Ce court ouvrage est présenté comme « scénario ». Ludmila Oulitskaïa en a en effet produit plusieurs à destination du cinéma et le texte que Gallimard nous présente ici a été découvert seulement en 2020. En fait, on découvre rapidement qu’on a affaire à un texte très écrit, plus proche de la novella ou du court roman que du scénario. Le talent de la narration y est en quelque sorte décortiqué, décliné trait à trait : ruptures de situations, ruptures de ton, sens formidable du portrait en quelques lignes, ironie mordante du propos, tous les ressorts littéraires qui font de Oulitskaïa un des plus grands écrivains russes vivants se retrouvent condensés dans cet ouvrage.
Certes il s’agit de peste pulmonaire, d’une épidémie donc, qui forcément évoque notre crise sanitaire actuelle. Épidémie réelle, survenue à Moscou en 1939. Ou plutôt, poussée de peste qui fut rapidement contrôlée et éradiquée. Cependant l’intérêt majeur de l’événement est la période où il survient, pendant l’un des épisodes les plus effroyables de la grande Terreur stalinienne. Procès expéditifs, exils au Goulag, exécutions sommaires et assassinats sont le quotidien du peuple soviétique et en particulier de son intelligentsia, Staline a lâché ses chiens du NKVD et la Terreur est partout.