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Les Livres

Applaudissez-moi !, Philippe Zaouati (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Mardi, 18 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Applaudissez-moi !, Philippe Zaouati, Éditions Pippa, septembre 2020, 132 pages, 15 €

Ce livre commence un peu comme le récit d’une dérive situationniste, le personnage central raconte comment le dimanche, souvent ses pas le menaient de son domicile de l’île Saint-Louis au 36 quai des Orfèvres où l’attendait le fantôme de Jouvet. Son ton est presque celui de la nostalgie, il a la couleur des murs gris du bâtiment historique de la PJ. Puis d’un coup, la lumière se fait très dure, elle dessine crûment les contours du décor, et le présent frappe le narrateur de face, l’oblige à dissiper les souvenirs, à affronter le présent, désormais le 36 c’est Clichy, le Bastion avec son imposante façade de verre. « Le temps des petits pas est révolu, une brèche s’est ouverte avec l’épidémie, il est peut-être temps d’y engouffrer nos rêves. On me fait patienter dans une grande salle impersonnelle dans laquelle ont été alignées trois rangées de sièges en résine grisâtre ».

La réalité, c’est que nous sommes en août 2020 au cœur de l’épidémie de Covid 19. Samuel K., expert financier, professeur à Sciences Po, va être mis en garde à vue pour « faux et usage de faux, usurpation d’identité, détournement de fonds, escroquerie en bande organisée et abus de bien social ». Faisant sans doute partie de ces gens qui sont capables d’écrire comme ils parlent, ce qui donne beaucoup de fluidité au texte, le père de notre héros, Philippe Zaouati, va raconter en un long monologue ce qui est arrivé à Samuel K.

Miniature ou Les Mémoires de Miss M., Walter de la Mare (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Lundi, 17 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Joelle Losfeld

Miniature ou Les Mémoires de Miss M., Walter de la Mare, trad. anglais, Christiane Guillois, Florence Lévy-Paoloni, 578 pages, 20,30 € Edition: Joelle Losfeld

 

De prime abord, on sera surpris de savoir que ce roman a pour héroïne une naine. Le talent de Walter de la Mare sait pourtant nous la rendre proche, déployant à l’intérieur du personnage une richesse d’esprit et d’émotions qui, même au-delà de sa taille « hors normes », en fait un caractère proprement exceptionnel.

Le roman nous livre les mémoires fictifs de Miss M., légués à Walter Dadus Pollacke (l’un des rares amis qu’a connus notre héroïne) après que celle-ci a été, selon ses propres termes, « appelée ». Ces mémoires s’arrêtent tout spécifiquement sur la période la plus déterminante de son existence, alors qu’elle a vingt ans, « ces douze mois de ma vie les plus mouvementés, les plus heureux, les plus cruels, les plus chers et les plus noirs ». Très tôt, Miss M. connaît l’épreuve de la douleur en perdant, à peu de temps d’intervalle, sa mère et son père. Contre une somme mensuelle perçue sur l’héritage dont elle dispose, elle est logée et nourrie chez Mrs Bowater.

Et pourquoi moi je dois parler comme toi ? Anouk Grinberg (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Lundi, 17 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Anthologie, Le Passeur

Et pourquoi moi je dois parler comme toi ? Anouk Grinberg, octobre 2020, 256 pages, 20,90 € Edition: Le Passeur

 

C’est en puisant, entre autres, dans la Collection de l’Art brut de Lausanne que la comédienne et artiste peintre Anouk Grinberg a pu rassembler tous ces écrits, dits bruts puisque écrits par des personnes internées et considérées comme démentes ou délirantes. Des écrits souvent dessinés aussi car un bon nombre d’entre eux font l’objet d’un graphisme très particulier et c’est pourquoi on trouvera aussi dans cet ouvrage des photos de ce qui forme une œuvre brute complète.

Anouk Grinberg a une histoire avec la folie, avec celle de sa mère dont elle a eu peur et même honte : « Je ne l’ai pas aimée, je n’ai pas réussi. J’étais de la famille humaine qui se détourne ». Ce livre est sa façon de réparer : « Par un grand détour, ce sont ces hommes et ces femmes qui m’ont conduite vers cette mère, cette femme, et si j’ai négligé de son vivant toutes ses lettres affamées, je suis heureuse aujourd’hui d’être passeuse de textes jamais lus ».

Une Épiphanie, Alexis Bardini (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Lundi, 17 Mai 2021. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Une Épiphanie, Alexis Bardini, Gallimard, mars 2021, 104 pages, 12 €

 

Poème au carré

Le livre d’Alexis Bardini m’a interpellé, autant par le régime poétique de son texte, que par le nombre de réflexions à quoi convie ce recueil. Du reste, l’aspect intellectuel de l’ouvrage prend souvent le dessus, ce qui m’a entraîné, dans ma prise de notes, à revenir davantage sur l’intellection du poète sur son travail, qu’à me concentrer sur une étude musicale de cette herméneutique. C’est en cela que le poème est au carré, multiplié par sa propre substance, sa force. Et dans cette architectonique des vers, il me semble que recueillir le monde dans sa netteté importe moins à A. Bardini que de définir l’acte qui le lie à son énoncé. En un sens, le but latent et supposé en général de l’occupation poétique, celle de rendre acceptable l’univers qui entoure le rédacteur et le lecteur, en passe dans ce livre par une conception du monde comme phénomène de l’écriture, comme si l’écriture enveloppait plus que le simple monde lui-même.

Epuration, Gilles Zerlini (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 14 Mai 2021. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Editions Maurice Nadeau

Epuration, Gilles Zerlini, avril 2021, 164 pages, 18 € Edition: Editions Maurice Nadeau

 

De l’enfer des tranchées de Verdun à l’épuration locale qui a immédiatement suivi le débarquement en Provence en août 1944, c’est la vie de Louis, poilu corse en 14-18, qui est la colonne vertébrale de ce nouveau roman des Editions Maurice Nadeau.

Louis Germani, démobilisé en 18, revient en boîtant, conséquence d’une blessure de guerre, épouser Félicité avec qui il s’installe dans le Toulonnais. De l’union naissent onze enfants en onze ans. Recruté comme égoutier par la municipalité, Louis arrondit ses fins de mois en faisant occultement fonction de rabatteur de clients pour le bordel des Trois-Singes tenu par son amie et amoureuse Marie, alias La Chinoise. Louis, admirateur du « vainqueur de Verdun », est ouvertement pétainiste dès juin 40.

Intercalées dans le déroulement fractionné de cette existence plutôt minable, s’entrelacent d’autres vies, celles de Marie dite La Chinoise, très liée à celle de Louis, et surtout celles, très parcellaires, très épisodiques, en pointillés, de deux autres personnages qui n’ont aucune accointance sociale avec Germani.