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Les Livres

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Chez Temporel, Célébration d’André Hardellet, Patrick Cloux, éditions Le Temps qu’il fait, mai 2021, 168 pages, 18 €

Patrick Cloux est de ces fervents de l’auteur du Temps incertain, dans le sillage de Doisneau et du réalisme poétique. Quel bonheur de redécouvrir cet auteur, fêté par Breton, Françoise Lefèvre et bien d’autres, qui mourut jeune, en 1974. C’est un écrivain marginal, des terrains vagues, des vagabondages insolites, des maraudes de l’essentiel. Chasseurs I et II sont des merveilles : répertoires de définitions poétiques, textes en prose, nouvelles. Il figurait sous le numéro 5000 dans la Collection Livres de Poche, avec une belle illustration de Magritte en couverture. Il faut lire lentement André, ses pépites, laisser décanter ses merveilles. Nourri aux littératures de l’étrange où Lewis Caroll, Mac Orlan, Nerval, occupent les hautes marges, Hardellet est un « passeur » insolite de temps et paysages qui n’existent presque plus que sous la dictée de ses trouvailles. Le styliste concis a enfermé dans ses phrases-bocaux les secrets, arcanes et mystères des lieux traversés. De la foire du Trône aux champs de courses de Vincennes, en passant par les lieux très vagues de ses nombreuses enfances, le poète des Chasseurs sait, ô combien, épeler la vie cachée des choses qui ne vibrent plus, fonds de greniers ou de ruisselets, coffres éventés, fourrures mitées mais dont le parfum reste encore longtemps comme une trace impayable.

Souffles avant, Geneviève Catta (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 08 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

Souffles avant, Geneviève Catta, nouvelles, Le Lys Bleu, avril 2021, 96 pages, 11,50 €

 

D’emblée la première nouvelle commence par un dialogue. Le ton du rythme est donné. La vie de tous les jours, surdimensionnée par quelque chose d’extraordinaire, fait surface dans ce style contemporain où alternent introspections et scènes avec souvent « le souffle » pour fil conducteur, ce qui n’est pas banal, et avec aussi, souvent, l’écrit, le mot, le poème, voire la musique, le tout semblant avoir une vérité sociologique particulière : « S’envelopper dans sa tête, chrysalide patiente sur l’empreinte d’hier, l’alternance nourricière du va-et-vient du nouveau fera surgir les mots, bientôt oui, doucement. Emeline s’échauffe à son frémissement et les mots affleurent, oui, oui, le nouveau jouit à la cadence obstinée et lancinante d’Enigma, les yeux sur elle. Et voilà les mots… ».

L’évènement imprévu fuse au moment où on s’y attend le moins. La vie bascule avec parfois une certaine ironie à rappeler le point fort de l’individu obligé de réagir. Comme en écriture parfois, le mot blanc de la vie transcende les mots remplis.

Le Monde d’avant, Journal 1983-1988, Roland Jaccard (par Philippe Chauché)

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Serge Safran éditeur

Le Monde d’avant, Journal 1983-1988, avril 2021, 846 pages, 27,90 € . Ecrivain(s): Roland Jaccard Edition: Serge Safran éditeur

 

« Ce matin, le ciel est à nouveau couvert. L., installée dans mon lit, dévore Les Mots. Période calme, très amoureuse, nous n’avons aucun projet précis. Nous flottons au fil du temps » (25 juin 1983).

« Comme une gymnastique matinale, ce journal sert à me “chauffer”, à me mettre en forme. À me souvenir aussi. Et, parfois, à me fustiger. Misère et ridicule ; ridicule et misère : on en revient toujours là. Ou, autre question rituelle : comment devenir un champion du néant ? » (5.2.1984).

Tenir son Journal est un art littéraire bien singulier et qui ne doit pas s’effriter avec le temps. Les journaux d’écrivains ont traversé les siècles, les guerres et les révolutions, saisissant là en quelques traits précis un paysage, une intrigue, ici une conspiration, un voyage, un état de santé, une amitié, ou encore une effervescence amoureuse, des emportements, un visage, des ruses, des complots, des remarques piquantes sur quelques connaissances, ou parfois des rêves et des souhaits.

Traité d’harmonie littéraire, Ghislain Chaufour (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Traité d’harmonie littéraire, Ghislain Chaufour, éd. Les Provinciales, avril 2021, 222 pages, 20 €

 

Le Traité d’harmonie littéraire est dédié à Pierre Boutang (1916-1998) ; non à sa mémoire, mais comme s’il était toujours parmi les vivants, ce qui est en un sens le cas (le non omnis moriar horatien est une de ces banalités qui recèlent une vérité profonde et triste. Ainsi que le disait Woody Allen : « I don’t want to achieve immortality through my work ; I want to achieve immortality through not dying »). Et ce n’est que justice, car la dette envers l’auteur de Ontologie du secret est grande. Mais Ghislain Chaufour ne se borne pas au statut de simple épigone, de disciple suiveur trottant derrière le Maître, plaquant sur le sujet examiné des catégories, des vues, des idées prises chez lui. De même que Boutang a fini par s’affranchir de Maurras, Ghislain Chaufour a dépassé le stade, à la fois fécond et nécessaire, de l’admiration, pour livrer une pensée propre, différente, aboutie.

L’Espoir musicien, Alain Lévêque (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mercredi, 07 Juillet 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

L’Espoir musicien, Alain Lévêque, éditions La Coopérative, mai 2021, 80 pages, 12 €

Chercher

Chercher est le premier mot qui m’a traversé à la lecture de L’Espoir musicien. Et cela grâce à une implication poétique de l’auteur, qui signe ici son deuxième recueil de poésie, mais qui a publié des études, des essais, des livres traitant de l’art contemporain par exemple.

Univers ? Sans doute. Surtout, poète qui va à la découverte intérieure (du soi-même, si je puis dire) et qui, de cette manière, reste fluide, ouvert, mouvant, meuble. La découverte de soi en passe là par l’étude poétique d’un mouvement, d’une équation vectorielle.  De là encore l’impression d’un allant, d’un amble du poème, flux capable de faire cohabiter le lecteur avec l’idée du seuil, du passage.

Et cet écoulement, cet exorde amoureux qui se poursuit en quelque sorte, sollicite autrui, l’autre, l’Autre peut-être. Toujours est-il qu’il y a une adresse à l’Aimée (fût-elle celle du Cantique). L’amour de l’autre étant devenu une mémoire des gestes, des humeurs, de la joie et de la tristesse. Il demeure une figure de lumière. Ce qui me rappelle nettement mon premier sentiment à l’égard des Yeux d’Elsa. On y reconnaît avec inquiétude presque, l’empreinte d’une sensation d’amour, et ce faisant, d’une quête.