buchet-Chastel

 

Très belle rêverie amoureuse, très stylée et inventive, de Loïc Demey : Aux amours s’immisce dans les plis d’une conscience amoureuse qui nomme les lieux, imagine les scènes et les frôlements. Le narrateur enamouré dans une seule lente et longue phrase pressent les sentiments, les offre au lecteur. Sans complaisance, il dessine les pourtours du désir.

Combien de livres n’ont-ils pas cerné les ombres du désir ? Combien n’ont-ils pas offert au lecteur les moyens faciles d’un sentiment neuf, inaccompli ?

Loïc Demey, jeune poète de quarante-quatre ans, nous embarque dans une folle aventure : le temps d’une seule phrase, imaginer, vivre, sentir une passion pour une personne attendue, qui ne vient pas, une Lise adorée, rencontrée en rêverie profonde.

Ainsi sont-ils, Isabelle Flaten (par Pierrette Epsztein)

Ecrit par Pierrette Epsztein , le Vendredi, 11 Juin 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ainsi sont-ils, Isabelle Flaten, Le Réagal-Éditions, 2018, 120 pages, 12 €

 

Entrez mesdames et messieurs, jouvencelles et jouvenceaux, les trois coups viennent de retentir et nous avertir. Le spectacle va commencer. Vous êtes plongés dans le noir de vos existences et vous cherchez obstinément une lueur où tenter de vous agripper. Mais il faudra patienter le temps de la représentation, pour entrevoir la possibilité de sortir de l’ombre et vous retrouver tel qu’en vous-même.

Dans l’intervalle, c’est la montreuse de marionnettes qui va conduire le bal. Elle va vous dévoiler tel que vous croyez être ou peut-être pas. Isabelle Flaten est devenue, le temps d’un livre, Ainsi sont-ils, publié chez Le Réalgar-Éditions en 2018, une marionnettiste. Et nous, spectateur-lecteur, sommes sous le charme. Alors, dans le noir, tombez le masque. Et vous pourrez vous poser la question existentielle essentielle : « Savons-nous vraiment qui nous sommes ? Isabelle Flaten explore des êtres et des situations que nous connaissons tous ou pas. Des positionnements diaprés. Elle sonde des cœurs et des âmes avec une précision d’entomologiste. Tout ce qui touche au monde contemporain l’attire. Et elle ne se prive pas de nous le faire l’observer avec un regard souvent décalé, imprévu.